Crédit ©Mr Twister / AdobeStock

article

CD'enjeux

18 juil. 2025

Requalification et mutabilité des ZAE : un potentiel à révéler face à la rareté foncière

Face à l’urgence climatique et à la raréfaction des terres disponibles, la sobriété foncière s’impose comme un nouvel impératif pour les territoires. Les zones d’activités économiques (ZAE) apparaissent comme des leviers de transformation majeurs, encore largement sous-estimés. En effet, ces espaces concentrent une part importante du foncier déjà artificialisé et offrent, pour beaucoup, des marges de manœuvre foncières insoupçonnées.

C’est à ce titre que la Banque des Territoires a lancé une étude exploratoire sur la transformation des ZAE, intitulée Cap sur la mutabilité – Quand les zones d’activités se transforment (2025) . Peu connues, faiblement rationalisées, les zones d’activités héritées de décennies d’aménagement extensif recèlent un potentiel considérable. Densification, mixité fonctionnelle, requalification, renaturation… Les scénarios possibles sont multiples, à condition de mieux connaître les lieux et d’outiller l’action publique.

Des zones omniprésentes, mais insuffisamment connues

Le territoire français compte plus de 30 000 zones d’activités économiques, qui couvriraient environ 7 à 8 % de la surface artificialisée du pays (CEREMA, 2021). Dans certaines régions très urbanisées, comme l’Île-de-France ou les Hauts-de-France, elles représentent jusqu’à un tiers du foncier économique disponible.

Ces zones ont fortement contribué au développement économique local. Cependant, leur urbanisme reste marqué par l’étalement, la faible densité, la spécialisation monofonctionnelle, et une faible intégration paysagère. Selon les analyses du Cerema et de l’Institut Paris Région, la densité bâtie moyenne des ZAE est autour de 0,2 à 0,3, soit une emprise bâtie inférieure à 30 % de leur surface totale. Le reste est occupé par du stationnement, de la logistique à ciel ouvert ou des espaces végétalisés peu valorisés.

S’ajoute à cela un déficit de connaissance structurel. Malgré l’obligation réglementaire de réalisation d’un inventaire de zone d’activité encore peu de collectivités disposent d’un atlas actualisé, encore moins d’un diagnostic foncier approfondi : taux de vacance, état du bâti, propriété, occupation, accessibilité ou capacité à muter. Pourtant, cette information est une des clés de la stratégie foncière territoriale.

Un impératif stratégique dans le contexte du ZAN

L’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience (2021) et l’atteinte des objectifs du ZAN imposent une transformation profonde de notre modèle d’aménagement. À l’horizon 2031, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) devra avoir diminué de moitié par rapport à la période 2011-2021. D’ici 2050, tout projet devra s’inscrire dans une logique de zéro artificialisation nette.

Dans ce cadre, les zones d’activités économiques constituent un levier majeur de sobriété foncière. Elles peuvent accueillir de nouveaux projets sans consommation d’espaces supplémentaires — à condition de muter : plus denses, plus mixtes, mieux connectées, ou partiellement renaturées.

Comme le soulignait déjà l’économiste britannique John Stuart Mill dans ses Principes d’économie politique (1848), « la terre diffère des autres éléments de la production, le travail et le capital, en ce qu’elle n’est pas susceptible d’un accroissement indéfini. Cette limitation de la quantité de terre et de sa productivité est la limite telle de l’accroissement de la production. » Une leçon plus que jamais d’actualité dans le contexte d’épuisement des ressources foncières et qui peut être abordée par la rationalisation du foncier productif déjà artificialisé.

La mutabilité : une approche à structurer, des scénarios à construire

Mais par où commencer ? Comment évaluer ce que peut devenir une ZAE ? Pour répondre à ces questions, notre étude exploratoire sur quatre zones d’activités très différentes (Anglet, Puceul, Auterive, Roubaix) propose une méthode transposable pour construire des scénarios de transformation réalistes.

Les résultats montrent qu’il est possible d’élaborer des scénarios de mutabilité concrets et adaptés.

  • À Auterive (31) et Puceul (44), situées sur des corridors logistiques stratégiques, les scénarios explorent une densification sans démolition massive, en misant sur la transformation d’emprises publiques  et la construction de bâtiments compacts. L’objectif : créer rapidement de la surface disponible tout en valorisant le cadre paysager pour améliorer l’attractivité.
  • À Bayonne-Anglet (64), dans une agglomération littorale dense, l’attention se porte sur l’optimisation des grandes infrastructures (parkings, voiries, réseaux), avec une reconstruction ciblée sur des fonciers libérés. Une approche qui s’inscrit dans une logique d’intensification fonctionnelle du tissu économique urbain.
  • À Roubaix (59), territoire urbain en déprise, la stratégie repose sur la sélection fine de bâtiments à réhabiliter, la densification des grandes emprises privées (surélévation, extensions) et l’insertion paysagère et fonctionnelle de la ZAE dans la stratégie globale de renouvellement urbain portée par la Métropole.

Passer de la connaissance à l’action

Pour révéler le potentiel de mutabilité des ZAE, les collectivités ont besoin :

  • D’une cartographie précise et actualisée de leurs zones d’activités ;
  • D’un accès facilité aux données foncières et économiques (vacance, propriété, typologie d’activité) ;
  • D’un accompagnement en ingénierie pour construire les scénarios de transformation et mobiliser les bons outils.

Des solutions existent pour enclencher cette dynamique. L’outil @zae proposé par la Banque des Territoires permet déjà de répondre aux obligations de recensement introduites par la loi Climat. Le portail France Foncier+  valorise des fonciers économiques mobilisables. Et des études comme « Cap sur la mutabilité » démontrent qu’une lecture fine du terrain permet d’imaginer des projets à haute valeur économique et environnementale.

D’un urbanisme d’extension à un urbanisme de transformation

L’évolution des ZAE engage une réflexion plus large sur la manière dont nous concevons l’aménagement du territoire et le développement économique : passer d’un urbanisme de stock à un urbanisme de projet, intégrer les enjeux de nature en ville, de circularité, de mobilité durable et de proximité des fonctions.

En somme, réussir la transformation des ZAE, c’est réussir la transition des territoires. Une transition qui concilie compétitivité économique, sobriété foncière et qualité de vie.

Notes

 

Pour aller plus loin :