Le bien être territorial : construire une vision partagée à l'échelle locale avec les habitants
L’approche des élections municipales de mars 2026 appelle à multiplier les espaces de débat, à l’échelle d’un quartier, d’une commune, d’un territoire, autour de cette question fondamentale : qu’est-ce qui compte et qu’est-ce l’on souhaite préserver et développer aujourd’hui, tout en prenant en considération les générations futures ?
Et vous, qu’est-ce qui fait que vous vous sentez bien sur votre territoire ?
La démarche Bien-être territorial propose une méthode et des outils pour favoriser le dialogue sur ce qui fait que l’on se sent bien sur son territoire. Ces outils sont à disposition des candidats, des élus et de toutes celles et ceux qui sont convaincus de l’importance d’embarquer le plus grand nombre pour imaginer collectivement de nouvelles trajectoires articulant bien-être territorial et soutenabilité environnementale.
Être à l’écoute des habitants sur ce qui fait qu’ils se sentent bien dans leur quartier permet d’enrichir la connaissance du territoire à plusieurs niveaux. Ces échanges offrent une compréhension plus fine de leurs besoins et aspirations, ainsi que des ressources existantes sur le territoire. Ils peuvent permettre d’identifier des « communs » : ces lieux, ressources, évènements ou éléments de patrimoine matériel et immatériel ayant une valeur partagée pour les habitants. En parallèle, cette écoute peut parfois mettre en lumière des zones de tensions : lorsque les aspirations individuelles entrent en conflit, ou lorsqu’il existe un décalage entre les conditions de vie objectivées par les statistiques, et les vécus et perceptions des habitants. Cette connaissance sensible est très utile en amont de l’élaboration d’un projet (d’aménagement, de territoire, etc.), ou lors d’une phase d’évaluation.
Cette connaissance peut être recueillie de diverses manières, mobilisant des approches participatives et qualitatives :
- Des "focus groupes" ou ateliers d’intelligence collective, pour faire émerger des représentations partagées ou points de divergence ;
- Des journaux de bord, où les participants consignent individuellement leurs expériences et émotions pendant plusieurs jours ;
- Des promenades sensibles permettent aux habitants de porter un autre regard sur leur territoire et de les interroger sur leur ressenti dans l’espace, leurs usages et perception des lieux.
Redécouvrir avec un autre regard les lieux qu’on a l’impression de connaître et en fait qu’on ne connaît pas beaucoup
Découvrir ensemble les coins préférés, les choses à améliorer, et puis surtout de pouvoir fédérer les gens du quartier qui ont envie d’échanger par rapport à leurs coups de cœur ou des choses à partager par rapport à l’amélioration du village
Pour aller au-delà de l’expression de préférences individuelles, cette question de ce qui fait qu’on se sent bien sur son territoire peut être mise en débat pour faire émerger ce qui constitue les principaux critères et indicateurs du bien-être territorial, partagés par un collectif d’habitants. C’est aussi l’occasion de sensibiliser sur les potentiels impacts des critères retenus pour les générations futures afin de s’accorder sur un bien-être soutenable. Enfin, cela favorise une expérience collective et partagée de dialogue entre acteurs. En ce sens, c’est un levier de résilience pour nos territoires.
C’est dans un véritable cadre de confiance que se sont déroulés les trois temps de l’expérimentation auxquels des élus ont participé aux côtés des habitants. Je pense que ces moments sont particulièrement précieux pour créer du lien, de la cohésion et surtout l’envie d’apprendre à construire ensemble un village durable, vivable
Qu’est-ce qui compte et qu’est-ce l’on souhaite préserver ? L’ambition de la démarche Bien être territorial
Inspirée des retours d’expérience d’autres initiatives en France et dans le monde , l’Agence de Développement et d’Urbanisme de Lille Métropole (ADULM) anime une démarche partenariale soutenue par l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts pour explorer une manière de définir et de mesurer le bien-être territorial .
La démarche est pensée comme un laboratoire d’innovation ouverte et s’appuie sur la méthode Living Lab, née au M.I.T à la fin des années 1990 et développée en France et en Europe depuis une dizaine d’années (réseau européen des Living Labs, ENoLL). Cette méthode apporte une approche nouvelle de l’innovation en considérant l’ensemble des parties prenantes comme des acteurs clés de la transformation de l’écosystème. L’Agence Hauts-de-France 2020-2040, le Centre Ressources du Développement Durable (CERDD), la Métropole Européenne de Lille et son Conseil de Développement, l’Université de Lille, le Siilab et les communes de Lomme et de Sailly-lez-Lannoy ont activement participé au développement de la démarche.
L’ADULM et ses partenaires ont ainsi produit des outils et une méthode d’animation pour favoriser la création de temps et d’espaces de dialogue sur ce qui fait que l’on se sent bien sur son territoire. A chaque étape de conception, de diffusion et de capitalisation des outils, ont été associés des techniciens de collectivités territoriales et établissements publics, des chercheurs ainsi que des habitants, sur différents territoires de la métropole entre 2021 et 2024.
