La mobilité est au cœur des grandes crises contemporaines (économique, énergétique, écologique, ...) et une réinvention globale du système de déplacement dominé par la voiture est nécessaire. 

Dans leur récente note, issue d’un groupe de travail rassemblant une dizaine d’experts, le Forum Vies Mobiles et La Fabrique Écologique défendent le développement d’une nouvelle gamme de véhicules beaucoup plus légers, à mi-chemin entre le vélo et la voiture (du type vélo à assistance électrique à la mini voiture, en passant par le tricycle, le vélo mobile et le triporteur). Associée à une nouvelle politique d’aménagement du territoire, cette voie serait plus vertueuse que celle de la simple électrification du parc automobile existant, solution portée en priorité par les pouvoirs publics.

La Caisse des Dépôts soutient les travaux de La Fabrique Ecologique. Fondation pluraliste de l'écologie, La Fabrique Ecologique est un Think et Do-Tank qui a pour objectif de promouvoir l'écologie et le développement durable sur la base de propositions pragmatiques et concrètes.   

 

L’électrification des transports, seule, ne pourra pas réduire tous les problèmes sociaux et environnementaux de l’automobilité

Aujourd’hui, le système automobile fondé sur la vitesse est insoutenable. Les ménages sont de plus en plus motorisés et les véhicules particuliers représentent plus de 15% des émissions de CO2 du pays. Et, contrairement à ce que prévoit le Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), ces émissions ne diminuent pas au rythme nécessaire malgré l’amélioration des performances des moteurs et des carburants. Et pour cause ! Les véhicules sont de plus en plus lourds, et cette tendance s’est accélérée avec le développement des SUV qui représentent aujourd’hui plus de 40% des ventes de véhicules neufs en France : en moyenne une voiture neuve pesait moins de 800 kilos en 1960 contre presque 1 300 kilos en 2017. Mais ce sont aussi les distances parcourues qui augmentent : on parcourt plus de soixante kilomètres par jour aujourd’hui contre six il y a un siècle. Dix fois plus. Nos modes de vies deviennent trop intenses, ce qui renforce les inégalités sociales (le budget voiture pèse deux fois plus lourd dans les budgets des plus modestes que dans celui des plus aisés).

Face à ces défis, l’électrification des véhicules est aujourd’hui au cœur des politiques publiques, qui la considèrent comme le levier prioritaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

Pourtant, cette innovation technologique ne suffira pas. D’une part parce qu’elle n’apporte pas de réponse aux autres impacts écologiques et sociaux des transports routiers de personnes (étalement urbain, sédentarité, coût économique élevé, etc.), d’autre part parce que l’électrification accentue d’autres pressions environnementales (extraction des métaux, production d’électricité, ...). D’autant plus que le scénario de référence présenté par RTE en 2021 indique que l’électrification des transports sera le premier facteur d’augmentation de la consommation d’électricité à horizon 2050, impliquant de développer à un rythme effréné les énergies renouvelables et/ou le nucléaire. À rebours de la dynamique actuelle consistant à vendre toujours plus de lourds SUV, y compris électriques, une autre voie est possible : organiser la réduction du poids des véhicules.

 

Alors quelle alternative ? Les véhicules légers, à mi-chemin entre vélo et voiture

En complément des transports collectifs, de la marche et du vélo, une nouvelle offre alternative à la voiture électrique doit être développée : les véhicules légers, beaucoup moins coûteux, dont les besoins en énergie sont faibles et parfaitement adaptés à de nombreux trajets.

Ces véhicules, qui pour certains modèles existent déjà mais ne sont pas encore suffisamment connus et déployés, pèsent moins de 500 kilogrammes, roulent généralement à une vitesse maximum de 50 km/h et émettent peu de CO2, aussi bien lors de leur utilisation, car ils sont mécaniques ou électriques, que sur l’ensemble de leur cycle de vie grâce à une production locale et à une plus grande réparabilité.

Ces véhicules permettent de faire plus de choses que le vélo (équilibre, vitesse, effort, transport de charges ou de personnes, ...), mais sont beaucoup moins gourmands en énergie et en ressources qu’une voiture thermique ou électrique. Ils sont donc parfaitement adaptés pour les déplacements de la vie quotidienne : aller au travail, faire ses courses, transporter du matériel, accompagner des enfants, des personnes âgées, etc. Ils peuvent être utiles dès demain aux 30% de la population qui pratiquent déjà l’ensemble de leurs activités à moins de 9 kilomètres de leur domicile ; aux 60% de personnes en emploi qui ont des trajets domicile-travail de moins de 9 kilomètres, aux 23% de travailleurs effectuant des déplacements professionnels quotidiens ou occasionnels, aux familles avec 2 à 3 enfants ou encore aux personnes à mobilité réduite nécessitant un véhicule plus adapté que le vélo pour se déplacer.

