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Produire du logement en Provence-Alpes-Côte d'Azur : un véritable défi pour les bailleurs et les collectivités locales

Date de publication 12 décembre 2025

Temps de lecture 5min

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En région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, la pression sur le logement social atteint un niveau record : avec plus de 230 000 demandes en attente – soit neuf candidats pour chaque attribution – les listes d’attente s’allongent et témoignent d’une crise profonde du secteur.  L’année 2025 marque à ce titre un nouveau tournant pour la région : le nombre de nouveaux logements sociaux agréés à la mi-novembre plafonne à 2 724, soit seulement 1/3 des objectifs annuels de production fixés… alors que les objectifs ont déjà été revus à la baisse par rapport à 2024.

Un contexte économique et réglementaire qui fragilise le modèle 

Dans un contexte économique difficile, les acteurs du secteur peinent à suivre le rythme imposé malgré l’explosion des besoins. Foncier rare, procédures longues, crise des promoteurs, modèles économiques des organismes HLM qui se tend : les obstacles se multiplient. Le secteur s’inquiète d’un parc social qui ne représente que 14 à 15% des logements, bien loin des exigences légales dans plusieurs territoires déficitaires : sur les 197 communes concernées par l’obligation SRU[1] en région Sud Provence Alpes Côte d’Azur, seulement 14 respectent leurs objectifs[2].

Plusieurs raisons à cela, et notamment le contexte dans lequel interviennent les organisme HLM qui s’est vu profondément modifié depuis 2016, année du début de la baisse de la production de logements sociaux à l’échelle de la région. Outre les arbitrages nationaux assez défavorables à la construction de logements sociaux et qui ont pesé sur la production des organismes (évolution de la TVA, réduction de Loyer de Solidarité - RLS, etc.), le paysage du logement social a été et reste marqué par plusieurs tendances majeures : 

  • Des incertitudes sur les principaux facteurs d’investissement des organismes de logement social (OLS) qui pèsent lourdement sur leur modèle économique : prêts indexés sur le livret A, inflation et pénuries dans le secteur de la construction, RE2020… ;
  • Des référentiels de production des logements complexifiés par plusieurs programmes de politiques publiques : Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain, Zéro Artificialisation Nette, logement inclusif, Stratégie Bas Carbone, etc. Ces opérations, plus complexes (taille, partenariat, programme, prestations…), nécessitent de mobiliser du temps et des moyens d’ingénierie plus importants ;
  • Des organismes de logement social (OLS) fortement attendus sur les enjeux énergétiques et le renouvellement de leur parc historique, qui doivent trouver des équilibres parfois difficiles entre les investissements financiers dédiés au développement et ceux dédiés à la réhabilitation.
     

Des freins territoriaux qui s’ajoutent aux contraintes nationales

Au niveau local, les dynamiques de développement des organismes HLM sont confrontées également à différentes dynamiques défavorables à la production de logement sociaux : 

  • Des politiques publiques de l’habitat portées de manière hétérogène ou secondaire par les collectivités territoriales, et une gouvernance des sujets habitat éclatée quand elle n’est pas inexistante ;
  • Une opposabilité des impératifs de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) qui cache parfois une forte résistance des collectivités locales à développer du logement social, souvent accentuées par des oppositions de riverains de plus en plus nombreuses ;
  • Une réglementation de l’aménagement et de la construction restrictive en région en région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur (Loi littoral, PPRN[3]…) du fait de la présence de risques naturels plus importants (feux, glissement de terrain...) qui rend plus complexe la production de logements.

Quels leviers d’actions à quelques mois des élections municipales ?

De quels leviers disposent les organismes HLM et leurs partenaires pour accélérer la production de logements sociaux ? Face à ces constats, les acteurs cherchent des solutions comme le montre par exemple les débats qui ont eu lieu en juin dernier, à l’occasion des 50 ans de l’Association régionale pour l'habitat social PACA et Corse (ARHLM Paca Corse), où des pistes ont été partagées à l’ensemble des parties prenantes du territoire. 

