Epuisement des ressources, recyclage limité et imparfait, contamination des écosystèmes, perturbateurs endocriniens : les emballages alimentaires à usage unique, souvent en plastique, sont délétères – et pour la biodiversité et pour notre propre santé. Fort heureusement, le réemploi des contenants alimentaires se développe et les collectivités, tout comme les structures de l’Economie Sociale et Solidaire, en sont des acteurs-clés, que ce soit pour le portage de repas à domicile, la restauration scolaire et médicale, ou la consommation hors domicile.

Le réemploi, un enjeu local

La pollution plastique des océans est parmi les premières préoccupations environnementales des Français [1]. Zero Waste France estime que les pays européens rejettent entre 150 000 et 500 000 tonnes de plastique dans les océans tous les ans [2], issus principalement d’emballages à usage unique utilisés comme contenants alimentaires.

A contrepied de ce désastre écologique, le réemploi est une opération qui permet à des biens – qui ne sont alors pas considérés comme des déchets – d’être utilisés à nouveau, sans modification de leur usage initial. De nombreuses étapes sont nécessaires pour permettre à un contenant alimentaire, c’est-à-dire un emballage « primaire », en contact direct avec les aliments lors de sa fabrication (bac en inox, plats de services, etc.) ou de sa consommation (bols à salade, couvercles, verres, verrines, boîte tupperware, assiettes, couverts, etc.) d’être réemployé : collecte et massification du contenant sale, transport éventuel, lavage, séchage, conditionnement, transport, remplissage (réemploi).

Le transport des contenants est l’un des maillons-clés à optimiser pour s’assurer d’un impact carbone compétitif du réemploi selon l’ADEME [3]. Une étude de 2018 estime qu’au-delà de 200 km de rayon, le réemploi n’est plus pertinent. Il nécessite donc la mise en place de boucles locales, et devient un vecteur d’opportunités de reterritorialisation d’activités industrielles (centres de lavage-séchage, de conditionnement, de micro-logistique) – et donc d’emplois non délocalisables. Une opportunité pour les collectivités locales.

 

Diminuer la consommation de ressources et la quantité de déchets : un triple bénéfice environnemental, sanitaire et économique pour les collectivités

Les collectivités ont un rôle central à jouer sur la réduction des déchets. Elles possèdent en effet dans leurs compétences le traitement des déchets : notamment les régions, qui mettent en place les plans de prévention et réduction des déchets (PERD) mais aussi les intercommunalités et établissements publics territoriaux (EPT), qui regroupent plusieurs communes déléguant leurs compétences dans un objectif de mutualisation des coûts de collecte et de traitement des déchets.


En parallèle, les collectivités font face à l’augmentation de la taxe d’enfouissement et d’incinération des déchets, ce qui contribue à déséquilibrer leur budget [4]. Le réemploi, notamment des emballages et contenants alimentaires – que ce soit dans la restauration scolaire, le portage de repas à domicile pour les seniors, ou la consommation hors domicile des ménages – représente un levier de réduction des déchets et donc des coûts associés pour les collectivités. En France, les 44 000 enseignes de restauration rapide produisent 14 milliards d’emballages par an [5]. Les collectivités peuvent ainsi contribuer activement aux objectifs de la Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC)[6], promulguée le 10 février 2020, fixant des objectifs ambitieux sur la réduction des emballages à usage unique, en particulier plastiques, et sur le développement du réemploi et de la réutilisation des emballages et contenants.

Par ailleurs, la suppression des emballages primaires en plastique est un enjeu de santé publique, lié aux perturbateurs endocriniens présents dans les plastiques. Plusieurs collectivités, de leur propre chef et encouragées par les parents d’élèves, ont déjà fait le choix de remplacer les contenants en plastique par des bacs en verre ou en inox dans leurs cantines scolaires [7][8], alors que la loi Egalim prévoit pour 2025 d’interdire l’utilisation des contenants en plastique pour la cuisson, la remise en température et le dressage des denrées alimentaires dans la restauration collective à destination d’enfants et d’étudiants. L’enjeu est massif : il s’agit de 3 milliards de repas chaque année.

