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Dans un contexte économique marqué par l'incertitude et le ralentissement de secteurs clés comme la construction, une filière française tire son épingle du jeu : celle du bois. Alors que les indicateurs économiques peinent à rassurer et que la conjoncture pèse sur de nombreux marchés, le marché français du bois fait preuve d’une bonne résilience en 2024. 

Cette performance s'inscrit dans un enjeu plus large pour la France, dont les 17 millions d'hectares de forêts représentent bien plus qu'un patrimoine naturel.  
Couvrant 32% du territoire métropolitaine, ces espaces forestiers constituent un levier stratégique en participant à l’atteinte des objectifs climatiques nationaux en termes de séquestration carbone, et en alimentant l’économie avec une ressource renouvelable capable de se substituer à d’autres matériaux bien plus polluants. Ils représentent également un enjeu majeur en tant que socle d’une filière employant près de 420 000 personnes. 
Comment expliquer cette bonne tenue des prix dans un environnement économique difficile ? Quels facteurs structurels et conjoncturels façonnent aujourd'hui le marché du bois français ? Et surtout, cette dynamique est-elle appelée à perdurer face aux défis climatiques et aux mutations économiques en cours ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé Gilles Cardot, Directeur Clients et Gestion Patrimoniale de la Société Forestière, qui nous livre son analyse des évolutions observées en 2024 et des perspectives qui se dessinent pour cette filière au cœur de la transition écologique française.

Pourquoi avoir mis en place un indicateur du prix des bois ?

Le marché du bois connaît de véritables fluctuations d’année en année, avec des variations selon les essences, les régions, les usages (construction, ameublement, panneau, énergie, …). L’indicateur des prix des bois sur pied en forêt privée publié par l’ASFFOR, en partenariat avec la Société Forestière et les Experts Forestiers de France (EFF) dans le cadre de l’Observatoire Economique de l’interprofession nationale France Bois Forêt, offre aux propriétaires forestiers, aux scieurs et aux investisseurs une référence fiable et partagée des tendances de prix d’année en année et améliore la transparence sur ce marché.

©Société Forestière


Quels sont les principaux facteurs qui impactent les prix du bois ?

De nombreux facteurs influent sur le prix des bois. Au niveau macro-économique, les tendances de prix dépendent de la santé économique des différents secteurs d’activité consommateurs de bois, et notamment :  -    La construction (charpentes, sciages, panneaux, parquets, meubles…), 
-    Le transport de marchandise (bois de palette et d’emballage)
-    La consommation de papier-carton et le prix de l’énergie (bois de faible qualité technologique)
-    Les besoins du marché intérieur peuvent également se trouver en concurrence avec des marchés exports dynamiques

Au niveau d’un lot de bois, les principaux paramètres sont les suivants : 

-    Le volume exploitable, qui doit être suffisamment attractif pour justifier le déplacement d’un exploitant, 
-    La qualité de desserte, qui doit permettre la récolte et la mise bord de route à un cout raisonnable, 
-    L’essence, la qualité et le volume unitaire des bois vendus, dont dépend l’usage qui en sera fait et donc la valeur proposée
-    La demande en bois, en lien avec le tissu industriel et les besoins du marché

L’analyse d’un grand nombre de lots de bois vendu permet de lisser l’effet d’attractivité spécifique d’un lot par rapport à un autre pour mettre en évidence les tendances de marché.
D’autres facteurs peuvent également conjoncturellement affecter le prix de certaines essences en apportant un volume accidentel significatif : récoltes sanitaires, tempête, incendie…

Quelles sont les grandes tendances de l’année 2024 et comment les expliquer ?

Le prix moyen des bois sur pied en forêt privée a augmenté de 7 % toutes essences confondues. Cette hausse est toutefois fortement tirée par l’évolution des prix du douglas, qui reprend 24 % après la baisse de 17 % en 2023. Le pin maritime enregistre également une hausse de 10 %, qui rattrape ainsi la baisse constatée l’année dernière. Le peuplier, qui ne représente pas de volumes importants, augmente également significativement (+26%). Les principales essences feuillues commercialisées, le chêne et le hêtre, voient leurs prix moyens peu évoluer, respectivement -3% et +1%. Cette bonne tenue générale des prix des bois surprend dans un contexte très morose pour la construction, pour la consommation des ménages et pour l’économie en général. La difficulté d’exploitation des bois tout au long de l’année en lien avec la pluviométrie exceptionnelle, ainsi que la baisse des volumes proposés à la vente par les propriétaires forestiers, peuvent expliquer une partie de cette bonne tenue des prix. Les marchés export ont également pu tirer les prix sur certaines essences (douglas). Enfin, la part du bois dans la construction, l’énergie ou l’industrie, augmente d’année en année, ce qui joue également sur les prix.

Quelles sont les tendances de long terme sur 10 ou 20 ans ?

Les besoins en matériau bois sont pressentis en hausse au niveau mondial du fait de ses qualités technologiques. Le développement d’une économie en circuit court, biosourcée et décarbonée, devrait également favoriser la consommation de bois issus des forêts françaises. Les prix devraient donc suivre une tendance haussière dans les années à venir, tout en restant sensibles aux cycles économiques, sanitaires et climatiques.

Quel impact des certifications forestières sur le prix des bois ?

Les certifications forestières comme PEFC ou FSC facilitent incontestablement l’accès à des marchés fermés aux bois non certifiés : grandes enseignes de bricolage, ameublement, papier-carton, marchés publics, export vers certains pays… Nous manquons par contre d’études fiables pour affirmer que les certifications permettent de mieux valoriser les bois vendus.