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Dans son livre blanc, publié en avril 2025, le groupe SCET et sa filiale Aatiko Conseils analysent la « nouvelle donne » de l’habitat fragile et dégradé à travers « une approche globale et systémique », et listent trois leviers d’action.
L’habitat dégradé résulte de trois principaux facteurs qui s’alimentent mutuellement. Le premier, et le plus évident, est le vieillissement du parc immobilier combiné à un manque d’entretien de la part du propriétaire. Investisseurs en quête de revenus complémentaires ou propriétaires par opportunité ou héritage, certains disposent souvent de moyens financiers restreints qui limitent leur capacité à effectuer les travaux nécessaires à la maintenance de leur bien. À cela, s’ajoutent les marchands de sommeil qui négligent délibérément l’entretien des logements pour maximiser leurs profits.
Le deuxième facteur concerne la spirale de la précarité : les occupants en situation de précarité se tournent vers des logements à bas coût, souvent en mauvais état, perpétuant le cycle de la dégradation.
Enfin, les dysfonctionnements dans la gestion collective des immeubles - coordination défaillante entre copropriétaires, impayés de charges, absence de syndic compétent - entraînent une dégradation progressive tant des parties communes que privatives.
Mais malgré les efforts déployés, l’action publique peine à endiguer le phénomène d’habitat dégradé. Le nombre de procédures engagées et de logements traités chaque année demeure largement insuffisant face à l’ampleur du défi. Pour rompre le cycle de la dégradation, une approche renouvelée, globale et coordonnée, s’impose donc.
La lutte efficace contre le logement dégradé exige une stratégie d’intervention préventive dès les premiers signes de fragilisation, et nécessite une connaissance fine du secteur d’investigation et de l’état réel du parc immobilier. Identifier les logements en voie de dégradation est un exercice difficile, entravé par le manque de données localisées et de ressources dédiées. Des registres et observatoires sont progressivement déployés (registre national des copropriétés, fichiers fonciers, fichier LOVAC) et ont permis d’améliorer la connaissance des enjeux d’intervention. Mais ces données doivent être actualisées régulièrement grâce à un repérage de terrain systématique – c’est là l’un défis majeurs des prochaines années.
Par ailleurs, il est nécessaire de bien comprendre les multiples causes du manque d’entretien : dépréciation immobilière, capacité financière du propriétaire limitée, diminution des recettes locatives, perte d’attractivité du quartier, etc. Des phénomènes contextuels peuvent également être à l’origine du manque d’entretien et de la vacance, tels que la captation des étages par le commerce.
De plus, le logement doit aussi être appréhendé dans sa logique d’appartenance à l’immeuble et au quartier. En effet, la dégradation d’un logement peut provenir d’un facteur isolé (défaut d’équipement, de ventilation, obsolescence énergétique), de l’immeuble lui-même (défaillances structurelles, délabrement des parties communes, infiltrations depuis la toiture ou des réseaux, structuration de la copropriété, endettement, etc.), ou de l’îlot (densité excessive causant un déficit d’éclairement naturel, absence de stationnement ou d’espaces extérieurs).
Cette compréhension globale des phénomènes de dégradation et des moyens disponibles (financiers et en ingénierie) permettra de définir un programme d’intervention en établissant les priorités et le périmètre d’action optimal : est-ce à l’échelle du quartier, de l’îlot, de l’immeuble ? Cette analyse orientera le choix des dispositifs appropriés qu’il s’agisse de la Police municipale, de l’ARS, de mesures incitatives, coercitives, ou d’actions foncières.
La réussite d’un plan de requalification pérenne d’un quartier repose sur un double impératif : être attractif pour la population résidente et pour l’investissement privé. Mais l’amélioration du logement ne constitue qu’une composante de l’amélioration de l’habitat. Il faut résonner en termes d’attractivité́ globale du quartier et d’amélioration des conditions d’habitabilité : performance énergétique, qualités architecturales ou d’usage, présence d’un extérieur, logements traversants, locaux à vélos ou poussettes, stationnement, etc.
En élargissant la focale, il est possible de développer des stratégies de contournement des contraintes liées au bâti ancien telles que l’absence d’extérieurs ou la rareté de locaux annexes. Les actions « hors les murs » s’avèrent particulièrement efficaces et visibles : requalification des voiries et des espaces publics ; intégration des mobilités actives par la création de garages à vélos extérieurs et de stationnements sécurisés ; amélioration de l’offre de services et d’équipements (crèche, maison des associations, équipements culturels et sportifs, maison France Services, etc.).
Le soutien au développement de l’offre commerciale de centre-ville et de proximité favorise également un urbanisme plus équilibré. La maitrise foncière par les communes ou les EPL, potentiellement via des structures foncières comme à Montpellier ou Toulon, constitue l’une des réponses opérationnelles les plus pertinentes.
Cette double ambition d’attractivité résidentielle et d’investissement pour lutter contre l’habitat dégradé s’articule dans la valorisation du patrimoine. De nombreux outils de reconnaissance existent à travers les documents d’urbanisme dédiés (Sites patrimoniaux remarquables, PLU(i) patrimonial), les protections au titre des Monuments historiques, ou les labels (Fondation du patrimoine, Ville d’art et d’histoire, Architecture contemporaine remarquable).
Face aux contraintes inhérentes liées aux logements anciens, la valorisation de la qualité architecturale constitue un élément de réponse complémentaire à l’amélioration du cadre de vie. L’intervention de dispositifs de protection et d’accompagnement (architecte conseil, prescriptions, animation du CAUE, etc.) constitue un appui précieux, tout comme les leviers de défiscalisation en faveur de la réhabilitation des immeubles dégradés, dont le dispositif «Malraux» est le fer de lance. Les montages en SCI, ASL ou SCPI permettent de mobiliser des investissements privés au bénéfice de la réhabilitation des bâtiments dégradés dans les secteurs protégés.
La réussite de toute stratégie de requalification repose sur la capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’aménagement et à garantir une bonne coordination de leurs actions respectives. Mais pour gagner en transversalité et inscrire les interventions dans la durée, il convient de coordonner l’action des acteurs clés, à commencer par une figure souvent négligée : le syndic de copropriété. Rarement placé au centre des dynamiques, il occupe pourtant un rôle pivot pour engager des travaux, assurer une veille et prévenir des difficultés. Le développement du label QualiSR qui atteste d’une compétence particulière en redressement de copropriétés témoigne de cette prise de conscience et favorise la diffusion de bonnes pratiques méthodologiques.
L’accompagnement des propriétaires particuliers peut aussi faire l’objet d’actions spécifiques. Cela peut passer par l’accompagnement des services de l’État en local. L’exemple de la Maison de l’Habitat des Hautes-Alpes illustre cette approche : en rassemblant le Département, l’Agence Départementale d’Information sur le Logement (ADIL) et la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, cette structure unique accompagne tout porteur de projet dans le montage de ses travaux et l’identification des financements mobilisables.
Enfin, quand des mesures coercitives s’imposent, on constate régulièrement une carence de structures en capacité de porter du foncier et/ou de l’immobilier et d’engager des projets de travaux à l’échelle de l’immeuble ou du quartier. Cette lacune se révèle particulièrement problématique dans le cadre de baux à réhabilitation ou de concessions d’aménagement.
Aussi, l’outillage des collectivités est-il un des sujets clés pour répondre à toutes les situations : la création de foncière ou de société́ d’aménagement associant des partenaires publics et privés constitue une réponse adaptée à un enjeu qui ne cesse de s’intensifier et de préoccuper l’ensemble des acteurs territoriaux.
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