2G… 3G… 4G… 5G... Pas très original direz-vous ! Et pourtant, voici encore un sujet « technologique » d’actualité qui suscite des réactions très nombreuses et contrastées, et parfois même irrationnelles ! N’a-t-on en effet pas vu fleurir récemment des théories du complot complètement farfelues liant 5G et coronavirus ? Alors, essayons de faire le point : 5G, de quoi s’agit-il ? Quel intérêt ? Et que cela implique-t-il pour les territoires ?

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans ce blog les questions de couverture mobile des territoires, qui sont essentielles. Nous y avons parlé de 2G, de 3G, puis de 4G… A chaque fois que ces acronymes sont apparus, les mêmes questions se sont posées sur l’apport réel ou supposé de chacune de ces technologies représentées par ces nouvelles normes, mais également sur les risques potentiels associés, et en particulier, sur les enjeux sanitaires, sur les enjeux liés à la transition écologique et énergétique et sur les risques de création de nouvelles fractures.

Les prochaines années devraient être celles de la 5G. La France n’échappe pas à cette tendance. Le régulateur du secteur, l’ARCEP, a d’ailleurs engagé en début d’année le process d’attribution des fréquences auprès des opérateurs.

5ème génération de communication mobile, cette nouvelle technologie est souvent présentée par les industriels et les opérateurs comme un véritable changement de paradigme, loin de l’idée d’une simple version améliorée de la norme précédente, la 4G. Alors, argument marketing pour « vendre » de nouveaux équipements et de nouveaux services, ou vraie réalité ?

 

Tout d’abord, qu’est censée apporter la 5G ?

Les industriels et opérateurs s’accordent sur les trois grands atouts majeurs que devrait apporter la 5G :

  • Des débits extrêmement élevés, jusqu’à 10 fois supérieur à ceux enregistrés avec la 4G. Cela devrait permettre aux utilisateurs de nouvelles applications comme par exemple l’utilisation de la réalité virtuelle ou augmentée ou encore la possibilité de visualiser des vidéos en haute définition en streaming par exemple
  • Une faible latence, autrement dit un temps de réponse très rapide, ce qui devrait permettre de nouvelles applications industrielles, pour les sites de production par exemple, ou encore la possibilité de faire du pilotage à distance très précis et très réactif ;
  • La possibilité d’une très grande densification des connexions dans un espace délimité et avec un faible coût énergétique, ce qui devrait ouvrir la possibilité de déployer massivement des objets connectés (capteurs, équipements, etc.) dans des zones déterminées.

 

Dans une société où le numérique prend une importance de plus en plus grande et où le besoin en connexion s’avère crucial, l’arrivée de la 5G semble donc synonyme de nouvelles capacités prometteuses, à la fois pour le grand public, pour le monde industriel et pour les acteurs publics, notamment territoriaux qui souhaitent développer les fameux « smart » territoires.

Avec ces atouts, la 5G devrait permettre le développement de nouveaux usages et pourrait également devenir un avantage concurrentiel fort pour la compétitivité industrielle du et des territoires, voici ce que promettent en tous cas les acteurs du secteur.

 

Quels nouveaux usages liés à la 5G ?

Une fois qu’on a dit cela, comment cela pourrait-il se traduire concrètement en termes d’usages. Il est difficile aujourd’hui de prévoir et d’être exhaustif sur les applications qui émergeront avec le déploiement de la 5G. Les potentialités offertes laissent entrevoir plusieurs catégories d’usages pour chacune des cibles économiques des opérateurs :

 

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Comment cela est-il rendu possible ? La 5G c’est quoi ?

Répartie sur plusieurs bandes de fréquences, la 5G présente la particularité d’exploiter des bandes de fréquences qu’on dit « hautes » (car les fréquences sont très élevées) permettant d’atteindre des débits proches de ceux de la fibre optique dans des cellules de petites tailles.

Dans ces bandes de fréquences, la 5G va permettre le développement de deux technologies : le « massive-MIMO » et le « Beamforming ». Nous ne rentrons pas dans le détail technique de ces technologies ici, mais il faut noter que l’objectif de ces technologies est de permettre d’améliorer significativement la qualité du signal entre les antennes émettrices et les récepteurs (téléphones, capteurs, etc.).

Ainsi le beamforming permet de focaliser l’émission d’ondes sur un point précis localisé dans la cellule et durant le temps nécessaire exclusivement. Ceci permet d’améliorer significativement le signal reçu mais également la consommation électrique et plus largement l’efficience du réseau mobile.

Ainsi, contrairement aux réseaux cellulaires classiques, composés de puissantes antennes qui émettent un signal en continu, lequel est capté par les utilisateurs lorsqu’ils sont à portée ces antennes, le réseau 5G utilise plutôt un grand nombre de petites antennes qui émettent un signal dans une direction précise, ciblant les appareils sur demande et éliminant l’émission d’ondes radio, qui sont inutiles et si énergivores !

