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13 millions de Français demeurent éloignés du numérique : ils n'utilisent pas ou peu Internet et se sentent en difficulté avec les usages. L’importance du numérique comme moyen d’inclusion sociale, économique et citoyenne des personnes s’est révélée, et avec elle l’urgence de politiques publiques fortes en matière d’inclusion numérique.

A cette urgence, la réponse a été une multiplication des programmes rendant indispensable la mise en visibilité et l’articulation des dispositifs d’inclusion numérique afin de maximiser leur impact. La mobilisation massive des pouvoirs publics et du secteur privé en faveur d’un numérique plus inclusif a renforcé le besoin de têtes de réseau qui puissent rapidement la soutenir et capitaliser.

Dès 2018, un appel à projets dédié au financement de têtes de réseau de la médiation numérique a été lancé par la Banque des territoires en lien avec la Mission Société numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. L’amorçage de onze « Hubs territoriaux pour un numérique inclusif » chargés l’animation de l’écosystème de l’inclusion numérique (évènements, apport d’expertise et formation) et d’accompagner les projets des structures de terrain a été financé.

L’expérience concluante de l’accompagnement de ces onze projets nous a conduit à annoncer en octobre 2021 la couverture totale des territoires français avec sept nouveaux projets lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt.[1] La subvention octroyée va jusqu’à 250 000 euros en fonction du programme d’actions et de la zone couverte.

Deux ans d’expérimentation, à suivre l’impact de ces structures et dégager les grands axes sur lesquels concentrer l’action des têtes de réseaux, nous ont préparés au lancement de nouveaux Hubs afin de couvrir l’ensemble des territoires.

Quels enseignements autour du rôle des Hubs territoriaux pour un numérique inclusif ?

Les Hubs ont répondu à un besoin de structuration de l’écosystème des acteurs de l’inclusion numérique et de coordination des actions pour mutualiser les ressources nécessaires, formuler des propositions de plan d’action commune de façon à obtenir des financements en commun. Premier pas vers la structuration du réseau : la cartographie de celui-ci avec plus de 6 000 lieux de médiation numérique référencés.

Conseillers numériques France services, dispositif Pass numériques, outillage de la médiation numérique, France services, Aidants connect, Fabriques de territoire, Action cœur de ville… Autant de dispositifs liés aux acteurs de l’inclusion numérique dont la visibilité et l’articulation doivent être renforcées dans les territoires, pour leur réussite.  Ce « mille-feuille » de programmes et de dispositifs créent des sources de financement éparpillées ce qui met en exergue l’utilité et la centralité des monteurs, développeurs et accompagnants de projets que sont les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif.

Aujourd’hui, ils sont identifiés par les structures et acteurs publics de leur territoire lorsqu’il s’agit d’inclusion numérique. En effet, les Hubs ont renforcé la vision globale des enjeux stratégiques de l’inclusion numérique et de la meilleure façon d’y répondre : les expériences menées dans chacun des consortiums, la confrontation avec les besoins et les attentes des territoires, l’accueil manifesté suite aux premières activités déployées par les hubs leur ont permis de murir leur positionnement et leur projet. Ainsi, de nombreux Hubs participent désormais aux réunions techniques des collectivités à l’image de l’intervention de Hubik participant au comité technique inclusion numérique de la Charente ou l’accompagnement par Rhin’Occ du Tarn-et-Garonne dans la construction du Schéma départemental d'inclusion numérique.

Ce recul pris, il s’avère que les activités relatives à l’animation d’écosystème de l’inclusion numérique et l’accompagnement des projets d’acteurs publics ou privés ont été les leviers les plus efficaces dans l’action des Hubs.

D’une part, du fait d’un écosystème de la médiation numérique éclaté entre différents acteurs (publics, privés, déconcentrés, décentralisés, etc.) où le dialogue n’est pas toujours présent, le Hub, positionné à un échelon interdépartemental, bénéficie de la possibilité d’interagir avec tous et de coordonner les actions. D’autre part, grâce à sa position d’animateur d’écosystème, le hub interagit avec un ensemble d’acteurs ce qui lui permet d’avoir une visibilité sur les offres déployées, la maturité numérique territoriale, et donc il peut en ce sens fournir des analyses aux collectivités locales pour les aider à orienter leur politique numérique. Par exemple, le Hub MedNum BFC a été moteur dans l’animation en Bourgogne Franche Comté avec la création d’un « Centre de ressources régional pour la médiation numérique » : une plateforme collaborative avec plus de 200 acteurs de la médiation numérique en faveur de la mise en réseau à l’échelle de la région.

A noter que les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif ne constituent pas un ensemble homogène mais bien des acteurs avec des spécificités propres du fait des besoins et enjeux de leurs territoires, et également de la diversité des acteurs intégrés dans la gouvernance.

Comment adapter et étendre les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif ?

Si l’expérience de ces deux années a achevé de convaincre l’écosystème de la nécessité de couvrir l’ensemble des départements français, métropolitains et d’outre-mer, s’est posée la question de la manière la plus adaptée pour contourner les écueils rencontrés par les premiers hubs lors de leur lancement.