Définir et mesurer le bien-être territorial, c’est possible !
Trois principaux outils produits sont mis à disposition des élus et acteurs territoriaux. Ils peuvent être utilisés de façon complémentaire selon les objectifs et le calendrier.
Le référentiel du bien-être territorial présente de façon graphique les différents leviers identifiés (être attaché au territoire, s’engager et s’affirmer, vivre dans un environnement sain et sécure, se former à tout âge…). Il permet de susciter les échanges au sein d’un collectif pour faire émerger une vision partagée et spécifique du bien-être territorial, et de s’accorder sur la manière dont on pourrait l’évaluer aujourd’hui et dans le temps. Il a été publié sous forme de poster « Mode d’emploi ».
Les expérimentations portées par l’ADULM auprès d’habitants sur le territoire métropolitain, ont permis d’identifier des critères de bien-être partagés par les différents collectifs : une mixité sociale et générationnelle ; des lieux de rencontres et de convivialité pour créer du lien social entre les habitants ; et disposer de commerces et services de proximité à la fois pour s'alimenter et consommer au quotidien, et aussi pour maintenir une vie de quartier. Ces expérimentations ont également mis en évidence des attentes et des perceptions divergentes selon le contexte territorial. Concernant la dimension « Se sentir en sécurité », elle n’est pas appréhendée de la même façon partout : absence d’incivilité et de cambriolage pour les uns, elle renvoie à la sécurité des itinéraires piétons et cyclistes pour d’autres. Cet exemple parmi d’autres, confirme l’importance de faciliter les espaces de dialogue avec les habitants plutôt que de se référer à une liste de critères « standards ».
Le jeu T.bien.ici ? a été conçu avec les partenaires. A travers deux variantes, coopérative ou compétitive, les participants sont amenés à jouer, débattre et prendre des décisions pour créer ensemble des territoires équilibrés et durables. Le jeu peut être utilisé au sein d’un collectif pour sensibiliser à la notion de bien-être territorial et faire connaître le référentiel, ou dans le cadre d’une réflexion structurée autour d’un projet de territoire comme première étape vers une définition partagée du bien-être territorial et sa mesure.
Un tableau de bord présente une sélection d’indicateurs, disponibles pour les communes du SCOT de Lille métropole et à construire, pour chaque dimension du référentiel de bien-être territorial. En fonction des leviers de bien-être territorial identifiés, le collectif peut retenir les indicateurs les plus pertinents.
Les outils, communs au service des transitions et d’une participation citoyenne accrue
Ces outils, conçus comme des communs, sont accessibles à toutes et tous. Dans une logique d’amélioration continue, l’ADULM en capitalise les différents usages et réappropriations, sur des territoires et auprès de publics variés, dans la métropole lilloise et au-delà.
©Atelier habitants, Lomme - Janvier 2024
A titre d’illustration, le référentiel de bien-être territorial a servi de support à un projet de valorisation de la mémoire d’un quartier en renouvellement urbain. Le référentiel a permis de structurer la parole recueillie des habitants d’hier et d’aujourd’hui autour de ce qui fait l’identité du quartier, de ses atouts et fragilités.
©Vers la construction d’un référentiel du bien-être territorial ©ADULM
Autre exemple, le jeu T.bien.ici ? a inspiré une approche design territorial spécifique qui a mobilisé l’ensemble des politiques sectorielles de la Région Hauts-de-France pour identifier et faire émerger des projets au service d’une démarche transversale sur la santé globale.
Le référentiel et le jeu ont également été utilisés pour travailler sur le parcours résidentiel des seniors dans le cadre de l’élaboration du Plan Local de l’Habitat d’une intercommunalité. En s’appuyant sur les dimensions du référentiel et les cartes personnages du jeu, les participants - élus, des professionnels des secteurs social et habitat, et des agents de la collectivité, se sont projetés sur ce qui freine le passage à un logement plus adapté ainsi que sur les déterminants d’un nouveau cadre de vie désirable.
Ces exemples montrent que les outils développés s’adaptent assez facilement aux différents contextes, publics et territoires visés. Plutôt que de concevoir des outils répondant à tous les besoins spécifiques, il nous semble dès lors intéressant d’encourager la mise en commun des pratiques et des retours d’expérience entre acteurs, afin de construire progressivement une communauté apprenante autour des enjeux de nouveaux récits et d’indicateurs alternatifs pour nos territoires.
Dans la perspective des élections municipales de 2026, l’ADULM prévoit de mobiliser la communauté apprenante pour structurer ces premiers outils dans un kit « Bien-être territorial » plus complet et le faire vivre dans les territoires au service des transitions et d’une participation citoyenne accrue.