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La biodiversité désigne la pluralité et la variété du monde vivant à différentes échelles. Pilier fondamental de nos écosystèmes forestiers, elle participe à la résilience des milieux et est à ce titre essentielle pour les professionnels du domaine forestier.

La France dispose d’une richesse biologique qui se manifeste à travers une multitude d’écosystèmes forestier. Des plantations de Pins maritimes des Landes de Gascogne aux futaies jardinées de Sapins du Jura, en passant par les majestueuses Chênaies du Centre, nos forêts s’étendent sur environ 17,3 millions d'hectares, soit près de 31% de la superficie totale de la France. Cette vaste étendue forestière offre un habitat vital pour une multitude d'espèces puisqu’elle abrite près de 80% des espèces mammifères terrestres et accueille environ 75% de la flore et des champignons présents.

Une composante intrinsèque de la gestion forestière

Chaque espèce joue un rôle dans le fonctionnement de la forêt : les insectes pollinisateurs sont responsables de la reproduction végétale, les rongeurs dispersent les graines, les oiseaux et les chauves-souris régulent les populations de ravageurs, les champignons mycorhiziens facilitent l'absorption des nutriments par les arbres, favorisant ainsi leur croissance et leur santé globale. La biodiversité est un paramètre du bon fonctionnement de l’écosystème forestier. Et un écosystème fonctionnel, c’est un écosystème résilient, qui sait se défendre contre les parasites et s’adapte mieux au changement climatique. La préservation de cette synergie s’inscrit parfaitement dans le principe de multifonctionnalité cher aux forestiers : il ne s'agit pas de minimiser les interventions mais au contraire, de mettre en œuvre une sylviculture durable, qui s’attache à produire du bois de qualité tout en favorisant la préservation des habitats. 

Mesurer la biodiversité forestière avec l’IBP

Les besoins des espèces forestières sont très variés. Pour satisfaire aux exigences d’un maximum d’entre elles, la meilleure solution est de multiplier les milieux de vie et d’assurer leur continuité, dans le temps et dans l’espace. C’est donc cette diversité d’habitats que l’on cherche à mesurer, à l’aide d’un outil intégré désormais à notre gestion courante spécialement conçu par et pour les forestiers: l’Indice de Biodiversité Potentielle(IBP). Développé en 2008 par le CNPF (Centre national de la propriété forestière) et l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), l’IBP a été révisé à plusieurs reprises et son utilisation s’ouvre depuis 2021 à l’international.

L’IBP évalue indirectement la capacité d’un milieu forestier à accueillir la faune et la floreen agrégeant 7 indicateurs liés aux peuplements forestiers (essences autochtones diversifiées, abondance de bois mort, de gros arbres, de milieux ouverts et de dendro-microhabitats…) et 3 indicateurs liés au contexte(continuité temporelle, présence de milieux aquatiques et rocheux).

 Ainsi, au sein de la Société Forestière, plusieurs dizaines de milliers d’hectares ont été inventoriés par nos équipes ces dernières années, toutes ayant été formées à cet outil dès 2021. En pratique, les gestionnaires parcourent la forêt en dénombrant des éléments liés à chacun des dix facteurs, par exemple le nombre de gros arbres morts (plus de 20% des espèces forestières en sont dépendants), de milieux ouverts mais aussi de dendro-microhabitats susceptibles d’accueillir la biodiversité forestière. Ces inventaires peuvent être saisis à l’aide de tablettes de terrain ce qui permet également de géoréférencer les informations. Un score entre 0 et 5 pour chaque facteur est attribué et permet d’identifier les éléments favorables à la diversité en espèces ou, au contraire, ceux insuffisamment représentés qu’il serait souhaitable de faire évoluer. Une bonne manière de passer du diagnostic aux recommandations pratiques !

Favoriser la biodiversité ordinaire et remarquable

L’IBP permet de définir un état zéro et ainsi de piloter la capacité du milieu à accueillir la biodiversité ordinaire. L’objectif est de le faire progresser, en suivant le rythme long la forêt, la prochaine remesure interviendra seulement dans les 5 à 10 ans. Le gestionnaire peut agir uniquement sur les indicateurs liés au peuplements forestiers : en préservant les bois morts au sol et sur pied, en favorisant la diversité dessences autochtones, en identifiant des arbres biodiversité porteurs de dendro microhabitats. Ces arbres sont des « immeubles à biodiversité » : on note la présence de cavités ou loges de pics qui constituent des refuges pour de très nombreuses espèces mais aussi des plantes et lichens épiphytiques comme les mousses, le lierre ou encore le lichen pulmonaire, ce dernier étant un indicateur spécifique de naturalité des forêts.


La biodiversité remarquable est quant à elle, très liée à des espèces ou milieux spécifiques protégés, qui prospèrent en forêt tels que le Grand Tétras, la loutre d’Europe ou encore la Grande noctule. Des partenariats avec des associations et des écologues permettent de protéger ou de réintroduire certaines espèces menacées. Nous accompagnons ainsi la réalisation d’inventaires naturalistes (chiroptères, odonates…), et des projets de restauration de milieux tels que l’installation de nids artificiels pour le Balbuzard pêcheur ou de réhabilitation de mares forestières. Nous adaptons notre gestion sylvicole en fonction des enjeux en instaurant des zones de quiétude, en mettant en place une sylviculture à couvert continu, en créant des corridors écologiques ou encore en installant des îlots de sénescence.

 


 

Gérer les risques pour préserver l’équilibre forestier

L'équilibre est une pierre angulaire de la santé des écosystèmes forestiers. Lorsqu'une espèce, qu'elle soit animale ou végétale, prend le dessus sur les autres, elle perturbe cet équilibre délicat. C'est pourquoi les forestiers surveillent de près la propagation d'espèces exotiques envahissantes telles que la Renouée du Japon, la Berce du Caucase ou l'Ambroisie, qui menacent non seulement la biodiversité locale mais peuvent également avoir un impact sur la santé humaine.

Préserver un bon état fonctionnel des milieux d’intérêt lors de nos opérations sylvicoles est également primordial. Ainsi les tourbières, ripisylves, mares ou landes sont cartographiées et délimitées pour que les opérateurs forestiers les préservent lors des différentes interventions. Des actions plus spécifiques de restauration sont menées telles que de reméandrage lorsque les ruisseaux ont été artificialisés dans le passé, de dégagements d’embâcle ou d’arbres qui viendraient perturber ces milieux. 

La préservation de la biodiversité rythme le quotidien des forestiers qui œuvrent à une gestion durable de nos forêts afin de fournir un matériau responsable à la société. Face au défi croissant que représente le changement climatique, la pérennité de nos massifs forestiers est cruciale pour favoriser les puits de carbone. En favorisant la biodiversité, nous renforçons la résilience des peuplements face à ces risques. En phase avec les attentes de la société, une gestion forestière durable et responsable est donc une démarche essentielle pour concilier préservation de l’environnement et développement économique, assurant ainsi un avenir durable pour les forêts et les générations futures.