Le commerce de centre-ville face à des vents contraires

Les vents contraires qui ont soufflé sur le commerce de centre-ville sont à la fois continus et soutenus depuis des années, avec des accès parfois très violents.

Ils ont été largement documentés (*) et les clefs de compréhension sont aujourd’hui assez largement partagées.

On sait qu’elles sont loin de se limiter au développement de la grande distribution (un accusé à la fois visible et facile) ; elles intègrent le grand mouvement de périurbanisation qui a transformé l’équilibre des villes et aura été le ferment premier de la réduction d’influence des centralités. Elles sont aussi, plus globalement, la traduction de dynamiques démographiques et économiques contrastées avec en particulier la paupérisation des cœurs de villes moyennes ; elles s’entretiennent enfin des changements qui interviennent dans les pratiques des consommations, et qui sont marqués notamment (mais pas que) par le développement du commerce digital, qui provoque une transformation profonde du secteur marchand. Ces différents facteurs ont conduit, notamment dans les territoires les plus fragiles, à une crise de centralité. Et le commerce est souvent la butte témoin de ces difficultés, rendu très sensible par le développement de la vacance.

Face à ces vents contraires, qui mobilisent de nombreuses énergies, comment mettre le navire dans le sens de la marche et lui redonner de la vitesse ?

Inscrire l’action de revitalisation commerciale dans une politique globale   

Les leviers sont aujourd’hui nombreux, et doivent être adaptés à chaque situations ; De Vannes à Aubenas, deux villes « Action Cœur de Ville », la masse critique commerciale, la taille du bassin de population, le ressort économique et les moyens mobilisables sont notablement différents. La stratégie à adopter sera plus ou moins offensive et devra intégrer des modulations importantes. Qui dit « politique globale » dit aussi « politique cohérente ». Soutenir le commerce des centres-villes relève d’une action durable, et chaque décision d’aménagement sur le territoire, chaque autorisation délivrée en vue de construire un équipement sur un site particulier, devrait se mesurer à l’aune de la protection de la centralité commerçante. Malheureusement ce n’est pas toujours fait.

Un socle indispensable

Dans une politique visant à redonner de l’attractivité au commerce de centre-ville, il faut distinguer le socle existant, des moyens d’accompagnement à mettre en place.

Le socle, c’est le point d’appui sur lequel le commerce se déploie. Il comprend l’ensemble des fonctions qui font vivre ces centralités :

  • Développer une offre attractive de l’habitat en centre-ville ;
  • Favoriser un développement économique équilibré ;
  • Développer l’accessibilité, la mobilité et les connexions ;
  • Mettre en valeur les formes urbaines, l’espace public et le patrimoine ;
  • Fournir l’accès aux équipements, services publics, à l’offre culturelle et de loisirs.

Sans action coordonnée sur ces différents leviers, dont l’importance doit être adaptée à la problématique et aux enjeux des différents centres villes, l’action sur le commerce risque de ne pas avoir l’effet escompté.

C’est bien le sens du programme « Action Cœur de Ville » lancé en 2018 : un premier programme axé sur les villes moyennes qui concentrent près d’un quart de la population française et jouent un rôle essentiel au sein des régions. L’Etat a décidé d’engager 5 milliards d’euros sur 5 ans (2018-2022) pour réaffirmer le rôle de ces villes moyennes et de leur centre-ville dans le paysage territorial de demain.

Plus récemment, le programme « Petites villes de demain », lancé en 2020, a lui pour objectif de renforcer les moyens des villes et des intercommunalités de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralités pour bâtir et concrétiser leurs projets de territoire, jusqu’à 2026.

C’est sur ce socle, ces fondations, qu’il convient de construire un plan adapté au commerce.

Une politique pro-active

Ce plan devra reposer sur un examen du potentiel commercial et une vision de l’évolution du commerce. C’est une politique qui doit être  résolument tournée vers l’avenir, la pire des erreurs, dans ce secteur en mutation rapide et profonde étant de vouloir reconstituer le tissu commercial du passé.

Extrait mission de conseil de la  SCET

Cette politique volontariste, qu’il faut saluer, a été portée par une prise de conscience d’une part importante des consommateurs-citoyens de la nécessité d’un retour vers le local, l’authentique, les circuits courts, et les petits commerces indépendants. Et peut-être aussi la redécouverte du temps de vivre différemment. Notre attachement au patrimoine, aux centres-villes historiques, à la culture de la place du village permet aussi de rester optimistes.

Il faut proposer des plans d’actions très concrets pour rendre ces centres-villes plus attractifs, plus agréables et désirables. Dans la large palette d’outils qui s’offre aujourd’hui aux villes pour inverser la tendance, retrouver de la fréquentation, créer de l’envie et apporter de la valeur au centre-ville, ce sont trois axes qui sont plus particulièrement à travailler et à décliner en fonction des spécificités de chaque ville, la nature de leur problématique et leurs atouts.

 

Extrait mission de conseil de la  SCET

Le premier axe est celui d’une politique urbaine de fond, le socle sur lequel toute action d’accompagnement du commerce doit reposer : il comprend notamment l’intervention sur l’espace public, le travail sur l’habitat et surtout, la réflexion sur l’accessibilité pour faciliter la fréquentation, un point majeur pour le commerce.

Le second axe est celui de la dimension commerciale proprement dite. Souvent mis en œuvre par le manager de centre-ville, il comprend l’animation commerciale, la communication et le marketing territorial, l’aide au positionnement des commerçants et la relation client, et, de plus en plus, le conseil sur la dimension digitale.

Le dernier axe d’action, structurant, est celui de l’action sur l’immobilier commercial, dont un des objectifs est de renouveler l’offre commerciale par la maitrise des murs, dans un contexte où la fragmentation foncière complique le développement d’une offre cohérente et attractive.

Les exemples d’élus engagés dans une politique volontariste sont aujourd’hui nombreux, assurant l’embellissement du cœur de ville historique par une conjugaison de ces actions.

Embellissement des magasins du cœur de ville (chartes des enseignes et vitrines), nouvelles poches de stationnement, valorisation du marché (qui est une locomotive du centre-ville en voie de réinvention, cf. Halles gastronomiques), définition de parcours marchands, sont autant d’outils pour rendre de nouveau les centres-villes attractifs : l’enjeu n’est pas d’imiter et courir après la concurrence périphérique ou de s’opposer frontalement aux plateformes numériques, mais bien de proposer à ces centralités un positionnement différenciant, avec une âme, une qualité de vie que l’on trouve nulle part ailleurs, avec certainement le déploiement de nouveaux services aux consommateurs, en termes d’accès facilités aux magasins, en termes d’aménagement urbain mais aussi d’aménagements horaires.

Quel bilan ?

S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ces actions, on note que les villes qui s’étaient déjà engagées dans de vrais projets de reconquête et revalorisation des centres-villes ont pu profiter de la mobilisation des programmes nationaux et de l’engagement de la Banque des Territoires pour parfaire leur plan d’actions. A toutes les échelles, les cas sont nombreux de centres-villes revigorés, et de nouveau plus attractifs. Et à chaque fois nous pouvons noter que la réussite de ces opérations passe par un ensemble d’actions qui dépassent le simple cadre du commerce, mais participent à l’attractivité de ce territoire fragile.

 

 

(*) A commencer par le rapport intitulé « La revitalisation commerciale des centres-villes », rédigé en 2016 par l’Inspection Générale des Finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, qui avait mis en exergue les forts risques de dégradation généralisée des centres-villes commerçants sur fond  d’une forte croissance de la vacance commerciale