L’étude à 360° des retombées environnementales et sociales de l’Eco-prêt pour la réhabilitation du logement social permet de mesurer les contributions de la Caisse des Dépôts à l’un des grands enjeux nationaux de politique publique. Faisant suite à la publication Eclairages[1] de la Direction des Prêts sur le sujet, cette étude d’envergure[2] renforce également l’ambition de transparence et d’exemplarité de cette dernière envers ses parties prenantes internes et externes.

Plus de dix ans après le lancement de l’offre Eco-prêt, prêt bonifié à destination des bailleurs sociaux pour la réhabilitation de leur parc de logements les plus énergivores, l’évaluation de ce dispositif a permis d’objectiver les impacts qualitatifs et quantitatifs de l’Eco-prêt, dans un contexte où le sujet de la rénovation thermique s’impose comme l’un des enjeux majeurs des prochaines années, tant d’un point de vue environnemental que social.

Environnemental, car le secteur du bâtiment résidentiel, uniquement en phase occupation (par opposition à la phase construction), a émis 50 Mt CO2eq en 2017, soit 10,5 % de l’ensemble des gaz à effet de Serre (GES) de la France.

Social, car 17 % du parc résidentiel privé et social est constitué de « passoires thermiques », des bâtiments pour lesquels l’étiquette de diagnostic de performance énergétique (DPE) est F ou G, dont les conséquences portent à la fois sur la santé physique et les factures énergétiques des ménages concernés.

Le logement social, également concerné par ces problématiques, a initié depuis plusieurs années sa transition et se fixe des objectifs très ambitieux d’éradication des passoires thermiques d’ici 2027 (représentant, en 2019, encore 5 % du logement social, soit un taux très inférieur au parc privé) et la poursuite des efforts globaux de rénovation au-delà.

La Caisse des Dépôts via la Banque des Territoires intervient en appui de ces politiques, notamment à travers l’Eco-prêt, un prêt à taux bonifiés, inférieurs au prix de la ressource (livret A et Livret développement Durable et Solidaire).

Du fait de sa dimension stratégique, il a été décidé de lancer une évaluation de son efficacité, au gré des trois générations d’Eco-prêt qui se sont succédé. Cette évaluation comportait trois objectifs :

  1. Quantifier du point de vue macro la contribution des Eco-prêts à la rénovation énergétique du logement social et son articulation avec d’autres financements de la rénovation énergétique du logement social, en étudiant les données de l’ensemble des prêts réalisés depuis 2009 ;
  2. Mesurer l’effet net des réhabilitations réalisées grâce à l’Eco-prêt en termes de gains énergétiques en comparant les consommations avant et après travaux pour un échantillon représentatif d’opérations ;
  3. Faire un bilan à 360° des résultats obtenus par le dispositif, impliquant bailleurs et locataires.

 

I. Un impact extra-financier significatif lié à l’ambition des travaux, disposant néanmoins d’une marge de progression

  • Les bailleurs sociaux se distinguent par un effort de rénovation énergétique supérieur au parc privé (5 % d’étiquettes F et G, contre 17 % pour l’ensemble du parc public et privé). 80 % des rénovations Eco-prêts atteignent l’étiquette A, B ou C post-travaux.
  • Les programmes de travaux mis en œuvre sur le panel des 17 opérations analysées en détail confirment cette tendance : ils sont généralement globaux et visent à la fois l’isolation de l’enveloppe et la rénovation des équipements techniques, voire une remise à neuf complète.

