Depuis le 7 décembre et jusqu’à demain se tient à Montréal, la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, ou COP15 Biodiversité, dans un contexte largement documenté par les travaux scientifiques : plus d’un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction à court terme et les trois quarts des écosystèmes terrestres souffrent des activités humaines. Aucun des précédents objectifs globaux sur la période 2010-2020 n’a été atteint, la biodiversité continue de s’éteindre. Des écosystèmes sains sont essentiels pour atteindre les objectifs de développement durable et espérer limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C.
Cette COP doit permettre de parvenir à un accord historique pour contribuer à stopper voire inverser la perte de biodiversité d’ici la fin de la décennie.

La biodiversité c’est la vie

L’état de la biodiversité s’est dégradé rapidement en parallèle de la révolution industrielle et de nos modes de vie, comme le montre les travaux de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Cinq facteurs directs de pression s’exercent sur la biodiversité : le changement d’usage des terres et des mers, la surexploitation des ressources, les changements climatiques, la pollution et les espèces exotiques envahissantes.

La Convention sur la diversité biologique (CDB)

Les trois conventions internationales issues du Sommet de Rio de 1992 structurent une partie importante de la gouvernance internationale sur les enjeux environnementaux en définissant des cadres mondiaux pour guider l'action de tous les acteurs et fournir des objectifs associés à un calendrier de mise en œuvre. Il s’agit de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (dont la COP27 a eu lieu en novembre à Charm el-Cheikh en Égypte), la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et enfin la Convention sur la diversité biologique.

Lors de la 10ème Conférence des Parties (COP10) à la CDB en 2010 à Nagoya (préfecture d'Aichi au Japon), un Plan stratégique pour la biodiversité pour la période 2011-2020 avec 20 objectifs a été adopté. Malheureusement, il est considéré qu'aucun des 20 objectifs mondiaux dits d’Aichi n'a été pleinement atteint (six l'ont été partiellement) sur la période. Les moyens mobilisés pour la mise en œuvre et la précision des objectifs pour suivre cette mise en œuvre sont souvent identifiés comme des causes majeures de cela.

La COP15 de la CDB : une échéance attendue

Reporté à plusieurs reprises du fait de la pandémie de covid-19, la COP15 se déroule actuellement à Montréal alors qu’elle était initialement prévue en Chine à Kunming en 2020. Elle vise à l’adoption d’un nouveau cadre stratégique mondial pour la biodiversité pour l’après-2020. Concrètement, le projet de cadre comprend une vingtaine de cibles qui ont pour échéance de mise en œuvre l'année 2030. Celles-ci sont définies pour contribuer à la vision à 2050 de vivre en harmonie avec la nature matérialisée par quatre objectifs à 2050. Ces objectifs sont articulés autour des enjeux suivants :

  • Objectif A : réduction des menaces sur la biodiversité (principales pressions, restauration des écosystèmes, aires protégées, lien climat/biodiversité...) ;
  • Objectif B : usage durable de la biodiversité (usage durable des espèces, gestion durable des systèmes productifs...) ;
  • Objectif C : partage des avantages issus des ressources génétiques ;
  • Objectif D : moyens de mise en œuvre dont mobilisation de financements (élimination des subventions néfastes, intégration sectorielle de la biodiversité, alignement du secteur privé, nouvelles ressources supplémentaires).

Il s’agit, d’ici 2030, de « prendre des mesures urgentes pour arrêter et inverser la perte de la biodiversité ». Pour la mise en œuvre du cadre, les pays devront actualiser leurs stratégies nationales pour la biodiversité. Ils devront établir des cibles/indicateurs nationaux alignés sur ceux du cadre mondial. Les résultats et progrès devront être examinés périodiquement, aux niveaux national et mondial. Une liste d'indicateurs de référence a été établie pour faciliter le suivi et le rapportage.

Les 22 cibles du cadre précisent les actions à mettre en œuvre sur les facteurs directs et indirects de la perte de la biodiversité́. Ils sont présentés en 3 catégories :

  • La réduction des menaces sur la biodiversité ;
  • Les réponses aux besoins des populations à travers l'utilisation durable et le partage des avantages ;
  • Les outils et solutions de mise en œuvre et d’intégration (mainstreaming).

Les principaux objectifs peuvent être résumés ainsi :