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Dernier point important : avec la 5G, il est possible de virtuellement « découper » le réseau en sous-réseaux et ainsi de permettre la création de réseaux virtuels, chacun avec un niveau de service spécifique, privilégiant différemment le débit, la latence ou le nombre d’objets connectés. Ce découpage du réseau en tranches - appelé Network slicing en anglais - permet la création de réseaux virtuels de bout en bout exploités depuis une infrastructure partagée commune. Cette fonctionnalité pourra intéresser des services d’urgence ou de sécurité qui recherchent des latences très faibles, par exemple.

L’avantage : permettre de démultiplier des usages simultanés !

 

La 5G pour les collectivités territoriales : à quoi ça peut servir ?

L’essor de la 5G dans les territoires devrait permettre d’accompagner le développement des territoires dits intelligents. En s’appuyant notamment sur la capacité offerte par la 5G à développer un « internet des objets » densifié (capteurs, feux tricolores, lampadaires, équipements, etc.)  et la réduction de la latence permise par cette nouvelle génération, les collectivités devraient pouvoir envisager de nouveaux services urbains (notamment sous l’angle du développement durable), dans les transports collectifs (véhicules connectés, transport autonome) ou autour de la protection de leurs populations (SDIS, vidéosurveillance) par exemple.

Avec cette technologie, les collectivités pourront également connecter sans fil leurs bâtiments, les réseaux qui les parcourent, leurs infrastructures routières ou le mobilier urbain. Ce déploiement de capteurs devrait aussi permettre d’accélérer la collecte de données jusqu’alors peu recueillies (et dans le respect du RGPD, bien sûr !) permettant ainsi une gestion plus fine des services à la population.

Quelques exemples de services qui pourraient utiliser la 5G demain :

 

  • Objets connectés

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  • La mobilité connectée

Qui dit temps de latence fortement réduit, dit temps de réaction quasi-instantané. Cette innovation répond à l’un des principaux enjeux du véhicule connecté et demain autonome. Une fois équipé, le véhicule pourrait ainsi échanger avec son environnement direct (mobilier urbain, signalisation, etc.) et ainsi garantir un niveau de service et de sécurité très performant aux personnes à bord et à proximité.

Le véhicule pourrait également délivrer au conducteur une grande quantité d’informations sur le trafic, les travaux de voirie, les conditions météorologiques, les interventions d’urgence, etc.

Le secteur des transports publics pourrait également bénéficier de la 5G avec la connexion des réseaux et des véhicules collectifs. La 5G pourrait ainsi assurer un pilotage en temps réel par le gestionnaire, une maintenance prédictive et demain peut-être le développement de navettes autonomes.

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  • Les services critiques de protection des populations

En se rapprochant des standards des connexions filaires, la 5G adresse des secteurs comme la sécurité ou les services de secours. En effet, l’augmentation des débits notamment permettront de transmettre des flux vidéo en haute définition ou d’interagir directement avec des équipes de secours déployées sur le territoire (et permettre donc aux SDIS, communes et même certains acteurs privés de pouvoir renforcer leur coordination. Il pourrait dès lors être possible de connecter les caméras de vidéosurveillance d’un site et transmettre le flux vidéo haute définition à un centre de commande sans déployer une infrastructure fibre plus coûteuse.

Sur un autre plan, la détection de risques environnementaux (ex. inondation) pourrait bénéficier d’une multiplication des capteurs permise par la technologie.

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Exemples d’expérimentations 5G dans les territoires

Plusieurs collectivités territoriales se sont lancées dans de premières expérimentations sur les différentes bandes de fréquences 5G, à Douai, Nantes, Marseille, Villeurbanne, ou Bordeaux pour laquelle la Banque des Territoires s’est inscrite comme partenaire. Parmi les cas d’usages proposés, on trouve la restitution de compétitions sportives augmentées sur un futur site olympique, les usages mobiles des passagers en gare SNCF, la connexion d’un réseau d’éclairage public, des tests de télémédecine, de véhicules intelligents ou plus simplement des tests de performance réseau et de déploiement.

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Comment les collectivités peuvent-elles anticiper l’arrivée de la 5G ?

L’attribution de ces nouvelles licences sur les « bandes de fréquence hautes » mais aussi le « fibrage » des « points hauts » (équipements qui « porteront » les antennes 5G et qui doivent pouvoir acheminer des flux en très haut débit) constituent un enjeu financier important pour les quatre opérateurs français, tous candidats à l’exploitation de la 5G. Ce poids devrait avoir un impact sur le rythme de déploiement de la 5G, et notamment en zones peu denses.

Pour autant, les attentes des usagers et les possibilités offertes doivent pousser les collectivités à anticiper l’arrivée de la nouvelle génération mobile en s’interrogeant sur les besoins des habitants et des entreprises, sur les usages potentiels attendus et sur la couverture actuelle en 4G de leur territoire.

