Dans une France où l'exode rural continue de structurer les représentations collectives, les jeunes ruraux restent l'angle mort des politiques publiques. Alors que les débats sur la jeunesse se concentrent sur les banlieues et les métropoles, près de 3 millions de jeunes âgés de 15 à 29 ans grandissent et construisent leur avenir loin des centres urbains. Cette invisibilité statistique et médiatique pose une question fondamentale : comment garantir l'égalité des chances quand un quart de sa jeunesse évolue dans des territoires aux contraintes spécifiques et souvent méconnues des décideurs ?

Ce dossier, en deux parties, propose d'abord un diagnostic approfondi des défis spécifiques auxquels la jeunesse rurale est confrontée, puis explore les solutions innovantes qui émergent pour garantir l'égalité des chances et revitaliser les territoires ruraux.

Sommaire 

  1. Jeunes ruraux : entre précarité et exode, quand la géographie conditionne les destins
  2. Des solutions innovantes pour retenir et accompagner la jeunesse rurale

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de novembre 2024 vient combler ce vide en dressant un portrait inédit de la jeunesse rurale. Cette étude se penche sur la tranche d'âge 16-29 ans, période charnière où se dessinent les trajectoires sociales et professionnelles, avec au cœur de l'analyse une question sur le destin de ces jeunes ruraux et l'avenir même des territoires ruraux : partir ou rester ?

Contexte et enjeux : un groupe démographique aux contours mal définis

Représentant environ 24 % de leur classe d'âge mais seulement 14 % des résidents de leurs territoires, les jeunes ruraux constituent un groupe numériquement significatif à l'échelle nationale, mais démographiquement minoritaire dans leurs espaces de vie. Cette sous-représentation locale révèle déjà l'ampleur de l'exode qui caractérise cette génération. Plus préoccupant encore, l'enquête nationale sur les ressources des jeunes de 2014 dénombre environ 338 000 jeunes ruraux de 18 à 24 ans vivant sous le seuil de pauvreté, témoignant d'une précarité économique souvent occultée par l'image d'Épinal de la campagne.

Facteurs de fragilité spécifiques

Si les jeunes ruraux partagent avec leurs homologues urbains certaines difficultés générationnelles – chômage élevé (22,4 %), précarité de l'emploi (37,8 % en CDD ou intérim) –, ils affrontent des obstacles supplémentaires directement liés à leur environnement géographique.

Une moindre présence de services publics et des équipements, malgré le déploiement des maisons France services. Des temps de déplacement longs pour y accéder, sont le premier facteur d'inégalité. La dématérialisation, présentée comme une solution peut aussi se révéler, paradoxalement, un facteur d'exclusion supplémentaire pour les plus vulnérables, creusant une fracture numérique qui se superpose à la fracture territoriale.

L'accès à l'enseignement supérieur cristallise l'ensemble de ces handicaps. Avec seulement 28 % de jeunes ruraux accédant aux études supérieures contre 37 % des urbains, l'écart révèle comment la géographie conditionne les destinées scolaires. Cette sous-représentation n'est pas qu'un chiffre : elle dessine les contours d'une France à deux vitesses où le code postal détermine l'horizon des possibles.

Par ailleurs, l'automobile, symbole d'autonomie, devient pour ces jeunes un impératif économique intenable en raison de son coût souvent prohibitif. Or, sans véhicule personnel, pas d'émancipation possible. Cette équation impossible illustre parfaitement le cercle vicieux de la précarité rurale : pour accéder aux services publics, ainsi qu’aux opportunités d'insertion ou de formation, il faut des moyens qui font précisément défaut aux jeunes ruraux.

Le logement révèle une autre dimension de ces inégalités spatiales. Faute d’un un parc locatif développé, les jeunes ruraux se heurtent à une très faible offre résidentielle. Cette pénurie les contraint à des situations de dépendance familiale prolongée ou de semi-cohabitation, retardant leur accès à l'autonomie et limitant leurs possibilités de mobilité professionnelle.

Enfin, la faiblesse du tissu social et des opportunités de sociabilité pèse sur la santé mentale, créant des vulnérabilités spécifiques. Cette solitude s'aggrave pour les jeunes femmes, confrontées à des inégalités de genre plus marquées et à des violences souvent passées sous silence dans des communautés où tout le monde se connaît.

Vers une politique publique de la ruralité jeune

Face à ces constats, le rapport de l'IGAS appelle à une révolution méthodologique : passer d'une approche sectorielle à une vision systémique des défis ruraux. Cette transformation implique de repenser radicalement l'action publique, en coordonnant les échelons territoriaux et en adaptant les dispositifs nationaux aux réalités locales.

L'enjeu dépasse la seule question sociale ; il s'agit de l'avenir même des territoires ruraux. Derrière chaque jeune qui quitte son territoire se cachent des communes qui se vident et une économie locale qui s'étiole ; heureusement, il existe des solutions.

La Banque des Territoires, opérateur de France 2030 - Programme d’investissements d’Avenir (PIA) et du Programme d’Investissement dans les Compétences, soutient des porteurs de projets qui, par leurs solutions innovantes, œuvrent pour les jeunes issus des zones rurales afin qu’ils aient toutes les chances de construire leur parcours d’avenir et de réaliser leurs objectifs.