 

  • On note un gain théorique de consommations énergétiques (en énergie primaire - EP) moyen de 59 % sur les 17 opérations étudiées en détail, dépassant amplement le critère d’éligibilité de l’Eco-prêt, fixé à 40 %.
  • Huit de ces opérations, qui permettaient une analyse sur la base des consommations réelles (factures), montrent toutefois que le gain de consommations énergétiques (EP) réel moyen mesuré est moindre, de 41 %

Cet écart de gains « théoriques vs réels » apparaît surtout dans les consommations énergétiques post-travaux, et s’explique essentiellement par :

    • L’effet rebond, dû au comportement des occupants qui chauffent à une température plus élevée que la température retenue dans les simulations (22°C contre 19°C) ;
    • Les réglages de l’installation de chauffage parfois difficile à équilibrer, source de surconsommations lorsqu’il est mal réalisé ;
    • La qualité et la fiabilité de l’étude thermique ;
    • La qualité de la mise en œuvre et de la gestion des équipements (étanchéité à l’air) lors des travaux ;
    • La méthode de calcul Th-C-E ex[3] : cette méthode réglementaire n’ayant pas vocation à être comparée à des consommations énergétiques réelles (factures), on note un écart important sur les consommations d’eau chaude sanitaire (ECS), par exemple (avant travaux comme après).


 

  • L’étude des opérations du panel permet de tirer les conclusions suivantes : l’efficacité énergétique réalisée est la plus forte lorsque 1) la consommation énergétique avant travaux est importante (consommations supérieures à 340 kWh ep /m².an) ; et/ou 2) lorsque les opérations sont de taille importante - effet volume - ou sur certaines opérations de plus de 100 logements où les coûts sont mutualisés. Au contraire, elle est plus faible lorsque la consommation énergétique avant travaux est déjà faible (à moins de 200 kWh ep/m².an) ; et/ou lorsque le coût des travaux est élevé, en raison par exemple du passage à un chauffage sur pompe à chaleur avec création de réseaux de chauffage. L’efficacité environnementale est la plus forte lors d’un changement de vecteur d’énergie de chauffage et eau chaude sanitaire (par exemple avec passage au bois). L’efficacité environnementale est en outre directement corrélée à de forts gains en énergie. A l’inverse, elle est plus faible pour des opérations en chauffage électrique avant et après travaux ou en réseau de chaleur (en effet, les facteurs d’émissions CO2 sont déjà faibles avant travaux) ; mais aussi pour des opérations avec passage du chauffage électrique au chauffage gaz, car cela dégrade les émissions carbone, malgré une nette diminution des consommations énergétiques. 

Le recours à l’Eco-prêt a eu un effet extensif sur le volume des rénovations : à compter de l’apparition de l’Eco-prêt en 2009, le rythme des rénovations s’est accru de 14 % par an.

En outre, la performance énergétique s’est améliorée (gains d’étiquette) au fil des ans sur les bâtiments les plus énergivores.

Globalement, l’Eco-prêt concourt de façon significative à l’effort de rénovation des passoires thermiques, en cohérence avec les besoins du parc social : il a permis de réaliser 31 % de la cible nationale de 800 000 rénovations de logements énergivores (étiquettes DPE E, F et G), avec 23 000 logements énergivores rénovés par an en moyenne à l’aide de l’Eco-prêt depuis 2009.

 

  • Enfin, les enquêtes locataires réalisées lors de cette évaluation ont montré qu’ils avaient bénéficié d’une amélioration de leur confort de vie dans leur logement (gains en termes de valeur d’usage et valeur patrimoniale de leur logement). Ces gains sont marqués sur le confort thermique des logements, mais plus mitigés sur le confort acoustique. D’autre part, la qualité du dialogue des bailleurs avec les locataires à toutes les étapes du processus est soulignée à plusieurs reprises, malgré un partage des gains monétaires hétérogène avec le bailleur, notamment via le dispositif de la troisième ligne de quittance[4].