Il semble intéressant pour les collectivités territoriales de bien recenser - et anticiper - les besoins exprimés ou potentiels sur le territoire notamment auprès des acteurs économiques qui pourraient être les principaux bénéficiaires de la 5G. En coordination avec les associations représentatives d’usagers, il sera important de préciser et mesurer ces besoins tout en prenant garde à prendre en compte également les aspects sanitaires.

Enfin, il est important de faire un état des lieux de la couverture mobile avec le ou les opérateurs en présence. En effet, en fonction de leur(s) plan(s) de déploiement et de la bande de fréquence nécessaire, la couverture en 5G pourra prendre de quelques mois à quelques années. A ce titre, la question du fibrage des antennes assurant la couverture du territoire constitue un enjeu de premier ordre.

 

5G : quels sont les points de vigilance ?

 

  • Cybersécurité

La 5G apparaît comme une technologie de rupture. Les promesses ne doivent cependant pas empêcher une réflexion sur les éventuels risques associés comme, par exemple, ceux liés à la cybersécurité ou à une forme de dépendance technologique.  A ce sujet, l’Union européenne a publié un rapport soulignant les principaux points auxquels il convient de se préoccuper pour sécuriser le réseau. Avec l’accroissement de l’utilisation des objets connectés, le niveau de dépendance des solutions développées et leur vulnérabilité à des potentielles cyberattaques n’est pas sans poser un certain nombre de questions.

 

  • Santé

Autre aspect important : l’exposition aux ondes. La 5G, à l’instar des standards 3G et 4G précédents, émet un rayonnement électromagnétique. Avec l’ouverture des nouvelles bandes de fréquences hautes, il demeure encore quelques inconnues en termes de conséquences sanitaires. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a été missionné par le Gouvernement français pour étudier l’impact de la 5G sur la santé. Les résultats de ces travaux, après un rapport préliminaire d’octobre 2019, sont attendus début 2021. Il conviendra d’être très attentif aux résultats de ces études.

 

  • Consommation énergétique

Comme les générations précédentes, la 5G a pour principal atout une augmentation des débits. Cet élargissement de la bande passante induit mécaniquement une augmentation de la consommation énergétique. Alors que la question environnementale est aujourd’hui une préoccupation majeure, cet accroissement de la consommation énergétique de la 5G fait débat.

D’un côté, certains équipementiers de télécommunication (comme Ericsson par exemple) se veulent rassurant quant à la réduction de l’empreinte énergétique. L’industriel suédois, dans un rapport sur le sujet, met en avant plusieurs innovations sur les antennes permettant à celles-ci de limiter la consommation énergétique nécessaire. De l’autre côté, des associations ou des groupes de réflexions sur la transition énergétique dénoncent l’absence de considération écologique suffisamment importantes et un accroissement du nombre d’antennes nécessaire pour la 5G. Ainsi, le groupe « Shift Project » estime que la consommation d’énergie des opérateurs mobiles pourrait être multipliée par 2,5 ou 3 dans les 5 ans à venir. Cela représenterait environ 10 TWh supplémentaires, soit une augmentation de 2% de la consommation d’électricité du pays.

 

  • Fracture numérique

Dernier point : qu’en est-il vraiment des territoires ? Ils vont une nouvelle fois être au centre des débats de couverture et des attentes des usagers. Il faudra être vigilant à ne pas créer de nouvelles fractures numériques. C’est également un des enjeux forts de ce sujet.

 

Qu’en conclure et en retenir ?

Comme on peut le voir ci-dessus, la 5G apparaît comme bien plus qu’un sujet « à la mode ». C’est une technologie porteuse d’avancées technologiques importantes qui laisse entrevoir de nombreuses possibilités d’applications pour les consommateurs, pour les entreprises et également pour les acteurs publics, notamment territoriaux.

Il convient donc dès à présent de s’y préparer : en faisant un état des lieux des solutions déjà déployées, en estimant les besoins des utilisateurs, grand public, comme entreprise, qu’il faut et faudra couvrir, en imaginant les services de demain. Mais en travaillant également sur les points de vigilance mentionnés ci-dessus : cybersécurité, TEE, sanitaire, etc…  Pas de techno-béatitude qui pourrait faire oublier les grandes questions que posent cette technologie mais pas non plus de position de principe anti-progrès.

Depuis de nombreuses années - et depuis deux ans au travers de la Banque des Territoires – la Caisse des Dépôts agit pour aider à construire des territoires plus connectés au travers d’un aménagement numérique des territoires qu’elle souhaite équilibré, harmonieux et respectueux des problématiques de développement durable. C’est tout le sens de son action en faveur du déploiement du Très Haut Débit fixe au travers des Réseaux d’Initiative Publique. C’est aussi le sens de son engagement sur les sujets mobiles (expérimentations 5G, couverture 4G, couverture indoor, wifi territorial, etc.) au côté des territoires.

Et vous, qu’imaginez-vous comme nouvelles applications pour demain ?