 

Le réemploi, opportunité pour l’inclusion par l’emploi et l’économie sociale et solidaire (ESS)

En plus de son nécessaire aspect local, les boucles de réemploi représentent des opportunités pour des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), agréées par les services déconcentrés de l’Etat sur les territoires (Directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités – DEETS) ainsi que pour les coopératives, associations et sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire (ESS). Les postes de chargé de sensibilisation, chauffeur-collecteur, ou laveur peuvent en effet servir de tremplins valorisants et valorisés vers l’emploi.

De nombreuses organisations coopèrent déjà sur les territoires et proposent les maillons de boucles de réemploi locales : par exemple la société Uzaje, en partenariat avec le groupe d’insertion ARES sur ses deux centres de lavage à Avignon (31) et Neuilly-sur-Marne (94) propose le réemploi des contenants du portage à domicile et des cantines scolaires des collectivités. 

La laveuse de bouteille de la société Uzaje

©Uzaje

La laveuse de bouteille de la société Uzaje


Ou encore l’association Ecoscience Provence, en partenariat avec le syndicat intercommunal de valorisation et d’élimination des déchets (SIVED), les vignerons du Var, une enseigne de grande distribution et Lemon Tri, une entreprise inclusive de collecte a créé une filière de réemploi des bouteilles en verre qui a réemployé 35 000 bouteilles de rosés et évité 15 tonnes de déchets en 2021.

 

Un chemin encore long pour généraliser le réemploi des contenants alimentaires

Ces initiatives territoriales, désormais fédérées sous la houlette du Réseau Consigne, se développent et se coordonnent [9]. Mais un long chemin reste à parcourir pour faire passer au réemploi les 80 000 restaurants collectifs et 800 cuisines centrales et leurs 200 millions de contenants annuels, sans compter les 90 millions de contenants du portage de repas à domicile pour les seniors, ou la restauration commerciale et ses 1,2 milliards de contenants, dont beaucoup se retrouvent dans les poubelles et sur les voies publiques.

Le réemploi reste pourtant une solution prometteuse, produisant de nombreux impacts positifs, tant pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine, que sur le plan social, par la création d’emplois locaux et inclusifs. De plus en plus pertinent face à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières (plastique, verre), son potentiel de développement est considérable, et les collectivités peuvent y contribuer en montrant l’exemple à travers leurs cantines et restaurants collectifs, ou en incitant les restaurateurs à passer au réemploi [10][11].

Pour aller plus loin :

Table-ronde réemploi des consignes - Hub des territoires

©Hub des territoires

Cantines zéro plastique, réduire les tonnages de déchets envoyés en incinération ou enfouissement et donc la taxe associée… : le réemploi est à la fois un enjeu et une opportunité pour les collectivités territoriales.

La Banque des Territoires et son Hub des territoires ont proposé un temps d’échange pour lever les freins au réemploi et envisager la consigne comme une opportunité inclusive

Réemploi des consignes / Solution ESS au réemploi / Retours d’expérience des collectivités

Voir le replay 

Notes

[4] AMORCE, Enquête flash évolution des coûts de gestion des DMA et impacts sur le financement et la fiscalité, 2021 https://amorce.asso.fr/actualite/amorce-presente-les-resultats-de-son-enquete-sur-la-hausse-des-couts-de-gestion-des-dechets-dans-les-territoires

[5] ADEME, Gisement des emballages de la consommation hors domicile, 2018 https://librairie.ademe.fr/cadic/6317/gisement-emballage-hors-domicile_donnees2…

[6] LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire

[7] A Avignon, un site de lavage de contenants pour chasse le plastique des cantines collectives, France Info, 16 février 2022 https://www.francetvinfo.fr/france/ilsontlasolution/aavignon-un-site-de-lavage-de-contenants-pour-chasser-le-plastique-des-cantines-collectives_4964904.html