Lever les freins au verdissement de la commande publique : mode d’emploi
Avec 170 milliards d’euros engagés chaque année, la commande publique constitue un levier puissant pour accompagner la transition écologique. Pourtant son verdissement se heurte encore à de nombreux obstacles. Pour identifier les freins (juridiques, économiques, organisationnels, opérationnels) et proposer des solutions concrètes pour les lever, le groupe SCET a publié un livre blanc intitulé « Acheter responsable : transformer la commande publique en moteur de transition écologique ». Ce document s’appuie sur une enquête en ligne, menée par le Réseau SCET auprès de 98 acheteurs publics locaux, entre avril et juillet 2025, et portant spécifiquement sur leurs pratiques en matière d’achats durables.
Des initiatives déjà engagées mais concentrées sur les travaux
Premier enseignement : 72 % des acheteurs interrogés ont déjà entrepris des démarches de verdissement, avec pour principales mesures la mise en place de critères d’attribution environnementaux (83 %) et l’insertion de clauses environnementales dans les cahiers des charges (73 %). Si ces mesures concernent tous les types de marchés, ceux concernant les travaux sont nettement majoritaires (84%), devant les services (63%) ou les fournitures (63%).
Technicité et visibilité limitée sur les solutions
Toutefois, pour 28% des répondants n’ayant pas encore franchi le cap, le principal obstacle réside dans le manque de moyens internes face à la technicité du sujet (63 %). Certains outils annoncés dans l’article 36 de la loi Climat et Résilience tardent à devenir opérationnels et peuvent s’avérer complexes à utiliser pour les acheteurs. Un autre frein soulevé par cette même catégorie de répondants est la méconnaissance des solutions existantes (63 %). L’offre n’apparait pas toujours suffisamment mature et connue des acheteurs, qui disposent alors d’une visibilité restreinte sur les options existantes et sur leur efficacité réelle. Beaucoup préfèrent adopter une approche attentiste prudente, guettant les retours d’expérience des acteurs plus avancés avant de s’engager à leur tour.
Le spectre du surcoût initial
Autre frein majeur : le coût. Les biens et services à faible impact environnemental sont souvent plus coûteux à l’achat que leurs équivalents standards. Et même s’ils se révèlent généralement moins onéreux à l’usage, de nombreux acheteurs continuent d’évaluer les offres principalement à court terme. Ce surcoût initial apparaît alors difficilement compatible avec les contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis.
Une montée en compétence progressive
Pour permettre aux acheteurs de gagner en maîtrise sur ce type de commandes, le livre blanc préconise de procéder par touches successives. La première étape consiste à réaliser une cartographie des achats engagés ou à venir, en recensant les clauses, critères et sanctions déjà utilisés dans les contrats – il peut également être intéressant d’obtenir les retours des opérateurs économiques. Ce recensement gagnera à être complété par un partage d’expérience au sein de la structure, afin d’élaborer des clausiers types adaptés à chaque domaine d’achat, simples et évolutifs, qui s’enrichiront au fur et à mesure de leur appropriation par les acheteurs. La cartographie des achats permet également aux structures de planifier le déploiement des clauses vertes en définissant leurs objectifs et leurs priorités, tout en veillant à leur caractère pragmatique et réaliste.
Établir une stratégie, même pour les petits acheteurs
Deuxième étape : formaliser une véritable stratégie d’achats responsables. Le code de la commande publique impose aux plus gros acheteurs (volume annuel supérieur à 50 millions d’euros HT) d’élaborer un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsable (SPASER), qui va définir et orienter la politique d’achats durables de la structure. Bien que non obligatoire pour les structures les plus modestes, disposer d’un document de stratégie reste indispensable pour organiser et développer de manière cohérente l’intégration des préoccupations environnementales dans les marchés, ainsi que pour faciliter le suivi de l’efficacité de la mise en œuvre des mesures.
Identifier les solutions en dialogue avec les opérateurs
Troisième étape : investir en amont pour identifier les solutions existantes, en développement ou potentiellement développables. En effet, les opérateurs économiques ne pourront répondre aux consultations que si les conditions qui leur sont imposées sont réalistes et adaptées. La réalisation d’études et d’échanges préalables avec les opérateurs, dans les conditions prévues par le code de la commande publique, devient indispensable pour préparer la passation de contrats. À défaut, les acheteurs devront recourir à des prestataires spécialisés pour tout ou partie de leurs consultations.
Travailler en transversalité
Enfin, quatrième impératif : mobiliser les compétences nécessaires dans un cadre collaboratif. Techniciens, juristes et financiers doivent travailler ensemble à toutes les étapes de la commande publique, du sourcing au suivi de l’exécution du contrat en passant par la phase des consultations. Cette collaboration permet de trouver le juste équilibre entre les objectifs de développement durable et le respect des principes de la commande publique. Les échanges entre équipes doivent aussi servir à évaluer l’intérêt réel des clauses retenues, à identifier les éventuelles difficultés rencontrées, et déterminer si elles peuvent être réutilisées pour de futurs contrats. La mise en place d’indicateurs et outils de suivi peut s’avérer nécessaire pour mener à bien cette démarche.
Désigner un référent « développement durable » pour coordonner la démarche
Pour favoriser une approche transversale et le travail en mode projet plutôt qu’en silo, le livre blanc suggère de désigner un référent « développement durable ». Sa mission : organiser ce travail collectif, et plus largement coordonner l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie d’achats durables, mettre à jour les outils de suivi et veiller au respect des objectifs et priorités fixés. Ce même référent pourrait superviser la constitution d’une base documentaire centralisée regroupant des ressources déjà̀ mises à disposition par les ministères ou les réseaux d’acheteurs. Les expériences et références des autres acheteurs constituent en effet une aide précieuse pour accompagner la montée en compétences des équipes et la généralisation des bonnes pratiques.
Pour aller plus loin :
©SCET
Télécharger le livre blanc « Acheter responsable : transformer la commande publique en moteur de transition écologique », décembre 2025