C’est une réalité désormais, les données sont de plus en plus massives dans nos sociétés, et la sphère publique n’échappe pas à ce phénomène : l’Etat, tout comme les collectivités, en produisent, en génèrent et en brassent dans de grandes quantités. Elles sont ainsi de plus en plus nombreuses à prendre conscience de l’intérêt de leur patrimoine de données et cherchent à le valoriser. D’après l’Observatoire Data Publica, 65% d’entre elles considèrent que la donnée impacte de façon positive la gestion de leurs services. Actif stratégique, la donnée est en effet abondante et désormais incontournable pour mieux piloter les politiques publiques. Elle permet non seulement d’enrichir et d’affiner sa connaissance des territoires, mais aussi d’éclairer des décisions, d’optimiser les services rendus aux citoyens et d’évaluer des dispositifs.

Conscients de ces enjeux, la Banque des Territoires et le groupe La Poste ont souhaité éclairer les collectivités territoriales, et ont publié à l’automne 2022 une note de conjoncture de la data dans les territoires.

Des cas d’usage pour tous

Exploiter les données est l’affaire de toutes les collectivités, quelle que soit leur taille. Certes, les métropoles ou les régions se sont davantage saisies de leur patrimoine et l’exploitent, mais les petites et moyennes collectivités peuvent également le faire, même avec des moyens plus limités. La note de conjoncture susmentionnée a permis de réaliser un état des lieux des usages de la donnée dans les territoires, et met en valeur de nombreux exemples concrets issus de villes moyennes voire de territoires ruraux : ces retours d’expérience démontrent que les données représentent bel et bien une opportunité pour tous.

Les cas d’usage d’exploitation des données sont très nombreux, et s’inscrivent dans les problématiques quotidiennes et opérationnelles des collectivités. Par exemple, la data peut être utilisée dans des politiques environnementales (identification et caractérisation des ilots de chaleur urbains et des plantations les plus pertinentes pour les résorber) ou dans le cadre de stratégies d’aménagement ; au Havre par exemple, le jumeau numérique, basé sur une représentation de la ville par les données, a permis de simuler la montée des eaux et le recul du trait de côte et de les prendre en compte dans le PLU. En matière de gestion des déchets, des capteurs installés dans des bennes à ordures permettent aux collectivités d’optimiser les tournées de collecte ou de gérer plus finement les points d’apport volontaires. Dans les politiques de mobilité, les horodateurs, bornes de recharge électriques, parkings et autres équipements sont des sources de données pour informer les usagers de l’état des routes, des travaux, des stationnements disponibles, et faciliter l’accès au centre-ville.

En résumé, la data est un outil transverse et les exemples d’application peuvent concerner toutes les thématiques et enjeux que doivent traiter les territoires.

La data, avant tout un levier d’amélioration des politiques publiques

Les retombées de l’exploitation des données peuvent être de plusieurs natures pour les territoires.

Le sacro-saint « retour sur investissement financier », autrement dit la valorisation monétaire des impacts de l’utilisation des données, est à ce jour mesurable et avéré pour quelques cas d’usage précis et d’une actualité criante :  

  • L’éclairage urbain. La pose d’ampoules LEDs associée à des capteurs permet d’assurer un pilotage fin de l’éclairage public et, par exemple, de le moduler. Les données remontées servent ensuite à mesurer les économies d’énergie réalisées et à les monétiser (entre 60% et 80% en moyenne selon la FNCCR).
  • L’efficacité énergétique des bâtiments publics. Dans la même logique, les données relevées par des capteurs aident à adapter le chauffage, la climatisation, ou d’autres paramètres, ou encore repérer des dysfonctionnements et ainsi faire des économies.
  • L’eau. Selon l’Observatoire national des services d'eau et d'assainissement, 20% de l’eau potable distribuée dans les réseaux ne parvient pas aux robinets des consommateurs et est perdue. Des capteurs remontant des données permettent de repérer des fuites, monitorer les niveaux de pression et adapter la distribution d’eau, pour une gestion plus optimisée, économe et vertueuse.

