Temps de lecture
5 min

L’arrêté d’extension de la loi Labbé, interdisant l’usage des pesticides de synthèse sur de nouveaux types d’espaces verts (cimetières, jardins, parcs d’attraction, voies d’accès privées, golfs, établissements de santé, etc.) a été publié au JORF n°0018 du 21 janvier 2021.
L’objectif pour les collectivités est dès lors d’impulser une transition où l’usage des pesticides laisse la place à des pratiques bénéfiques à la restauration de la biodiversité et des milieux naturels

Contexte

Dans un contexte de rationalisation des dépenses, l’argument économique est primordial pour la mise en place d’une démarche Zéro Phyto. Pour être réalisé à coûts constants (voire réduits), le passage au Zéro Phyto requiert une gestion totalement différente de celle réalisée avec des pesticides de synthèse. Il est dès lors essentiel de trouver des alternatives au tout-désherbage et de développer une « gestion différenciée », qui consiste à prôner le laisser-faire naturel et à intervenir uniquement sur quelques espaces ciblés.

Ce changement concerne notamment l’évolution des représentations autour des espaces verts jugés « bien entretenus » qui privent de nombreuses espèces de leur habitat, de leur source d’alimentation ou de zones leur permettant de se déplacer. Si l’abandon des pesticides de synthèse est essentiel pour limiter les pollutions des sols, de l’air et de l’eau, il doit être concomitant au déploiement d’espaces naturels plus diversifiés (haies, jachères fleuries, mares, etc.) pour préserver et restaurer la biodiversité ordinaire.

 

 


Quels leviers mobiliser pour lever les freins à la démarche Zéro Phyto ?

Pour lever les freins existants, la mise en place d’une démarche Zéro Phyto doit passer par :

  • Une impulsion forte du changement, en s’appuyant sur les élus, les initiatives internes, les dispositifs nationaux d’engagement en faveur de la biodiversité (comme « Territoire engagé pour la Nature » de l’OFB) ou encore les avancées réglementaires en faveur du Zéro Phyto ;
  • L’acquisition des connaissances et des compétences nécessaires, en créant des partenariats avec des parties prenantes (citoyens, associations naturalistes), en réalisant un diagnostic écologique et un suivi, en se formant sur le sujet ou en expérimentant sur des sites pilotes. L’objectif est également de se reposer sur des prestataires et fournisseurs porteurs d’ambitions écologiques ;
  • La mise en œuvre d’une démarche robuste économiquement, via une conception des espaces verts minimisant l’entretien en aval, la mise en place d’une gestion différenciée et la valorisation de l’attractivité du territoire ;
  • L’anticipation pour intégrer la gestion Zéro Phyto dans le plan de charge des équipes (via notamment la cartographie des espaces verts et la réalisation d’un plan de gestion différenciée) ;
  • Une vision de long terme, correspondant au rythme des écosystèmes et de la gestion durable de la diversité biologique ;
  • La nécessité d’être progressif, pour permettre une meilleure acceptabilité et valorisation des actions ;
  • La valorisation de la démarche Zéro Phyto, grâce à la création d’outils de communication et la labellisation.

 

L’exemple de la gestion écologique des cimetières de Meudon (92)

À Meudon, la totalité des espaces verts sont gérés en Zéro Phyto depuis 2007, sauf les cimetières où un traitement herbicide était encore effectué sur les inter-tombes jusqu’en 2019. Dans une logique d’amélioration progressive, la ville s’est engagée en 2019 dans l’initiative « Territoire engagé pour la Nature », ce qui lui permet de bénéficier d’un accompagnement technique de l’Agence Régionale de la Biodiversité Île-de-France pour atteindre son objectif de Zéro Phyto en 2020 sur le cimetière des Longs Réages. La ville de Meudon est de plus accompagnée par le programme Nature 2050 dans la déminéralisation et la végétalisation du cimetière, dans le cadre de l’appel à projets « Métropole du Grand Paris – Nature 2050 ».

Un travail important a été réalisé sur le réaménagement des cimetières, dans une logique préventive :

  • Tous les espaces ont été systématiquement paillés, à l’instar des massifs hivernaux, afin d’éviter tout sol nu ;
  • Dans le cimetière de Trivaux, des prairies fleuries et sauvages ont été créées, tout en gardant une bande tondue, afin de montrer que la zone a volontairement été laissée sauvage (pour favoriser l’acceptabilité) ;
  • Les allées du cimetière, à l’origine gravillonnées, sont en cours de végétalisation (en enlevant une couche de gravillons et en semant un mélange d’espèces locales) sur le cimetière des Longs Réages ;
  • Les pieds d’arbres ont eux aussi été végétalisés ou laissés colonisés par des végétaux spontanés dans le cimetière de Trivaux ;
  • Dans le cimetière des Longs Réages, des arbres ont été plantés, le massif d’entrée a été agrandi et des plantes grimpantes végétalisent dorénavant les murs du cimetière. Un espace dédié au compostage et au recyclage a également été créé ;
  • Au-delà des cimetières, des îlots végétalisés ont été créés à proximité de ceux-ci et des habitats pour la faune ont été aménagés, notamment via des roches percées (abri pour la petite faune, principalement des insectes).

 

Si les méthodes préventives représentent une large majorité des actions engagées, certaines méthodes curatives sont aussi utilisées. Le désherbage est majoritairement manuel pour les pieds d’arbre et les massifs. Il peut être fait mécaniquement grâce à un rotofil. Quelle que soit la méthode employée, le désherbage est toujours réalisé pour conserver les végétaux spontanés et cibler seulement les espèces indésirées.

Des produits alternatifs pour se substituer aux pesticides de synthèse sont utilisés sur les sites de production et peuvent l’être dans les cimetières : purin d’ortie, purin de prêle, savon noir, cosse de sarrasin (pour remplacer les granulés anti-limaces). La lutte intégrée fait aussi partie des stratégies privilégiées par la ville de Meudon, à travers des pièges à phéromones et des auxiliaires.

Si ce changement de pratiques sur le cimetière est important, l’entretien de celui-ci se fait à coûts constants pour la collectivité. En effet, le surplus de travail occasionné par le désherbage manuel dans les cimetières a été absorbé par la gestion différenciée réalisée au niveau de l’ensemble des espaces verts de la ville : diminution du temps de tonte (grâce à la tonte différenciée, aux prairies naturelles et au mulching), d’entretien des espaces verts (couverture du sol plus grande et utilisation de vivaces) et d’arrosage (utilisation de plantes économes en eau).

 

Conclusion

Les retours d’expérience quant aux démarches Zéro Phyto initiées sont unanimes : malgré les difficultés à surmonter et les efforts à engager, les résultats obtenus permettent un véritable effet cliquet, qui empêche le retour en arrière du processus une fois celui-ci mis en œuvre. Ceci s’explique par un résultat gagnant-gagnant à la fois pour les différents acteurs engagés dans le processus et la diversité biologique qui se développe.

À cet égard, la publication « Le Zéro Phyto dans nos lieux de vie : solutions et mise en œuvre » de la Mission Économie de la Biodiversité de CDC Biodiversité, réalisée en partenariat avec l’association Noé, offre les clés d’analyse aux collectivités territoriales pour mettre en place une démarche Zéro Phyto permettant de tendre vers une action en faveur du vivant.