Et si la crise du Covid-19 relançait l’ambition climatique et énergétique de la France ? C’est ce qui ressort à la fois des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat qui a placé la rénovation énergétique des bâtiments au cœur du débat sur le plan de relance de l’après-Covid, mais aussi du plébiscite de l’écologie lors du second tour des élections municipales. La performance énergétique du patrimoine immobilier public constitue un enjeu fort dans les engagements pris par la France pour la lutte contre le changement climatique et s'impose comme le défi écologique de la décennie à venir. Un enjeu de taille qui pousse aujourd’hui les collectivités territoriales, aux avant-postes de la conduite de la transition énergétique à l’échelon local, à multiplier les opérations pour gagner en efficacité énergétique et réduire leur empreinte carbone.

Face à l’urgence, l’innovation et la capacité à agir rapidement sont clés dans cette bataille écologique. Une équation loin d’être simple pour nombre de collectivités qui ne disposent pas toujours de la vision d’ensemble nécessaire et des compétences et outils requis pour agir vite et efficacement. Heureusement des solutions existent pour leur mettre le pied à l’étrier, à l’image de « Mon comparateur énergétique », comme nous l’expliquent Cécile Bensa, Vanina Auverny-Bennetot et Vincent Bryant.

 

Qu’est-ce que Mon comparateur énergétique ?

 

Cécile Bensa – « Mon comparateur énergétique » est un service digital en ligne conçu par la Banque des Territoires avec l’appui de la société Deepki, et accessible depuis notre plateforme. Il permet à n’importe quelle commune située en France métropolitaine de comparer sa consommation énergétique avec une commune du même type. Cette comparaison peut être faite soit sur l’ensemble du patrimoine de la commune soit sur des bâtiments spécifiques comme les écoles ou les équipements sportifs reconnus comme étant particulièrement énergivores. Cet outil qui se veut simple et didactique, s’appuie à la fois sur l’open data, au travers des données de l’enquête Energie et patrimoine communale menée par l’ADEME, et sur les données renseignées par la commune elle-même – sa facture énergétique consolidée en euros ou en kilowatts –.

 

Il s’agit donc d’un référentiel pour se positionner ?

 

Vincent Bryant – Exactement. En quelques clics, le croisement de ces données donne lieu à un résultat permettant de positionner la commune par rapport à des communes de même type (taille et climat). Cela peut sembler simple, mais toute la difficulté avec ce type d’outil consiste à comparer ce qui est réellement comparable. Si par exemple, vous comparez des consommations entre deux villes mais que vous ne prenez pas en compte le fait qu’elles n’aient pas eu lieu la même année, qu’elles n’aient pas tout à fait le même nombre d’habitants ni tout à fait les mêmes équipements, ou encore qu’elles n’aient pas la même rigueur climatique, alors en réalité vous comparez des choux et des carottes. Il est très important de pouvoir se comparer à un référentiel. Pour la version actuelle du service nous avons utilisé les données de 2012 de l’ADEME.

 

Quels sont les principaux enjeux pour les collectivités en matière de rénovation énergétique des bâtiments?

 

Vanina Auverny-Bennetot – L’enjeu majeur pour une collectivité est de s’inscrire dans une démarche de gestion dynamique de son patrimoine pour maîtriser le coût global et environnemental de ses bâtiments. Pour cela, il existe plusieurs actions possibles : le maintien en bon état, l’amélioration de la qualité d’usage, la rationalisation de l’occupation, la réhabilitation ou encore l’amélioration de la performance énergétique. Mais l’ultime enjeu est bien de contribuer à l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et également de répondre à l’application du décret tertiaire. Pour mémoire, on vise une réduction des consommations énergétiques de -40% en 2030, -50% en 2050 et -60% en 2050.

En France, une majorité des bâtiments du secteur public sont considérés comme des passoires thermiques donc il y a de gros efforts à faire sur la rénovation énergétique. Rappelons que le secteur du bâtiment représente 1/3 des émissions de gaz à effet de serre nationaux soit une part importante.

 

Quels sont les freins rencontrés le plus souvent par les collectivités dans la mise en œuvre de leur stratégie de rénovation énergétique?

 

VAB – Pour les collectivités, la rénovation énergétique est un sujet perçu comme complexe et très technique qui nécessite une forte expertise. Cette perception n’est pas toujours justifiée, mais nous avons pu identifier plusieurs difficultés. Des freins d’ordres sociologiques tout d’abord. On constate que les décideurs disposent de peu d’indicateurs pertinents sur les dépenses énergétiques, sur l’état de leur patrimoine, sur la planification des investissements et par conséquent les décisions ne sont pas faciles à prendre. De plus, la rénovation énergétique est un acte assez discret, difficile à valoriser auprès des administrés, des électeurs et des usagers des bâtiments, on voit bien que c’est un problème important.  Ensuite, il y a des difficultés d’ordre économique, ce qui n’est pas une nouveauté. Les collectivités sont soumises à de fortes contraintes budgétaires, et cela limite grandement leur capacité d’investissement. Enfin, elles rencontrent un dernier type de barrière, d’ordre technique cette fois, liée à la complexité et à la difficulté d’intervenir en milieu occupé, sans oublier la durée des travaux qui peut également être un frein. C‘est encore plus vrai pour les petites collectivités, moins armées sur ce sujet et disposant de moins d’expertise. Elles ont intérêt à jouer la carte de la mutualisation, à travailler au sein de communautés de communes ou communautés d’agglomérations pour essayer de mutualiser les compétences.

