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Au sein des Entreprises Publiques Locales (EPL), de nombreux dirigeants se questionnent à l’heure actuelle sur l'opportunité et la manière de déployer un projet d'entreprise. Et pour cause. Avec une augmentation du nombre d’EPL de 19 % en dix ans[1] et une diversification croissante de leurs modèles de gestion public-privé (SEM, SPL, SemOp), les EPL sont de plus en plus sollicitées par les collectivités. Présentes sur tout le spectre d’intervention de l’action publique locale, elles doivent également s’adapter à un contexte mouvant aux niveaux économique, législatif et social.

Dans cette période de mue et pour gagner en performance, les EPL doivent dès lors se doter d'un projet d'entreprise solide, essentiel pour clarifier leur vision et leur ambition, structurer leur action et optimiser leur impact sur les territoires.

Poser les bases d’un projet d'entreprise réussi s’articule donc en trois étapes-clés comme l’éclairent ces expériences terrain déjà menées au sein d’EPL : la SEM SEMSAMAR, la SOLEAM et Territoires 30.

Nous utiliserons une analogie, celle de l’arbre et du jardinier, pour sa puissance évocatrice et son illustration de la dimension temporelle et organique du processus : un projet d’entreprise n’est pas statique mais vivant, et évolue au fil du temps et de l’environnement. Comme un arbre, une organisation a besoin de racines solides (sa raison d’être), d’un développement structuré (sa stratégie) et produit des fruits concrets (ses projets et résultats).

Raison d’être : ancrer durablement son arbre dans le sol

La métaphore de l’arbre et de ses racines est fréquemment utilisée pour illustrer la première étape d’un projet d’entreprise, quel que soit le type d’entreprise concerné.

En effet, l'objectif de cette étape est de rendre l’arbre – l’entreprise - solide et durable dans le temps en ancrant ses racines dans la terre. Autrement dit, il s’agit de définir collectivement la « raison d’être », ce qu’est l’entreprise et ce qui fait sa singularité et rassemble les collaborateurs.

Plusieurs leviers sont à la disposition des EPL pour mener cette première étape :

  • Prendre le temps de (ré)écrire l’histoire de l’entreprise pour en synthétiser les faits marquants ;
  • Réunir le CODIR ou un groupe de collaborateurs représentatif de la diversité de l’entreprise, pour affiner l’identité commune, puis formuler la raison d'être ;
  • Interroger les collaborateurs au sujet des valeurs qui guident leurs actions, à travers un sondage, puis décliner ces valeurs en actions concrètes du quotidien.

Retour du terrain : la SEM SEMSAMAR

 

Cette EPL intervient dans les domaines de l’aménagement urbain et de l’immobilier pour le compte de collectivités, de l’État, d’entreprises privées et de particuliers, sur les territoires de Saint-Martin, Guadeloupe, Guyane et Martinique. Pour construire leur projet d’entreprise, en 2024, ils ont organisé dans un premier temps un séminaire CODIR de deux jours, autour de la raison d'être et de la vision de la SEMSAMAR, puis une série d'entretiens individuels avec les membres du CODIR. Cette co-construction progressive a permis de formuler pas à pas 3 propositions de raison d’être, qui ont ensuite abouti à une formulation unique, reflétant la singularité de l’entreprise dans le paysage de l’économie mixte.

 

 

 

Le projet : définir la forme de l’arbre et de ses fruits

Une fois les racines de l’arbre posées, il est temps de définir la forme projetée pour cet arbre :  pointu, touffu… C’est à l’EPL d’en décider.

Cette étape permet de définir ce qui est souhaité pour l’entreprise demain : une diversification de l'activité ? Un recentrage sur les fondamentaux ? À la différence des racines de l’arbre, intemporelles, l’arbre s’adapte au contexte et aux besoins du marché. Une fois la cible définie, il convient de la décliner en projets concrets : les fruits de l’arbre donc.