Le lancement des actions des hubs a été freiné par des problématiques d’acceptabilité du côté des structures territoriales bénéficiaires des actions et parfois des acteurs publics qui n’ont pas toujours été assez sollicité. En effet, la double casquette de structures membres de consortiums Hubs a pu créer des tensions.

La pleine mobilisation des acteurs publics (région, préfecture, départements et villes) et l’ouverture du projet au plus grand nombre de structures couvrant l’ensemble du territoire sont les principaux facteurs clés de succès dans le déploiement de ces structures.

Réciproquement, les acteurs publics pourraient bénéficier de l’expertise des Hubs sur de nombreux dispositifs : les préfectures autour du programme France services, l’Education nationale dans la mise en place de l’accompagnement de la communauté éducative à mettre en place des Territoires numériques éducatifs, la Santé et le déploiement de solutions numériques, etc.

C’est bien ce qui a motivé l’équipe Banque des territoires à lancer une seconde vague de sélection mais qui passerait cette fois par un Appel à Manifestation d’Intérêt permettant d’accompagner la construction des candidatures et de faciliter la mobilisation d’une grande diversité d’acteurs sur le territoire.

Trois objectifs principaux ont alors été fixés :

  • Cibler davantage les candidatures et travailler davantage en collaboration avec le territoire ainsi que le porteur de projet, pour établir une proposition de valeur plus forte ;
  • Accompagner les candidats dans la structuration de leur offre de valeur grâce à une expérience acquise au cours de la première vague des Hubs ;
  • Réduire la phase de lancement pour concentrer l’accompagnement sur le déploiement du Hub. La construction d’une relation resserrée entre les porteurs de projet et la Banque des territoires cherche à créer une émulation plus forte suffisamment en amont de la sélection du Hub afin de réduire la phase d’amorçage de la structure et concentrer l’accompagnement autour de son déploiement et de sa pérennisation. 

Après un lancement de l’AMI en novembre 2020, un accompagnement mensuel a été proposée pour chaque région nouvellement couverte, avec une thématique cadrant les échanges, et ce, jusqu’à juin 2021. Annoncés lors de l’évènement national Numérique en commun(s), les nouveaux hubs ont pu se rencontrer et échanger une première fois avec les porteurs des premiers hubs, la Mission Société Numérique et la Banque des territoires.

Les effets de l’accompagnement dans la construction des candidatures

Nous observons plusieurs effets à l’accompagnement dans la construction des projets :

  1. Leur qualité : l’amélioration du projet s’est faite de façon continue avec des commentaires réalisés par la Banque des territoires, l’ANCT et les acteurs présents lors des séances mensuelles. Si des commentaires ont été réalisés dans les avis motivés, la plupart avait déjà été fait dans les phases de construction.
  2. La transparence dans la construction des projets permettant une plus grande notoriété et acceptabilité des consortiums vis-à-vis des structures informées de la démarche et des acteurs publics qui ont pu participer aux échanges. Dans toutes les régions, les collectivités, départements, SGAR et régions ont pu être associés, renforçant de facto les relais régionaux sur lesquels les hubs pourront s’appuyer.
  3. De manière assez évidente une meilleure connaissance interpersonnelle des acteurs mais également des projets permettant d’alimenter la réflexion autour d’un accompagnement individualisé des hubs pour cette deuxième phase.

Ainsi, grâce à l’expérience du précédent Appel à projets et la co-construction des candidatures entre les porteurs, la Mission Société Numérique et la Banque des territoires, le lancement de l’accompagnement des nouveaux hubs se fait de manière resserrée. Les relations interpersonnelles nouées avec les porteurs de projet permettent des liens plus directs notamment dans l’expression des besoins des porteurs. Ces relations sont centrales, en effet un des retours d’expérience des hubs consiste en un manque d’identification des interlocuteurs chargés de l’accompagnement empêchant certaines sollicitations.

Un accompagnement dans le déploiement des Hubs territoriaux pour un numérique inclusif resserré et co-construit

Notre objectif dans la construction de l’accompagnement est de proposer des modalités capitalisant sur le retour d’expérience des premiers hubs et des besoins exprimés tout au long de la phase de construction des candidatures. Sans que cet accompagnement soit totalement individualisé, il est co-construit avec les hubs afin de pouvoir répondre précisément à leurs enjeux.  

Du côté des premiers hubs, si l’accompagnement resserré est terminé, nous continuons à les solliciter. D’une part, dans le cadre de missions complémentaires notamment pour la coordination et animation régionale de Conseillers numériques France services, afin de s’appuyer sur leurs compétences et achever de les placer en interlocuteur privilégié pour les sujets d’inclusion numérique. D’autre part dans le cadre d’un mentorat organisé entre « anciens » et « nouveaux » Hubs, et pour le renforcement de la communauté des Hubs et de leurs relations.

Pour tous, depuis la phase d’expérimentation ou d’élargissement, la finalité reste la pérennisation des structures et de leurs activités, au-delà des dispositifs publics actuellement lancés, vers la structuration d’un modèle économique pour la médiation numérique.

[1] Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Grand Est, Normandie et couverture totale de la région Occitanie et Ile de France