VB – Je partage entièrement ce constat mais j’ajouterais que l’on observe cependant un intérêt croissant et de plus en plus généralisé sur ces questions. Nous n’avons jamais vu autant d’appels d’offres, de consultations, de demandes de devis. Une grande partie des collectivités souhaite mettre en place des actions et est consciente des enjeux liés à ces actions, qu’il s’agisse d’augmenter l’attractivité de leurs territoires, de réduire leurs charges, ou de protéger l’environnement. Nous constatons qu’il y a une prise d’effets de plus en plus importante, renforcée sans aucun doute par la crise sanitaire que nous venons de traverser et la prise de conscience écologique qu’elle a provoquée.

 

Mon comparateur énergique a-t-il le pouvoir de débloquer certaines des situations que vous venez d’évoquer ?

 

CB – D’évidence oui. Il joue un rôle de déclencheur de prise de conscience et d’accélérateur. C’est déjà une première pierre pour sensibiliser les communes et les décideurs locaux sur les enjeux de rénovation énergétique de leur patrimoine bâti, et d’engager le dialogue sur le sujet. Des données complémentaires de compréhension de l’empreinte énergétique de la commune sont également fournies de même qu’un lien vers notre annuaire smart city qui recense près de 280 startups, comme Sobre Energie, Intent Technology ou encore Deepki, qui peuvent réaliser un diagnostic approfondi et agir dans le domaine de la transition énergétique.

VB – La première étape, avant de se lancer dans la rénovation énergétique, c’est de bien connaître son patrimoine et d’évaluer ses consommations énergétiques pour pouvoir élaborer une stratégie patrimoniale. Mon comparateur énergétique est une version ouverte qui s’appuie sur un certain nombre d’algorithmes fondés sur des données objectives que nous avons développés pour d’autres applications, c’est un outil simple, et conçu comme tel à dessein afin qu’il soit plus facile pour les collectivités de rentrer dans le sujet. Ensuite, il est possible d’aller beaucoup plus loin avec ce type de services en ligne. Deepki développe plus largement des plateformes logicielles dotées de fonctionnalités approfondies notamment de détection d’économie d’énergie, d’optimisation des contrats, … qui permettent d’engager des actions plus précises.

 

Cet outil est le fruit d’un travail en écosystème. La conception de nouveaux services en « open innovation » c’est un peu la marque de fabrique de la Banque des territoires?

 

CB – La volonté de travailler en écosystème avec des entreprises privées comme Deepki qui disposent d’une expertise technique pointue sur leurs sujets, est intrinsèque à la Banque des Territoires. Au sein du Département de la stratégie digitale, nous avons à cœur de « pousser » les sujets présentant des enjeux forts pour les collectivités, à leur donner des outils de financement mais aussi de meilleure compréhension des enjeux pour accélérer leur transformation dans les meilleures conditions possibles. Nous le faisons en nous appuyant sur les nouvelles technologies numériques, le traitement de la data et des partenaires experts. Nous sommes d’ailleurs très présents dans l’écosystème d’innovation ce qui nous permet d’en identifier les acteurs les plus agiles et les plus en pointe, et de créer de la valeur ensemble. Collaborer avec des entreprises et des partenaires innovants permet ainsi à la Banque des Territoires de proposer à ses clients une offre experte et plus large sur une chaine de valeur plus étendue, et ce faisant d’augmenter sa force de frappe et son impact sur la transformation des territoires

Sur ce projet, nous avons apporté notre connaissance des enjeux et des attentes des collectivités avec lesquelles nous dialoguons en permanence. Nous avons ainsi identifié le besoin partagé d’un outil de diagnostic rapide sur l’efficacité énergétique de leur patrimoine. Le mode de fonctionnement collaboratif et agile, sur des itérations courtes, mis en place avec les équipes de Deepki nous a permis de lancer très rapidement un MVP (Minimum Viable Product), c’est-à-dire une première application fonctionnelle en version bêta. Nous en étudions actuellement les résultats avant d’envisager sa possible industrialisation sur le long terme.

 

Et pour Deepki, quelle est la plus-value de cette collaboration avec la Caisse des Dépôts ?

 

VB – L’image en premier lieu et le fait de compter parmi nos clients un partenaire aussi sérieux et doté d’une visibilité aussi importante sur le marché français. Cela valorise beaucoup notre action et notre légitimité. En deuxième lieu, je citerais l’alignement de nos missions, et en particulier celle liée à la transition énergétique. Nous avons créé Deepki, avec mon associé Emmanuel Blanchet, il y a 6 ans parce que l’on souhaitait avoir un impact positif, d’un point de vue environnemental, sur la transition énergétique dans l’immobilier, que ce soit dans le public ou dans le privé. Et enfin, nous sommes toujours à la recherche d’opportunités nous permettant d’approfondir nos connaissances des données disponibles dans le monde de l’open data, ici comment exploiter la donnée des collectivités en la comparant à des données qui existent déjà.