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CD'enjeux

16 juil. 2025

Mettre la dissociation foncier-bâti au service du développement économique des territoires

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Pouvant être utilisée pour répondre à des objectifs variés, la dissociation foncier-bâti est un levier d’action important des politiques économiques des collectivités. Pour assurer sa réussite, le recours aux montages dissociatifs nécessite de s’inscrire dans une stratégie globale et pérenne d’accompagnement des activités économiques par l’ensemble des acteurs publics d’un territoire.

La maîtrise foncière est devenue un enjeu majeur pour de nombreuses collectivités afin de préserver leur foncier à vocation économique et d’atteindre les objectifs de sobriété foncière fixés par la loi. Bousculant des pratiques d’aménagement aujourd’hui dépassées, la dissociation foncier-bâti se révèle un outil puissant pour orienter et soutenir les activités économiques à la faveur d’un changement de paradigme pour l’ensemble des acteurs.

Alignement politique et mobilisation commune des acteurs publics

Un portage politique fort et durable est nécessaire pour asseoir la légitimité des mécanismes de dissociation (bail à construction, bail emphytéotique, cession d’usufruit, etc.) et lever les freins associés à une perte de la maîtrise du foncier pour de nombreux acteurs économiques.

En dépit de leurs atouts (et en particulier l’absence de charges foncières pour le preneur), les montages dissociatifs, en ce qu’ils rompent avec le droit de propriété dans sa conception absolue, peinent encore trop souvent à convaincre les acteurs économiques (entreprises, investisseurs), mais également certains acteurs publics.

Or le recours aux montages dissociatifs nécessite fréquemment la coopération de plusieurs acteurs publics intervenant à différents niveaux ou stades du montage (les collectivités territoriales, les établissements publics fonciers, les aménageurs, les entreprises publiques locales (Sem/Spl) intervenant dans le champ de l’aménagement ou de l’immobilier d’entreprises…). Dans ce cadre, il est indispensable que les acteurs publics alignent leurs positions et coordonnent leurs interventions.

Si le succès du recours aux outils de dissociation foncier-bâti dépend de la mobilisation et du partage d’une vision politique commune par l’ensemble des acteurs publics, elle peut également permettre de réinvestir les politiques publiques de développement économique.

Stratégie foncière et redéfinition des politiques d’accompagnement des activités économiques

Le recours non plus marginal, mais ordinaire aux montages dissociant le foncier du bâti devrait conduire à repenser l’action publique en matière de développement économique.

De fait, lorsque les acteurs publics s’interrogent sur le recours à des outils de dissociation sur du long, voire du très long terme, la conclusion d’opérations de cession au coup par coup cède inévitablement le pas à une approche plus prospective du territoire.

Les acteurs publics sont appelés à penser sur vingt, trente ou soixante ans le foncier concerné, et donc à s’interroger sur l’évolution ou le renouvellement de son occupation, à l’opposé d’une logique « court-termiste » de commercialisation d’un foncier support d’activités économiques sur lesquels la collectivité publique n’aurait plus rien à dire.

Les collectivités ont alors pour rôle de réguler les conditions d’utilisation d’un foncier, de définir ses modalités d’accessibilité financière ou encore de favoriser la réversibilité ou la souplesse de son occupation. Elles ont pour tâche plus largement d’animer le foncier économique dont elles sont propriétaires (intermédiation, mobilisation de communauté, facilitation, négociations, création de partenariats, mobilisation d’outils type foncières…).

Ces missions sont de plus en plus stratégiques dans un contexte de raréfaction du foncier, de compétitivité accrue et d’accélération des évolutions techniques auxquelles sont confrontées les entreprises. Les montages dissociatifs s’inscrivent ainsi au cœur du renouvellement des politiques économiques de l’Etat et des collectivités dans le cadre d’un appel à un plus grand interventionnisme économique face à une déstabilisation accrue du tissu économique français et plus largement européen.

A titre d’exemple, le bail à construction offre la possibilité pour le bailleur de conserver la maîtrise foncière (et donc la capacité d’intervenir demain), mais également d’encadrer la destination des constructions prévues par le preneur. Il constitue ainsi un levier puissant de l’intervention économique des collectivités leur permettant d’orienter le développement de filières sur leur territoire : Il peut être mobilisé pour encadrer l’évolution de certains secteurs d’activités ou encore favoriser l’émergence de pôles d’innovation en garantissant un accès au foncier à des conditions attractives.

La raréfaction du foncier et le recours aux outils de la dissociation foncier-bâti sont ainsi aussi une chance de repenser largement l’accompagnement des entreprises et du développement économique territorial.