La comptabilité constitue aujourd’hui le socle sur lequel reposent nos interactions économiques. Cette structure d’information comptable possède 4 fonctions (Rambaud, 2022) :
• Représenter, modéliser et classifier les événements ;
• Proposer une ou plusieurs métriques commensurables et appréhendables pour les acteurs ;
• Structurer les régimes de responsabilité et de redevabilité entre les acteurs ;
• Organiser la communication et le processus de délibération autour de l’ensemble de ces informations.
C’est par cette construction de données que nous sommes aujourd’hui en mesure d’évaluer la performance des organisations. La principale problématique est que ce cadre, tel qu’il est construit actuellement ne prend pas pleinement en compte la dimension environnementale. De ce fait, l’analyse de la performance d’une organisation est réalisée sans intégrer les dépendances, et des impacts du modèle d’affaires sur l’environnement. Cette incapacité à faire la connexion directe entre l’état du capital naturel, qui peut être défini comme un stock de composantes naturelles permettant la création de richesse (Tordjman, 2018), et le processus de production, peut être considérée comme l’origine des dégradations environnementales que nous connaissons aujourd’hui.

Une problématique identifiée 

Cette problématique a depuis longtemps été identifiée par les acteurs institutionnels. Pour y remédier, nous avons pu observer le développement des reportings extra-financiers qui constituent une publication volontaire ou contrainte d’indicateurs rendant compte des pratiques. Si la première législation française sur le sujet date de 2001, nous avons pu observer plusieurs évolutions dans les cadres de reporting, jusqu’à l’instauration à l’échelle européenne de la Taxonomie verte qui sera bientôt accompagnée par la mise en œuvre de la Corporate Sustainability Reporting Directive. Si ces outils permettront une harmonisation dans la production et la diffusion de données environnementales, leur efficacité dans l’atteinte des objectifs environnementaux reste à démontrer. En effet, le potentiel d’évolution lié à ces outils repose aujourd’hui sur l’hypothèse selon laquelle la transparence de l’information permettra aux acteurs économiques de faire évoluer leurs arbitrages. Or, jusqu’à aujourd’hui, l’évaluation des organisations reste principalement fondée sur les performances financières via l’analyse des données comptables, indépendamment des autres paramètres. Il existe donc une inconnue sur la capacité réelle des acteurs à mobiliser pleinement ces informations au sein de dynamiques de marché où la rentabilité reste encore souvent privilégiée.

Un nouveau concept : la comptabilité environnementale

En parallèle de ces évolutions, un nouveau concept s’est développé : la comptabilité environnementale. Ce dernier peut être défini comme « la formation d’un système d’information comptable, visant à rendre compte des interactions entre l’organisation et la nature » (Antheaume, 2013). La plus-value qu’apporte cet outil découle de sa capacité à faire apparaître la dimension environnementale directement au sein du cadre comptable. De ce fait, les différentes données vont être intrinsèquement liées au sein de la structure informationnelle, permettant de révéler les tensions qui peuvent exister entre la recherche de bénéfices et l’atteinte d’objectifs environnementaux. Nous assistons alors au potentiel dépassement de l’analyse de la performance organisationnelle standard, fondée sur la seule prise en compte des données financières.

La comptabilité environnementale constitue aujourd’hui l’outil intégré le plus abouti. En rendant compte des interactions existantes, il offre des perspectives pour voir évoluer le rapport des organisations à la nature et constitue donc un dépassement du reporting extra-financier dans sa forme actuelle. Cependant, puisque la comptabilité constitue une représentation de la performance, il convient de se demander sur quels fondements la définir. Plusieurs modèles développés en France par différents acteurs sont actuellement disponibles. Pour les étudier, il est donc nécessaire de mobiliser une grille d’analyse qui permet de prendre en compte l’ensemble de leurs spécificités et leur portée respective. Pour ce faire, l’équipe de la Mission Économie de la Biodiversité, pilotée par CDC Biodiversité, a ainsi proposé dans son étude, Comptabilité écologique : intégrer pour transformer, une grille d’analyse sur la base de cinq concepts : le type de matérialité retenu, la vision de la soutenabilité, la traduction comptable des données, la méthode de valorisation, et l’intégration financière de ces informations. En posant ces concepts comme des clefs de lecture de nos activités économiques, cela permet alors d’expliciter les enjeux et les débats autour de la place à accorder à la nature au sein de nos sociétés.

 

Pour en savoir +  (re)Lire le Dossier de la Mission économie de la biodiversité

 

 

 

 

 

https://www.cdc-biodiversite.fr/publications/comptabilite-ecologique-integrer-pour-transformer-2022_dossier-43/

 

 

 

 

 

Bibliographie

  • Antheaume N. (2013). Le contrôle de gestion environnemental. État des lieux, état de l’art. Comptabilité Contrôle Audit, 19 (3), 9‑34 p.
  • Rambaud A. (2022). CARE : repenser la comptabilité sur des bases écologiques. L’Économie politique, 93 (1), 34‑49 p.
  • Tordjman H. (2018). Dématérialiser la nature pour la faire entrer dans la sphère du marché. Centre d’économie de l’Université Paris Nord (12), 25 p.