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La donnée est aujourd’hui incontournable sans que sa valorisation dans les politiques publiques ne soit systématique. Pourtant, le besoin est bien présent ; en témoigne l’engouement lors de la crise de la Covid-19 pour les tableaux de bord de suivi de la crise sanitaire, et plus encore depuis le lancement de la campagne de vaccination. Menée non sans embûches (difficultés éprouvées concernant la qualité de la donnée ou son rafraichissement), cette action d’ampleur du pilotage d’une politique publique par la donnée rappelle combien les données sont autant un élément de validation que d’acceptation des politiques à l’œuvre en France.

C’est là l’ambition du projet de Dataviz Territoires d’industrie coconstruit par la Banque des Territoires, l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et la Délégation aux Territoires d’industrie (DTI) de Bercy : proposer des tableaux de bords cartographiques à des utilisateurs allant du citoyen à un expert ou même un industriel. Avec pour objectifs de pouvoir connaître les projets industriels financés dans le cadre du programme national Territoires d’industrie et de France Relance, apprécier comment l’Etat répond à la crise et accompagne les secteurs en difficultés.

Cet outil ambitionne d’être un observatoire en temps réel et ouvert à tous des dynamiques industrielles ; analyser leurs potentiels et développer de nouveaux projets. Il s’inscrit dans une logique de collaboration avec tous les acteurs, y compris les citoyens, afin de mettre en avant la dynamique nouvelle de l’industrie en France.

Un outil d'accompagnement dans la reconquête industrielle

Le programme Territoires d’industrie est relativement jeune. Lancé en fin d’année 2018 par le gouvernement lors d’un Conseil national de l’industrie avec pour objectif la reconquête industrielle, il s’agissait alors d’un défi à bien des égards.

En effet, Territoires d’industrie, c’est tout d’abord une géographie nouvelle et particulière définit par l’Etat sur des territoires aux identités industrielles fortes (148 territoires d’industrie qui sont des agrégats d’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI), parfois interdépartementaux ou régionaux et qui concernent plus de 15 000 communes et 30 millions de français). Il n’existait alors peu ou pas d’indicateurs (exceptés ceux à l’échelle des EPCI) permettant de véritablement poser un diagnostic sur ces territoires industriels.

Par ailleurs, il apparaissait nécessaire de penser le plus en amont possible les projets industriels, parfois lorsqu’ils étaient encore à l’état d’idée, en dotant les utilisateurs d’une palette de mesures qui pouvaient accélérer ou au contraire contraindre le développement des industriels sur les territoires. Nous avons donc ajouté différents périmètres et zonages comme les zones Natura 2000 (zones de préservation de la faune et la flore) sur lesquelles le développement d’une usine est complexe. Nous avons également inclus les espaces disposant de foncier disponible dans lesquels des complémentarités avec d’autres industriels pouvaient se nouer (logique de sobriété foncière).

L'idée s'est imposée très vite de se doter d’un outil de datavisualisation, véritable outil de travail, simple d’utilisation et permettant, en quelques clics, de pouvoir saisir les dynamiques de ces territoires. L’enjeu était notamment de pouvoir valoriser les actions de la Banque des Territoires en matière de soutien aux projets industriels sur les territoires, sur des champs d’action divers : de la réalisation d’une usine pour une coopérative de masques en Bretagne[1] au soutien à un centre de formation dans la maintenance automobile à Lens[2]… L’empreinte des actions une fois constituée permettait aussi de voir où nous n’intervenions pas assez, et donc assurer notre mission de réduction de la fracture territoriale.

Développer de nouveaux projets et rendre notre action encore plus efficace

Nous intervenons sur tous les aspects qui permettent la redynamisation industrielle : du financement d’une usine au déploiement de solutions visant à rendre l’industrie plus respectueuse de l’environnement. Nous accompagnons aussi les projets de centres de formation ou encore l’élaboration des stratégies industrielles des territoires. En ce sens, la Dataviz Territoires d’industrie entend proposer un diagnostic sur ces thématiques afin de rendre notre action toujours plus efficace.

Dans le domaine de la formation, Pôle Emploi estime que chaque année, plus de 50 000 offres d’emplois dans l’industrie sont non pourvues, faute de candidats. Afin de résoudre ce déséquilibre, nous accompagnons l’ouverture de centres de formations sur des métiers industriels très précis.

Nous nous sommes rapprochés de Pôle Emploi qui produit les enquêtes Besoins de Main d’Œuvre (BMO) depuis 2015 et qui permettent d’accéder à des données riches sur les métiers en tension année après année dans tous les bassins d’emplois.

Dans le Territoire d’industrie du Choletais-Mauges (Pays de la Loire), un besoin d’école de production dans les métiers de la chaudronnerie a été remonté. En utilisant les données de la Dataviz, nous avons pu valider la puissance des données en trouvant rapidement que c’était dans le métier de la chaudronnerie que, depuis 2015, se concentraient le plus de difficultés de recrutement puisque que ¾ des offres ne trouvaient pas preneur. C’était par ailleurs un besoin fort des industriels sur le territoire car on retrouvait, chaque année, près de 60 offres dans ce métier qui avaient vocation à être pérennisés (emplois non saisonniers).

Tableau de bord sur le marché du travail du territoire du Choletais-Mauge

Aujourd’hui, l’école de production sur le Territoire d’industrie Choletais-Mauges a ouvert ses portes en octobre 2020 et forme désormais 12 élèves par an aux métiers de la chaudronnerie. Elle a permis de montrer la force de la Dataviz et permet non plus seulement de valider ces projets mais d’anticiper les besoins afin de déployer ce type de structures dans d’autres territoires en tension comme la Nouvelle Aquitaine ou Grand Est.

 

Une logique d’ouverture et de collaboration pour accélérer la dynamique industrielle

La crise sanitaire qui frappe le pays depuis mars 2020 a révélé les limites de l’appareil productif français et le plan de relance entend s’appuyer sur Territoires d’industrie dans la dynamique de reconquête industrielle.

Afin de répondre à cette dynamique, la Dataviz est, depuis le 15 décembre 2020, publique (accessible ici) et s'inscrit dans la démarche de coconstruction avec les opérateurs et partenaires déjà existante. Le but est d’assurer la convergence du programme, comprendre comment la crise a affecté les territoires et avoir la vision la plus fine possible sur les actions des opérateurs et partenaires sur la partie industrielle.

De même, l’expérimentation interne a montré que travailler la donnée, c’était aussi représenter un territoire. Cette image, plus ou moins fidèle et partagée, ne peut être imposée unilatéralement mais doit au contraire être confrontée aux expertises locales. Nous travaillons désormais à l’enrichissement de chaque source de données. C’est ainsi le cas avec le Conseil Régional de Nouvelle Aquitaine avec qui nous travaillons afin de définir des indicateurs pertinents notamment dans les zones rurales dans lesquelles les créations industrielles sont moins documentées.
 

Aujourd’hui, les attentes sont nombreuses tant pour le programme Territoires d’industrie que pour le Plan de Relance industriel et plus généralement concernant une certaine indépendance productive de la France. 

La Dataviz Territoires d’industrie entend appuyer la dynamique engagée depuis deux ans et relancée depuis la crise grâce à un travail d’animation de l’écosystème et par l’inclusion plus large des citoyens dans les logiques de stratégies industrielles. 

L’objectif est ambitieux, mais atteignable, à condition d’embarquer tous les acteurs de l’industrie et de proposer une gouvernance des données suffisamment agile. Il devrait permettre de créer un hub des Territoires d’industrie, ouvert et permettant l’échange sur ce qui fera l’industrie de demain.