En pratique, les leviers suivants sont à activer : 

  • Ecouter les parties prenantes et mobiliser la gouvernance et le CODIR pour co-construire des orientations stratégiques en adéquation avec les besoins du territoire, de ses habitants et des collaborateurs. Entretiens, ateliers de travail et enquêtes : tous les moyens sont bons pourvu que les points de vue soient représentés ;
  • Fiabiliser ces orientations en s’appuyant sur une analyse stratégique, financière et organisationnelle afin de s’assurer de leur réalisme et de leurs impacts ;
  • Élaborer une feuille de route avec des projets concrets en associant les équipes, tout particulièrement le management intermédiaire, véritable relais du projet d’entreprise entre la direction et les équipes

 

Retour du terrain : la SEM SOLEAM

 

La SOLEAM - Société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire métropolitaine - est une société publique locale d'équipement et d'aménagement créée en 2010, qui exerce sur le territoire de ses collectivités actionnaires au sein de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Elle pilote diverses missions qui visent à aménager et à optimiser le cadre de vie des communes du territoire : renouvellement urbain, préservation et mise en valeur du patrimoine bâti et non bâti ainsi que des espaces naturels, développement économique, des loisirs et du tourisme...

En 2023, pour définir de son projet d’entreprise, la SOLEAM a mis en place des actions d’écoute des parties prenantes de son territoire. Elle a fait le choix d’être accompagnée par un cabinet de conseil externe (Aatiko Conseils) dans l’animation de séminaires, avec le CODIR dans un premier temps, puis avec l’ensemble des collaborateurs ; ces séminaires ont permis de structurer des orientations stratégiques concertées pour les 3 années à venir. Ces orientations partagées se sont ensuite traduites en une feuille de route opérationnelle concrète, qui priorise les actions dans le temps et identifie des pilotes au sein de la structure. 

 

La mise en œuvre du projet : former les jardiniers et organiser leur travail

Comme un jardinier dont la vocation est de chérir son jardin, le rôle du dirigeant ou de la dirigeante dans un projet d’entreprise est de s'assurer des bonnes conditions de sa mise en œuvre.

Cette étape passe par deux principaux leviers :

  • La mise en cohérence de l'organisation avec la stratégie de l'entreprise, à travers notamment la mise en place de rituels permettant de suivre l’avancée du projet d’entreprise ;
  • La formation au mode projet : cela passe par l’accompagnement des collaborateurs, tout particulièrement des managers, pour insuffler cette culture de la transversalité et harmoniser leurs pratiques à travers des outils pour cadrer, piloter et clôturer leurs projets efficacement.

 

Retour du terrain : Territoire 30.

 

Territoire 30, qui regroupe la SEGARD (Société d’Aménagement et d’Equipement du Gard) et la SPL30, est un opérateur de projet de construction et d'aménagement au service de collectivités et d’acteurs privés : réalisation d’équipements et de services publics, projets urbains, foncier – habitat, développement économique et implantation d'entreprises.

En 2024, quelques mois après la définition de son projet d’entreprise, Territoire 30 a souhaité prendre le temps d’une réflexion autour de l’évolution de son organisation. Cette étape-clé a permis d’aligner le CODIR autour des priorités de l’entreprise, de définir des pilotes et des équipes projets adaptés au déploiement des projets de transformation de l’entreprise et de systématiser des points d’avancement des projets en cours dans l’ensemble des rituels managériaux.

 

Ces expériences terrain permettent de mettre en exergue trois facteurs de succès, qui permettent aux EPL, quels que soient leur structure et leur territoire, de construire et de faire vivre efficacement leur projet d’entreprise :

  • A la racine, des parties prenantes impliquées, pour garantir leur adhésion,
  • Au-dessus du sol, des objectifs précis et partagés,
  • Au fil des saisons, une gouvernance engagée, qui facilite la prise de décisions, alloue les ressources nécessaires et aide les équipes à se (trans)former pour s’adapter aux évolutions.

 

Et une fois l’arbre du projet ancré, mis en forme et entretenu, il importe que dirigeants et jardiniers restent à l’écoute du terrain et adaptent en continu l’entretien de leur arbre commun.

 

Notes

[1] source : Fédération des élus des Entreprises publiques locales - FedEpl