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Les milieux urbains sont des terrains d'observation à part du changement climatique, en ce que leurs particularités constitutives (organisation urbaine, matériaux, fonctions…) exacerbent les phénomènes de fortes chaleurs, par la création d'ilot de chaleur urbains (ICU). Ils sont également le terreau de nombreuses expérimentations menées par les pouvoirs publics, acteurs privés, habitants ou usagers, visant à s'adapter aux fortes chaleurs afin de garantir la poursuite des activités quotidiennes rythmant la vie urbaine.

Ces expérimentations de terrain sont de formes multiples. Elles n'agissent pas toujours à la même échelle (celle de la ville, du quartier, du bâtiment, de l'individu...), et ne connaissent pas les mêmes résultats, les mêmes contraintes ou la même réplicabilité d’une ville à l’autre. Une première clé d'entrée, le caractère low tech des solutions, soit des solutions mobilisant des techniques simples, anciennes dans l'histoire des villes et peu coûteuses, permet de mettre en avant un panel de dispositifs qui ont permis, permettent, et permettront demain de rendre les milieux urbains plus vivables en période de fortes chaleurs. 

Garantir la place de l’eau dans la ville

Tout d'abord, la présence de l'eau au sein des milieux urbains est un facteur de première importance dans le maintien de la fraîcheur, et cette présence peut prendre plusieurs formes (cours d'eau, végétation, fontaines...). Si l'on prend l'exemple de la végétation, le système racinaire des plantes capte l'eau des sols et est évacuées par les feuilles sous forme gazeuse lorsque s'opère la photosynthèse (évaporation), mais également afin d'assurer la régulation thermique du végétal (transpiration). Ce processus d'évapo-transpiration permet aux végétaux de se comporter comme de véritables climatiseurs passifs.

Apporter de l’ombre à l’échelle du quartier et du bâti

L'ombrage est également un élément crucial dans le confort thermique des usagers de la ville. Dans la rue, elle peut être favorisée au moyen d'arbres ou de coursives couvertes. À l'échelle du bâti, les dispositifs végétalisés sur les toits et le long des façades permettent de maintenir ces surfaces à l'ombre et d'apporter un confort thermique supplémentaire aux intérieurs. Une solution des plus low tech est la plantation de plantes grimpantes. La limitation des surfaces vitrées et leur protection est également primordiale, par l'installation de volets ou stores positionnés à l'extérieur du bâtiment.

Adapter la morphologie et l’architecture des villes

D'autres facteurs de composition urbaine et d'architecture jouent sur la réduction, ou l'exacerbation, des fortes chaleurs. Ici le panel des solutions existantes est vaste, et les dispositifs fonctionnent généralement en association. La hauteur et la compacité des constructions jouent par exemple sur le confort thermique diurne et nocturne, puisqu'une forme urbaine haute et compacte stockera moins de chaleur durant la journée, mais aura davantage de mal à la restituer la nuit venue, et vice-versa. Il est ainsi nécessaire de lier la réflexion sur les formes urbaines à une bonne circulation de l'air, à l'existence de dispositifs d'ombrages, au maintien d'une part de surfaces non artificialisées ou encore à des choix architecturaux judicieux (logements traversants, puits provençaux...).

Faire évoluer les comportements en ville

Enfin, certaines pratiques peuvent être mises en œuvre afin d'adapter le quotidien sous de fortes chaleurs. À l'échelle de l'individu, ces pratiques relèvent généralement de changements d'habitudes, tels que l'aération matinale et nocturne du logement, ou la fermeture des volets en journée. À l'échelle collective, une évolution de certaines normes sociétales plus lourdes est nécessaire : dans le monde du travail, il s'agit par exemple de l'adaptation des horaires en fonction des pics de chaleur, ou de l'évolution des codes vestimentaires. D'autres enfin mêlent à la fois une dimension individuelle et collective, telles que la réduction des rejets de chaleur anthropiques (usage de la climatisation, de la voiture individuelle), où l'évolution des comportements individuels nécessite au préalable l'existence de normes ou d'infrastructures.

Pour rendre nos villes vivables en période de fortes chaleurs nécessite de travailler sur plusieurs tableaux, en associant les types de solution entre elles pour profiter d'effets combinés, mais aussi de réfléchir en amont sur la pertinence de ces dispositifs au sein d'un milieu urbain donné (formes urbaines, climat, pratiques...). Afin de sélectionner les solutions pertinentes à l'échelle locale, l'adaptation aux fortes chaleurs doit pouvoir être un sujet d'échanges avec les habitants et usagers de la ville, et doit de fait ne pas être uniquement considérée comme un sujet technique.

 

 

 

En complément de ce billet, lire également l'article "Faisons le choix de la nature" du mook  Adapter/Adaptez, des solutions pour les territoires face au changement climatique.

Cette publication de la Caisse des Dépôts fait suite à un cycle de recherche sur l’adaptation au changement climatique des territoires, dirigé par l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts avec l’appui de 5 think tanks : la Fondation Jean-Jaurès, la Fondation pour l’innovation politique, Terra Nova, La Fabrique Écologique et le Comité 21.

 

 

 

Il retrace deux ans d’une collaboration au plus près des territoires, Nîmes, Marseille, Paris, La Bresse, Noirmoutier, pour découvrir les solutions déjà mises en place ou à mettre en place pour s’adapter aux nouveaux risques  :
- chaleur en ville
- circuits courts et écologie industrielle
- épisodes météorologiques extrêmes, inondations et aménagement
- érosion du trait de côte 
- perte d’enneigement en moyenne montagne
- ressource en eau et conflits d’usages
- forêts et réchauffement
- modèle assurantiel face aux risques climatiques.

Pour aller plus loin :

 

Téléchargez le rapport  Mieux vivre en ville en période de fortes chaleurs par Nikos Biggs-Chiropolos,  Léonie Casamitjana, Lucie Girod et Marcel-Tobias Schreiber