Dans une France où l'exode rural continue de structurer les représentations collectives, les jeunes ruraux restent l'angle mort des politiques publiques. Alors que les débats sur la jeunesse se concentrent sur les banlieues et les métropoles, près de 3 millions de jeunes âgés de 15 à 29 ans grandissent et construisent leur avenir loin des centres urbains. Cette invisibilité statistique et médiatique pose une question fondamentale : comment garantir l'égalité des chances quand un quart de sa jeunesse évolue dans des territoires aux contraintes spécifiques et souvent méconnues des décideurs ?

Ce dossier, en deux parties, propose d'abord un diagnostic approfondi des défis spécifiques auxquels la jeunesse rurale est confrontée, puis explore les solutions innovantes qui émergent pour garantir l'égalité des chances et revitaliser les territoires ruraux.

Sommaire 

  1. Jeunes ruraux : entre précarité et exode, quand la géographie conditionne les destins
  2. Des solutions innovantes pour retenir et accompagner la jeunesse rurale

Comme le soulignait mon précédent article, les défis sont nombreux pour les jeunes ruraux : accès limité à l'enseignement supérieur, fracture numérique, éloignement des bassins d'emploi. Face à ces enjeux, de nombreuses initiatives innovantes ont émergé ces dernières années pour apporter des réponses concrètes.

Ces projets, portés par une approche territoriale collaborative, illustrent comment il est possible de concilier maintien dans les territoires d'origine et réussite éducative ou professionnelle. Qu'il s'agisse de dispositifs mobiles d'orientation, de campus délocalisés ou d'accompagnement vers l'emploi, ces expérimentations s'appuient sur des principes communs : l'« aller vers » les publics, l'adaptation aux contraintes géographiques et la mobilisation de partenariats locaux.

L'examen de ces dispositifs révèle des résultats encourageants qui invitent à poursuivre ces démarches au service de l'égalité des chances territoriale

1. Accès aux études supérieures :

Le projet OSeR ! qui relève du programme des dispositifs territoriaux pour l’orientation vers les études supérieures (France 2030) a déjà accompagné 7 855 lycéens. Soutenu sur une période de dix ans, il est porté par trois universités des Hauts de France, l’Université d’Artois, l’Université Picardie Jules Verne et l’Université du Littoral Côté d’Opale, en collaboration avec les partenaires du territoire. Elle mobilise les académies de Lille et d’Amiens, les collectivités territoriales, les établissements scolaires du secondaire, les centres d’information et d’orientation.
Ce portage politique et coopératif autour d’un diagnostic partagé et d’un plan d’action commun offre un fort ancrage territorial. 
Le projet s’appuie notamment sur le déploiement de mini « Bus de l’orientation » pour aller à la rencontre des lycéens dans les établissements scolaires, les lieux publics et les lieux de vie, pour les informer et les aider à choisir au mieux leur orientation vers l’enseignement supérieur. 
Les mini bus proposent une approche ludique notamment avec des jeux sérieux qui permettent aux bénéficiaires un changement de posture dans la démarche de choix d’une orientation.
« L’aller vers » à l’aide de bus, offre la possibilité de toucher tous les publics, dont les parents d’élèves, dans des territoires géographiquement enclavés.
 

La création des Campus connectés est une autre initiative prometteuse pour répondre aux contraintes géographiques et financières que rencontrent les jeunes pour accéder aux études supérieures.  
80 % de formations universitaires étant concentrées dans les métropoles, les jeunes des zones rurales et périurbaines se trouvent souvent contraints à une mobilité coûteuse et complexe et renoncent pour beaucoup à accéder aux études supérieures.
Le dispositif Campus connecté vise à permettre aux étudiants éloignés des centres universitaires de poursuivre leurs études localement en associant enseignement à distance et accompagnement de proximité. 
Dans ces nouveaux tiers-lieux d’enseignement supérieurs, portés par les collectivités territoriales, les étudiants ont accès à un cadre structuré et motivant : des tuteurs accompagnent chaque étudiant en les aidant à organiser leur travail, à acquérir des méthodologies et proposent également des ateliers collectifs aux étudiants afin de rompre leur isolement, un enjeu central pour les étudiants en formation à distance.

L'impact positif des 85 Campus connectés déployés se fait déjà ressentir, avec notamment une croissance notable des effectifs depuis leur mise en place : 5 500 étudiants ont été accueillis depuis le lancement du dispositif en 2020 et parmi eux on estime que 23 % des personnes auraient renoncé à suivre des études dans l’enseignement supérieur sans l’existence des Campus connectés.  
En favorisant le maintien des jeunes dans leurs territoires d’origine, les Campus connectés contribuent à la dynamisation des régions et s’inscrivent pleinement dans les objectifs de « France Ruralité Revitalisation », à savoir le renforcement de l’attractivité des territoires ruraux.
Le bilan positif à mi-parcours (notamment 85 % taux de réussite annuelle au sein des Campus connectés) permet d’assurer la continuité des financements et du soutien de la Banque des Territoires, du Ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Secrétariat Général pour l’Investissement. 
 

