Le projet « Recomposer le territoire pour mieux s’adapter aux risques » est le fruit d’une collaboration entre l’École Urbaine de Sciences Po Paris et l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts. Dans ce cadre, Nathan Arsac, Alice Bonzom, Maya Dehove, Corentin Deshaies et Alice Montuori ont réalisé un travail de recherche et d’analyse autour des politiques de recomposition territoriale face aux risques d’inondation. Ces travaux ont donné lieu à un rapport identifiant les leviers d’action, les freins rencontrés et les compromis possibles pour repenser l’occupation des sols dans un climat qui change.
 
Le podcast « Ce(ux) que l’eau déplace » et la série d’articles qui suit en proposent une synthèse. S’appuyant sur l’étude comparative de 5 terrains confrontés à des inondations, en France et Italie, cette série déchiffre les dynamiques à l’oeuvre dans les projets de recomposition territoriale, depuis leur conception jusqu’à leur mise en oeuvre concrète. Elle met en lumière les enjeux de gouvernance (Article 2), de financement (Article 3), d’acceptabilité sociale (Article 4) et de transformation spatiale (Article 5) qui traversent ces démarches.

 

RECOMPOSER LE TERRITOIRE POUR S'ADAPTER AUX RISQUES

Le risque d’inondation, une menace en progression

Aujourd’hui en France, une personne sur quatre est exposée à un risque d’inondation, selon le ministère de la Transition écologique. La multiplication des inondations dramatiques relayées par les médias illustre bien la fréquence et la violence croissantes de ces phénomènes, amplifiés par le changement climatique. Ces catastrophes ne sont pas des événements isolés, mais constituent une réalité de plus en plus marquée dans notre environnement. Ce constat est d’autant plus frappant qu’en France, les inondations représentent le premier risque naturel, tant par l’ampleur des dégâts que le nombre de communes concernées, l’étendue des zones inondables et la part de la population exposée. Face à cette menace croissante, il est essentiel d’analyser les stratégies de transformation du territoire mises en place pour y faire face. 

Qu’est-ce que la recomposition territoriale ?

La notion de « recomposition territoriale » traduit une approche globale et intégrée à l’échelle des territoires, comprenant des processus de désurbanisation, relocalisation, renaturation et réaménagement. Concrètement, il s’agit d’observer les espaces où du bâti a été démoli pour réduire leur exposition au risque. C’est aussi l’occasion de penser l’avenir des zones déconstruites, tout en intégrant les logiques socio-spatiales propres à chaque territoire dans les projets de réaménagement. Ainsi, la recomposition territoriale consiste à déconstruire les enjeux (routes, biens immobiliers…) situés en zone à risque, puis à réaménager de façon douce ces zones (végétalisation, rechargement en sable, création de déversoirs...) afin qu’elles puissent constituer un espace ou une infrastructure naturelle de protection, tout en nourrissant de nouveaux usages (Chotard et al., 2021). Les enjeux peuvent être déplacés ou simplement supprimés, conduisant dans ce second cas à une réelle diminution de la surface urbanisée. La notion de recomposition territoriale englobe toutes les composantes et étapes de ce type de projet territorial, de la déconstruction au réaménagement.

Méthodologie : cinq territoires à la loupe

Notre enquête repose à la fois sur une méthodologie qualitative, fondée sur un croisement d’entretiens semi-directifs et d’observations de terrain, et sur une analyse de la presse et de la littérature scientifique. Les observations de terrain se sont matérialisées par cinq déplacements, réalisés entre janvier et avril 2025.


> Anticiper pour mieux protéger : la recomposition préventive

Deux d’entre eux correspondent à des territoires engagés dans une démarche de recomposition préventive, en anticipation de risques identifiés, mais avant l’occurrence d’une catastrophe majeure. Il s’agit ici d’analyser comment la planification, la gouvernance et la concertation peuvent permettre d’agir sur la vulnérabilité des territoires avant qu’ils ne soient confrontés à l’aléa.

  • Le quartier de la Bouillie à Blois, un cas emblématique de désurbanisation préventive depuis 2003. Cette opération a consisté à racheter puis démolir les logements et les commerces du quartier servant de déversoir face aux risques de crues de la Loire. Aujourd’hui, un projet de réaménagement de l’espace en parc agricole et naturel urbain est en cours de réalisation ;

  • Les aménagements du Conservatoire du littoral en Normandie : le site de l’estuaire de l’Orne faisant évoluer ses usages par de nouveaux cheminements touristiques et la suppression d’un parking proche de l’estuaire, et le projet Basse-Saâne 2050, qui vise à faciliter l’écoulement de l’eau dans l’estuaire de la Saâne grâce à la réalisation d’un pont aux dimensions repensées et au déplacement d’un camping municipal.

> Reconstruire après la catastrophe : la recomposition « réactive »

Deux autres terrains ont été étudiés pour analyser le contexte de gestion des territoires après un événement destructeur ayant entraîné des pertes humaines et matérielles importantes. Ces situations permettent de comprendre comment l’urgence, la pression médiatique, ou la mobilisation des aides financières peuvent déclencher des dynamiques de recomposition rapides.

  • L’agglomération de Carcassonne, touchée en 2018 par des inondations violentes ayant causé quinze morts : depuis, les villages alentours recomposent leurs territoires et particulièrement les entrées de villes et leurs centres historiques ;
  • La vallée de la Roya, qui a subi la tempête Alex de 2020 ayant causé onze morts : plusieurs villages fortement impactés tentent de recomposer leur territoire malgré les dégâts importants et la topographie montagneuse qui complique la relocalisation ou l’adaptation des structures existantes.

> Une approche hybride : l’exemple piémontais

Un dernier terrain à l’étranger, la région Piémont en Italie, combine approche préventive et gestion de crise. À la fois marqué par des épisodes de crues et par une politique ambitieuse en matière de relocalisation préventive à l’échelle régionale, ce cas hybride nous permet d’interroger une trajectoire d’adaptation plus globale, mobilisant des outils fonciers, financiers et paysagers à une échelle de gouvernance plus large.

Quatre articles, quatre problématiques

Notre analyse se concentre sur les moyens de surmonter les blocages institutionnels, financiers et sociaux qui freinent la mise en œuvre des projets de recomposition territoriale. L’objectif : en faire une réponse efficace, acceptable, voire désirable à l’exposition croissante aux risques naturels. Notre travail interroge quatre dimensions fondamentales de la recomposition territoriale, développées dans quatre articles :

  1. Gouverner la recomposition territoriale face aux risques : coordination, échelle et temporalité pour une adaptation durable
  2. Acquisition du foncier et financement de la recomposition territoriale : mobiliser les ressources pour transformer
  3. Conduire le changement territorial : vers une transition habitée et partagée
  4. Transformer la vulnérabilité en opportunité : la valeur ajoutée de la recomposition territoriale

 

Pour approfondir

A écouter !

©Marine Giraud

Découvrez ici les 4 épisodes de notre podcast Ce(ux) que l’eau déplace, qui donne une voix à notre recherche à travers des récits captivants et des entretiens inspirants avec de nombreux acteurs engagés pour explorer en profondeur les enjeux de la recomposition territoriale :

  • Quelle gouvernance pour porter ces transformations ?
  • Comment financer ces mutations coûteuses ?
  • Comment embarquer les habitants dans ces changements de vie radicaux ?
  • Comment transformer la vulnérabilité des territoires en opportunité ?

A lire !

Couverture du rapport Recomposer le territoire pour s'adapter aux risques

 

Découvrez notre rapport complet « Recomposer le territoire pour s’adapter aux risques » consultable en ligne sur le site de l'Institut pour la recherche