Toutefois, comme le relève la note de conjoncture, plus de 90% des collectivités - Selon l’Observatoire Data Publica- souhaitent avant tout utiliser leurs données pour être plus efficaces dans la mise en œuvre de leurs politiques publiques d’une part, et pour améliorer la qualité des services rendus aux citoyens et la relation aux usagers d’autre part. Ces impacts ne sont pas financièrement calculables, mais n’en restent pas moins mesurables au moyen d’indicateurs. Par exemple, les données vont être indispensables pour quantifier l’efficacité de « zones à faibles émissions » ou dans la conduite de stratégies « zéro artificialisation nette ». Dans un autre registre, elles permettent d’informer les habitants et usagers sur les meilleurs trajets à vélo, la disponibilité d’espaces de fraîcheur ou encore la qualité de l’air. C’est finalement pour se perfectionner sur leur cœur de métier que les collectivités plébiscitent l’exploitation de la data.

Des enjeux qui nécessitent des compétences internes ou externalisées

Bien entendu, exploiter son patrimoine de données reste un projet d’envergure, et les collectivités qui se lancent font face à de nombreux défis.

Ils peuvent être d’abord d’ordre juridique : qu’ai-je le droit de faire et comment, en tant qu’acteur public et garant de la souveraineté ? Le cadre législatif évolue relativement rapidement, au niveau français mais aussi européen : Data Act, Data Governance Act et Artificial Intelligence Act sont trois textes européens récemment entrés en vigueur visant à créer un marché unique de la donnée et à favoriser son usage au service de l’intérêt général, notamment par les villes. Le tout en préservant un haut niveau de protection des données personnelles. A des échelles plus locales, il est intéressant de noter que de plus en plus de collectivités (58% selon l’Observatoire Data Publica) incluent désormais des « clauses data » dans leurs marchés publics pour mieux maîtriser et protéger les données produites et générées notamment par les opérateurs urbains.

Les défis à relever peuvent être également d’ordre technique. Les choix à opérer en termes de technologies sont des décisions de fonds et bien souvent de long terme ; en ce sens, elles peuvent être politiques. C’est le cas par exemple quand une collectivité s’interroge sur la localisation géographique du datacenter pour héberger les données sensibles de ses citoyens, ou quand elle cherche à minimiser son impact environnemental et à s’inscrire dans une démarche de numérique responsable.

Les enjeux sont enfin d’ordre organisationnel. Gérer la donnée à l’échelle d’un territoire relève autant de connaissances techniques que de solides compétences en matière de gestion de projet transverse. Le « data management » et la gouvernance à mettre en place pour une bonne gestion et exploitation des données sont deux paramètres cruciaux à prendre en compte dans les projets data. Sans capacité à embarquer les métiers et les services informatiques ensemble, à mettre en place et faire appliquer des règles de gestion des données, y compris avec les citoyens lors de projets d’opendata, les projets risquent fort de ne pas aboutir.

Tous ces enjeux peuvent être perçus comme des freins, et nécessitent de bien s’entourer, d’avoir recours à des expertises, internes (recrutement de chefs de projet data) ou externalisées (ingénierie, cabinets de conseil, d’avocats…).

Construire un cadre de confiance en passant par le portage politique

Ainsi, loin d’être techno-centrées, les données sont une ressource pour concevoir des politiques publiques. Il s’agit d’action publique, mais plus encore d’orientations politiques. Les projets data nécessitent un portage politique fort. C’est également par ce biais que les stratégies de la donnée s’inscriront dans un cadre de confiance solide, fil rouge absolument nécessaire pour faire aboutir les projets et renforcer le lien entre les services publics et les citoyens. Loin d’une simple « prise de position », la volonté de créer un cadre de confiance peut s’incarner en actes concrets : adoption d’une charte éthique de la donnée, partage avec les habitants des règles en toute transparence, recours à des tiers de confiance…C’est en tout cas le rôle du politique et attendu par les citoyens.

De plus en plus de métropoles ont désormais des élus en charge de la donnée : à quand un « élu data » dans tous les territoires ?

Pour aller plus loin :

 

 

Note de conjoncture "Data, IA et cybersécurité" et replays de la table ronde de lancement

 

 

 

 

 

 

 

Les collectivités territoriales et la data - Infographie Chiffres clés 2022

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