  • Changer les représentations du logement social
     

Le premier levier est certainement de faire évoluer l’appréhension du logement social sur un territoire marqué encore par une forte représentation du logement social à travers les Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV) dominés par les tours de logements sociaux. Renforcer la communication auprès du public est primordial : campagne de communication, organisation de concertations, tables rondes animées par les élus locaux et acteurs du logement social pour mieux partager les vertus du logement social : répondre aux besoins des travailleurs clefs, loger les étudiants ou les saisonniers, proposer des foyers résidences aux seniors… 

  • Mieux adapter l’offre aux besoins réels
     

Un autre défi majeur est de renforcer l’adéquation entre les besoins identifiés par les collectivités territoriales et les produits proposés par les bailleurs sociaux. Le déséquilibre se traduit souvent par un manque de diversité dans les types de logements proposés, avec un focus sur les PLAI-PLUS et une faible intégration du Prêt Locatif Social (PLS) ou du Bail Réel Solidaire (BRS), ce qui ne répond pas toujours aux profils variés des demandeurs. Sur le terrain, les petites opérations ou les acquisitions-amélioration restent sous-représentées, faute de mobilisation des opérateurs, bien que ces types d'opérations soient essentiels dans certains secteurs complexes.  

  • Débloquer l’accès au foncier
     

Concernant l’accès au foncier, la région présente des contraintes spécifiques, comme les risques d'inondation (899 communes sur 946 sont exposées au risque d'inondation[4]), ou les charges foncières très élevées dans certaines zones urbaines (la charge foncière représente aujourd'hui en moyenne 20 % du bilan d'une opération de logement social en région Sud Provence Alpes Côte d’Azur). Ces obstacles freinent la mobilisation des collectivités et des opérateurs pour constituer des réserves foncières. Pour y répondre, des actions telles que l’instauration d’observatoires fonciers et la formation aux outils d’urbanisme et de recyclage des fonciers pourraient être déployées. La mise en place de ces observatoires, l’accompagnement des collectivités à mieux cadrer leurs programmations (avec des limites de volume, localisation et prix) et le renforcement d’opérations d’aménagement d’ensemble sont autant de solutions pour faciliter la production de logements sociaux adaptés aux besoins réels 

  • Maitriser les coûts de production
     

Enfin, la question des coûts de production demeure cruciale. Le prix de revient au mètre carré a augmenté de manière continue, provoquant une tension financière pour les organismes HLM. Face à cette réalité, il semble pertinent d’aider les entreprises à mieux répondre aux marchés publics, d’accompagner les bailleurs sociaux dans la diversification de leurs modes de production (exemple : co-promotion), et de structurer un tissu local d’entreprises capables de répondre efficacement aux appels d’offres. Par ailleurs, le financement des opérations se complique avec une baisse des prêts bancaires et une hausse des fonds propres investis. L’accès et la connaissance des dispositifs d’aide doivent être améliorés par des formations spécifiques.

Un partenariat renforcé pour relever le défi

Ces pistes bien que non exhaustives doivent reposer sur une collaboration régionale renforcée entre collectivités locales et les Organismes HLM, avec pour ambition de surmonter les obstacles et d'adapter l’offre aux besoins croissants, dans un contexte où la pression démographique et la demande en logements sociaux continuent d’augmenter fortement. 

Ce partenariat est clé pour bâtir les conditions d’un logement social durable et accessible en région Sud Provence Alpes Côte d’Azur et c’est à cette conditions que le défi du logement sera relevé par le territoire. 

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Notes

 [1]Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU)
[2]Gap, Saint André de la Roche, Valbonne, Aubagne, Berre l’Etang, Istres, Martigues, Miramas, Port de Bouc, Port Saint Louis du Rhône, La Roque d’Anthéron, Vitrolles, La Garde et Avignon
[3]Plans de prévention des risques naturels (PPRN)
[4] https://www.scet.fr/livre-blanc-lassurabilite-des-territoires-une-affaire-detat/ ; voir également l’article La crise de l’assurabilité menace la soutenabilité des territoires