 

II. Un impact environnemental cohérent avec le coût de l’Eco-prêt

  • Les travaux réalisés dans le cadre des opérations financées par de l’Eco-prêt permettent de réaliser des économies en termes d’émissions carbone. Ces tonnes de carbone évitées ont un coût pour la Banque des Territoires, qui correspond à la bonification du prêt par rapport à son taux d’équilibre. Ce coût s’élève à 93€ par tonne de carbone, montant compatible avec la trajectoire de la valeur de l’action pour le climat[5], à l’échelle – isolée – de la Banque des Territoires.
  • L’évaluation a permis de mettre en avant qu’en projetant ces données sur 20 ans (hypothèse de durée de vie du bâtiment rénové), près de 13,4 millions de tonnes de CO2 seront évitées en cumul grâce à ces travaux financés par Eco-prêt.
  • Chaque année, les nouvelles opérations financées par Eco-prêt permettent d’éviter l’émission d’environ 66 800t CO2eq par an (et env. 22 000t CO2eq si l’on s’en tient à l’effet net de l’Eco-prêt tenant compte de la quotité moyenne de 33 % dans le plan de financement). Pour donner un ordre de grandeur, l’objectif d’émission de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) pour l’ensemble du secteur du bâtiment est de 45Mt C02eq à horizon 2030[6], soit une réduction nécessaire de 49 % entre 2015 et 2030, correspondant à un effort annuel de 2,9 Mt C02eq/an. Les opérations financées par l’Eco-prêt représentent donc 2,3 % de cet effort pour l’ensemble du secteur du bâtiment, mais cette proportion monte à 25 % si on retient le seul périmètre d’action de l’Eco-prêt, le logement social (environ 9 % des émissions de GES du secteur du bâtiment[7]).

 

III. L’Eco-prêt, un dispositif largement mobilisé pour le financement de la rénovation thermique du parc social

  • Toujours utilisé en complément d’autres sources de financement - notamment fonds propres et subventions - l’Eco-prêt est un dispositif largement mobilisé pour le financement de la rénovation énergétique du parc social (40 % des bailleurs y ont eu recours en 2018).
  • La part de l’Eco-prêt dans le financement des opérations reste hétérogène en fonction de leur montant.
  • L’évaluation a également permis de mettre en avant une forte variabilité des coûts de réhabilitation, ramenés au nombre de logements, avec une inflation au fil des générations. Cette dernière peut néanmoins s’expliquer par les ambitions croissantes des bailleurs en termes de rénovation ainsi que des caractéristiques du bâti.

 


Conclusion

La rénovation thermique des logements sociaux poursuit un double objectif : éradiquer les passoires thermiques d’ici 2027 et continuer à augmenter la performance énergétique des bâtiments afin de tendre vers la neutralité carbone à horizon 2050.

L’évaluation que nous avons menée a montré que l’Eco-prêt constitue un formidable outil pour répondre au premier objectif, raison pour laquelle il a été créé et a évolué au fil de trois générations successives.

Concernant le second objectif, l’étude a révélé que l’Eco-prêt et ses évolutions ultérieures ont déjà commencé à renforcer leur contribution aux objectifs

 

[2]  Réalisée par le groupement SCET-Pouget Consultants-Aatiko, et pilotée par le département des finances et la direction des prêts. Elle a été menée dans le cadre de la nouvelle activité d’évaluation extra-financière de la Banque des Territoires.

[3] Méthode qui a pour objet le calcul réglementaire de la consommation conventionnelle d’énergie d’un bâtiment existant pour le chauffage, la ventilation, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire et l’éclairage ainsi que le calcul réglementaire de la température intérieure conventionnelle, atteinte en été dans un bâtiment existant. C’est la méthode utilisée pour calculer les consommations d’énergie primaire avant et après travaux dans le cadre de l’Éco-Prêt (pour les bâtiments construits à partir de 1948. Les diagnostics DPE sont utilisés pour les bâtiments plus anciens).

[4] Le dispositif de la 3e ligne de quittance consiste à faire contribuer le locataire aux travaux d’économie d’énergie. Les bailleurs peuvent ainsi récupérer jusqu’à 50 % de l’économie réalisée. Même utilisée à son maximum, la 3e ligne de quittance implique un gain de charge global pour le locataire dans son principe.

[7] 55 % des émissions du secteur du bâtiment proviennent de bâtiments résidentiels en 2017, au sein desquels 17 % sont des logements sociaux (55% x 17% = 9,3%). 

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