2.  Maintien de l’accès aux services en milieu rural : 

Il existe également des dispositifs s’adressant en priorité aux jeunes, et qui offrent une large gamme de services (orientation, inclusion numérique, culture, médiation) en lien avec les dispositifs existants des collectivités territoriales comme les France services et des associations telles que les PIMMS (Point d’information médiation multi-services).

-  Les « Espaces services jeunesse », situés dans les collèges et les lycées offrent un bouquet de services liés à l’éducation, à la jeunesse et à la formation. Ils proposent un accueil libre et de qualité à des jeunes à la recherche d’informations en matière d’orientation, contribuent à la promotion de l’utilisation des outils numériques, et font découvrir les dispositifs nationaux en faveur de la jeunesse.
17« Espaces services jeunesse » ont ainsi été déployés permettant d’accueillir 69 115 jeunes depuis le début de ce programme opéré par la Banque des Territoires. 

-  Les 4000 conseillers numériques, dont 579 postes de conseillers numériques sont aujourd’hui attribués en ZRR, interviennent également en complémentarité des France services, dans les bibliothèques, les associations, les mairies, les missions locales, les centres sociaux et les établissements scolaires pour accompagner les jeunes dans leurs démarches du quotidien (comme la recherche d’informations sur leur orientation, la réalisation d’un CV, la recherche des sites pour leur recherche d’emploi…) mais également sur l’appropriation de l’IA.
Ainsi 10 % des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans, 5 % entre 12 et 18 ans et 8 % moins de 12 ans Les conseillers numériques organisent aussi de nombreux ateliers sur l’éducation aux médias et à l’information / les réseaux sociaux à destination des élèves, au sein des établissements scolaires, pour les informer sur les risques liés aux contenus en ligne et les inciter à développer leur esprit critique ; d’autres ateliers sont aussi organisés, sur le thème de la parentalité numérique, réunissant cette fois des parents d’élèves.

3. Faciliter l’accès à l’emploi :

Autre difficulté rencontrée par les jeunes ruraux, l’accès à l’emploi, d’autant plus insurmontable si l’on fait partie des « NEETS » (jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation) et que l’on se sent en situation d’abandon et d’échec, voire d’exclusion sociale de par son éloignement géographique des zones d’emploi.

Le programme d’expérimentation « 100% Inclusion- la fabrique de la remobilisation », opéré par la Banque des Territoires dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences (PIC), a permis de soutenir 107 projets pour accompagner l’accès à l’emploi dans les zones les plus enclavées. 
Parmi ces projets, celui du Combo 77, un dispositif mobile au service de l’inclusion en Seine-et-Marne initié par 6 structures ayant des compétences en matière d’insertion professionnelle et d’accompagnement social et rassemblées en consortium est porté par l’Association « Initiatives 77 ».

Ce bus connecté et itinérant sillonne les communes rurales de la Seine-et-Marne pour repérer, aller à la rencontre et capter ce public dit « invisible » et le remobiliser afin qu’il redevienne acteur de son inclusion sociale.
Par sa démarche « d’aller vers », le bus incite les jeunes à reprendre contact avec une offre sociale de proximité et leur propose un parcours coordonné d’ateliers : accès aux droits, information et d’accompagnement dans le logement, projet professionnel, valorisation et image de soi … tout en étant suivi par un référent dédié. L’objectif principal étant l’emploi, les personnes suivies sont ensuite orientées dès que les freins sociaux ont été levés.
Grâce à Combo 77, 566 personnes ont pu bénéficier de ce suivi individuel, avec un taux de sortie en emploi durable de 46%. 
 

Toutes ces solutions s’inscrivent pour la plupart dans les initiatives mises en œuvre par la Banque des Territoires telles que « Petites Villes de demain»  et « Action Cœur de Ville »   pour lutter contre les fractures territoriales.

L’investissement dans l’avenir des jeunes renforce l’attractivité des territoires ruraux parce qu’un territoire qui éduque, forme et permet l’employabilité de ses jeunes, devient un lieu de vie dynamique et attractif.

 

Quelques Chiffres :

 

Le pôle Parcours vers l’Emploi de la direction des Mandats, c’est :
7 mandats sous gestion France 2030 et programme d’investissement dans les compétences (PIC) pour le Compte de l’Etat 
345 projets lauréats accompagnés 
581M€ 

Dispositif Conseiller numérique
4000 conseillers numériques
dont 1500 conseillers numériques qui interviennent majoritairement en QPV ou dans les Zones de France Ruralité Revitalisation
3,3 millions de personnes accompagnées