Leur production et leur réparation pourraient s’appuyer sur un système décentralisé et issu d’une hybridation entre l’industrie (pour la production des composants) et l’artisanat (pour l’assemblage et la réparation). Aujourd’hui, les modèles existants coûtent entre 1 500 et 10 000 euros selon le type de véhicule (autour de 1 500 euros pour un vélo électrique, 3 500 euros pour un vélo cargo, 4 000 pour un triporteur et 10 000 pour une voiturette), mais leur prix pourrait baisser considérablement s ‘ils étaient produits en plus grande quantité !

Le Karbike, un exemple de véhicule pesant 80 kg permettant de transporter deux personnes quelle que soit la météo

©Karbikes

Le Karbike, un exemple de véhicule pesant 80 kg permettant de transporter deux personnes quelle que soit la météo


Trois leviers pour le développement des véhicules légers

Pour impulser le développement et la diffusion de véhicules légers, le Forum Vies Mobiles et la Fabrique Écologique proposent d’activer trois leviers.

  • L’instauration d’un véritable bonus-malus sur le poids des véhicules pour lutter contre la production et l’achat de véhicules lourds et faire en sorte que les nouveaux véhicules légers viennent en substitution et non en complément des véhicules polluants actuels. Sans cette mesure, deux marchés coexisteront, celui des véhicules légers et ultralégers d’un côté et de l’autre, celui des voitures toujours plus lourdes. On peut le voir aujourd’hui avec le développement des Citroën Ami chez les jeunes lycéens des familles aisées, véhicules qui s’ajoutent à la panoplie des véhicules que possèdent déjà ces ménages.
  • L’organisation de « rencontres nationales et translocales des véhicules légers » pour mettre le sujet à l’agenda politique. Les objectifs seraient à la fois de rendre visibles ces véhicules et leurs avantages écologiques, de fédérer les acteurs (constructeurs de véhicules intermédiaires, acteurs publics et associations impliquées sur les questions écologiques, de mobilité, de santé, d’inclusion sociale, citoyens, etc.) et d’échanger autour des besoins afin de mettre en place la filière : besoins de mobilité, limites de l’offre existante, révision des dispositifs existants de soutien à l’innovation, qui sont plus favorables aux innovations high-tech qu’aux initiatives low-tech, définition d’un cahier des charges à respecter, notamment sur les exigences de réparabilité des véhicules et de production locale, etc.

 

Woodybus - bus scolaire à pédales

© Woodybus

Le Woodybus, pesant seulement 200 kg, permet à 8 enfants accompagnés d’un adulte de se rendre à l’école en pédalant, à l’aide d’une assistance électrique

  • La mise à disposition de véhicules légers dans des « maisons de la mobilité », stimulant ainsi la demande et offrant des débouchés aux constructeurs. Mises en place à l’échelle de chaque commune ou intercommunalité selon leur taille et dotées d’exemplaires de différents modèles de véhicules à la location, courte ou longue durée, avec des tarifs sociaux, ces maisons constitueraient des lieux de partage, ouverts à toutes et tous, autour de la mobilité sobre. Le nombre et la quantité de véhicules disponibles s’ajusteraient en fonction des besoins des habitants, qui pourraient également formuler des retours d’expériences aux constructeurs afin qu’ils adaptent leurs produits. Les maisons de la mobilité permettraient également de contribuer à amorcer une dynamique de mise en commun des véhicules légers. Leur périmètre d’utilisation, souvent plus étroit que celui d’une voiture classique, permettrait leur partage. Ces lieux proposeraient également un accompagnement plus large à la mobilité : lecture de l’offre de transports en commun, acquisition des compétences pour utiliser les véhicules légers, location d’accessoires (remorques, etc.). Les maisons de la mobilité seraient des lieux pour apprendre ou réapprendre à celles et ceux qui le souhaitent à réparer ces véhicules et à les ajuster en fonction de leurs besoins (réglages, accessoires, etc.).

Tout comme l’avènement du système voiture s’est appuyée sur la mise en place d’infrastructures, de normes et d’un récit autour de la liberté, le développement des véhicules légers devra être partie prenante d’un système complet alternatif à la voiture comprenant les transports en commun, le vélo et la marche. Cela implique une adaptation des infrastructures routières et un aménagement du territoire favorisant la réduction des distances à parcourir au quotidien, en accord avec les aspirations des personnes à vivre en plus grande proximité, mais aussi la promotion de nouveaux modèles de déplacement et de nouvelles normes. L’émergence et le déploiement des véhicules légers ne se limite pas tant à l’enjeu technique de fabrication de ces engins, qu’à l’absolue nécessité

Pour aller plus loin :


Télécharger le rapport complet "Pour une mobilité sobre : la révolution des véhicules légers"