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Crédit ©weyo / AdobeStock
Le budget européen intimide par sa taille monumentale, la complexité de son architecture et le dédale de ses programmes. Mais c’est le cadre essentiel dans lequel se déploient de nombreuses politiques européennes majeures : compétitivité, cohésion territoriale, défense européenne, politique agricole… Alors que les défis n’ont jamais été plus grands, et les ressources disponibles plus contraintes, quel budget la Commission propose-t-elle de bâtir pour la période 2028-2034 ? Petite visite commentée d’un projet titanesque !
La proposition que la Commission a rendu publique en juillet dernier est la première étape d’un chantier qui va s’étendre sur de longs mois : le Conseil, où siègent les Etats membres, et le Parlement européen ont théoriquement jusqu’à la fin 2027 pour négocier sur la base de la proposition de la Commission – le budget devait entrer en vigueur en 2028 pour une durée de 7 ans. Mais pour laisser le temps nécessaire aux « finitions » - en particulier à la négociation des plans nationaux – l’idéal serait que la négociation du cadre européen – le « gros œuvre » -aboutisse à la fin de l’année 2026. Mais les chantiers de cette ampleur présentent souvent des aléas !
Il faut dire que le monument à bâtir est colossal : avec une enveloppe de 2 000 milliards d'euros, soit 1,26 % du revenu national brut de l'Union, ce budget est le plus important jamais présenté au niveau européen. Cette augmentation est néanmoins en « trompe-l’œil », le budget actuel (2021-2027) une fois prise en compte le plan de relance adopté suite à la crise du Covid (NextGeneration EU) – qu’il faudra rembourser - et par les instruments tels que la facilité pour Ukraine, atteint un volume équivalent.
Ce budget demeure néanmoins ambitieux en termes d’objectifs puisqu’il doit renforcer la souveraineté, la compétitivité et la résilience de l'Europe – à un moment où les défis se multiplient : instabilité géopolitique, révolution technologique liée à l’IA, concurrence internationale exacerbée, menaces climatiques, vieillissement de la population…
Dans une période d’incertitudes croissantes, ce budget doit ainsi concilier flexibilité – face aux aléas financiers, géopolitiques, environnementaux, sanitaires… - et prévisibilité – pour laisser le temps aux politiques européennes de se déployer. Il doit également être lisible et sa mise en œuvre doit être simplifier, dans un souci d’efficacité et de réactivité.
Le tout, avec des moyens budgétaires contraints. Alors que les Etats membres disposent de marges budgétaires limitées, la Commission propose d’augmenter (augmentation du taux d’appel de la taxe sur les plastiques non recyclés par exemple) ou de créer (nouvelle taxe sur le tabac, contribution forfaitaire des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros) des ressources qui ne pèsent pas sur les budgets nationaux.
Pour parvenir à relever ces défis et répondre à ces contraintes, la Commission a proposé un budget doté d’une architecture profondément rénovée, autour de trois grands piliers correspondant à de grandes priorités stratégiques :
-    Pour favoriser la prospérité, la durabilité et la sécurité, les plans de partenariat nationaux et régionaux, qui rassemblent notamment les fonds de cohésion et la politique agricole commune, doivent permettre de lier les investissements et les réformes ;
 
Source :https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52025DC0570
Source : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52025DC0570
Un effort particulier porte sur le financement des infrastructures européennes, qui sont l’armature indispensable d’une Europe compétitive.
Source : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52025DC0570
Pour bâtir ce budget ambitieux, au-delà d’une architecture simplifiée, la Commission propose de moderniser la gestion européenne. Tout d’abord en généralisant une gestion par les résultats, telle qu’elle a pu être développée dans le cadre des plans de relance : la définition d’indicateurs et de jalons permet de mettre l’accent sur la performance de la dépense.
Ensuite en favorisant le recours accru à des instruments financiers pour accroître l’effet de levier de chaque euro dépensé. La Commission propose ainsi de prolonger l’instrument InvestEU (qui aujourd’hui permet de garantir des projets ou de financer de l’assistance technique pour accompagner les porteurs de projet) et d’en faire le réceptacle de tous les instruments financiers (dette, fonds propres, garanties et contre-garanties) qui pourront être mis en place dans les différents programmes.
Pour bâtir ce monument budgétaire, la mise en œuvre est néanmoins aussi importante que la conception ! Le prochain cadre budgétaire offrira l’opportunité de déployer à grande échelle les principes d’une « architecture ouverte », qui permettent à la Commission européenne de s’appuyer sur un réseau de partenaires de mise en œuvre pour déployer ses instruments budgétaires au plus près des besoins territoriaux.
Dans le cadre de l’instrument InvestEU, aujourd’hui et demain encore davantage, des institutions telles que la CDC et Bpifrance en France, la Casse Depositi e Prestitii en Italie ou la Banque Européenne d’Investissement, se mobilisent en soutien des politiques publiques européennes. De manière à ce que chaque euro du budget européen produise le levier maximal pour renforcer la compétitivité et la souveraineté européennes.