  • L’arrêt de l’érosion de la biodiversité d’ici 2030 et la fixation de « gains nets de biodiversité » sur la période 2030-20250. Cet objectif signifie que le niveau global de biodiversité devrait cesser de décliner à partir de 2030 pour ensuite réaliser des « gains nets » de biodiversité sur la période suivante par la restauration des écosystèmes ;
  • Le « 30 par 30 » : protéger 30% des terres et 30% des océans d’ici 2030 grâce à des systèmes ou réseaux de zones protégées et autres mécanismes aux échelles nationales ou mondiales ;
  • Le financement de la biodiversité en mobilisant des financements additionnels. Certains pays en développement estiment également que la création d’un nouveau fonds multilatéral spécialisé dans le financement de la biodiversité, tel qu’un « Global Biodiversity fund », pourrait être un levier pour mobiliser davantage d’aide publique au développement en faveur de la biodiversité avec un engagement qui pourrait être le pendant de l’engagement de 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement pour le climat. Selon l’ONU, les « investissements dans la nature » doivent atteindre 384 milliards de dollars par an d’ici 2025, soit plus du double des niveaux actuels ;
  • L’identification et la redirection des subventions néfastes (principalement à l’agriculture et aux pêcheries) : ces financements sont évalués à 1 800 milliards de dollars par an (OCDE) ;
  • La réduction de la pollution agricole, des pesticides et une production plus durable ;
  • Le déploiement des solutions fondées sur la nature notamment pour lutter contre le changement climatique ;
  • L’information de séquençage numérique (« Digital sequence information » ou DSI en anglais) : c’est-à-dire l’accès et le partage des avantages liés au séquençage génétique ;
  • La prise en compte de la spécificité des peuples autochtones et les savoirs traditionnels.

Mobilisation des acteurs économiques pour la mise en œuvre des engagements internationaux

Tous les secteurs économiques sont concernés par une ou plusieurs cibles du cadre directement ou indirectement. La cible 15 en particulier pourrait viser spécifiquement l'intégration de la biodiversité dans tous les modèles économiques. La redirection et la mobilisation de ressources de toutes sources (publiques, privées, nationales et internationales) pour le financement de la préservation de la biodiversité sera également un enjeu clé pour la mise en œuvre des différentes cibles et objectifs qui pourraient être adoptés avec ce nouveau cadre mondial.

Si certains acteurs économiques se sont déjà saisis des enjeux de préservation de la biodiversité, la majorité est encore trop éloignée du sujet. La mise en œuvre d’un nouvel accord international nécessitera à la fois la déclinaison en termes d’engagements et de règlementations au niveau national, mais également l’engagement de tous les acteurs économiques : entreprises, investisseurs publics et privés et des citoyens.

Une contribution clé pour la cible 15 : le GBS, outil de mesure d’empreinte pour les acteurs économiques

Tous les acteurs, y compris ceux à l’origine des activités économiques qui ont un impact fort sur notre environnement, sont appelés à s’engager en faveur de la biodiversité. Le Global Biodiversity Score (GBS) est un outil développé par CDC Biodiversité qui permet aux entreprises et aux institutions financières de mesurer leur empreinte biodiversité.

Officiellement lancé le 12 mai 2020 après 5 ans de développement, le GBS est mis à jour au fur et à mesure des besoins identifiés dans le cadre de retours d’expériences et des tests. Le GBS permet aux entreprises et institutions financières de mesurer leur impact sur la biodiversité et d’intégrer cette information dans leur politique de pilotage opérationnel et leur stratégie décisionnelle. Il permet ainsi de s’aligner avec les objectifs internationaux et avec la réglementation en constante évolution. En 2021, CDC Biodiversité a initié le développement d’une déclinaison de l’outil GBS pour les collectivités, afin de leur permettre également de mesurer leur empreinte biodiversité.

De nombreux membres de l’écosystèmes GBS (entreprises et investisseurs), membres du club B4B+ pour Business For Biodiversity Positive, se sont déplacés pour partager leur expérience de l’évaluation d’empreinte biodiversité. Une étape importante pour l’élargissement de la communauté d’utilisateurs et une contribution concrète au soutien à l’ambition de la cible 15 (notamment sur l’ambition de mesure et de réduction de l’empreinte biodiversité des acteurs économiques de 30 à 50%).

Engagement biodiversité du groupe Caisse des Dépôts

En parallèle des négociations de la COP15, le groupe Caisse des Dépôts a publié le 13 décembre 2022 sa Politique biodiversité.

Très concrètement, en s’appuyant sur le GBS et la solution BIA-GBS (Biodiversity Impact Analytics alimentée par le GBS), d’ici 2024, les entités du groupe Caisse des Dépôts mesureront leurs empreintes biodiversité pour leurs activités opérationnelles et portefeuilles d’investissements. Les investisseurs institutionnels du Groupe ont même déjà publié l’empreinte biodiversité d’une partie de leurs portefeuilles d’actifs.

La production de connaissances et la sensibilisation des acteurs économiques autour des enjeux liant biodiversité et activités économiques est un enjeu majeur pour la diffusion de pratique plus vertueuses. La Mission Économie de la Biodiversité (MEB), financée par la Banque des Territoires à hauteur de 7,9M€ sur la période 2020-2024 et pilotée par CDC Biodiversité, contribue à la vulgarisation autour de ces sujets. Les publications récentes portent sur des thématiques telles que : la nature en ville, le tourisme durable, l’enjeu de zéro artificialisation nette, la transition agroécologique ou encore la renaturation des sols. L’équipe de la MEB travaille actuellement sur une publication, qui devrait sortir début 2023 pour décrypter les négociations de la COP15. Cette publication pourra fournir des éléments à destination des acteurs économiques pour la mise en œuvre du futur cadre mondial.