Le bâtiment[1] est à l’origine d’environ un tiers des émissions de CO2 produites par l’Union européenne. C’est une des raisons pour lesquelles le vieux continent a décidé de faire de la rénovation énergétique des bâtiments le fer de lance de son action pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Mais cet enjeu majeur – qui revient à doubler le taux de rénovation énergétique annuel en Europe d’ici 2030 (35 millions d’unités rénovées d’ici 2030 !), à combattre la précarité énergétique, à accélérer la décarbonation du chauffage et de la climatisation… - recouvre une réalité de projets multiples, souvent de petite taille, avec des impacts environnementaux diffus. Pour qu’une politique en la matière soit réellement efficace en termes de transition environnementale, elle doit permettre une massification sans précédent des travaux d’efficacité énergétique, une véritable « vague de rénovation » - nom de la stratégie publiée le 14 octobre dernier par la Commission – qui concerne non seulement le neuf, mais aussi l’existant, le logement mais également les bâtiments industriels, les propriétaires publics comme les propriétaires individuels…

Quels instruments la Commission compte-telle mobiliser pour susciter cette vague verte ? Au-delà des instruments règlementaires à sa disposition, comment compte-t-elle financer ces travaux ?

 

1. Comment susciter cette vague ?

En adoptant une stratégie qui joue sur tous les leviers disponibles au niveau européen : instruments règlementaires, certification, instruments financiers, formation de la main d’œuvre, accompagnement des maîtres d’ouvrage, mesures en faveur de l’innovation, adaptation de la filière…

 

2. Comment l’alimenter ?

Mais au-delà de l’incitation, de la contrainte ou de l’accompagnement, la Commission prévoit également que les différents financements européens prévus dans le futur budget européen puissent être mobilisés au service de cette vague de rénovation :

  • Les Fonds européens structurels et d’investissement (FESI), parmi lesquels le Fonds européen de développement régional (FEDER). Directement géré par les Régions en France, le FEDER constitue une enveloppe de subventions et/ou d’instruments financiers que chaque Région alloue à des objectifs définis dans le cadre d’un programme opérationnel. Pour la période de programmation 2021-2027, la rénovation énergétique des bâtiments pourra ainsi être financée à travers l’Objectif spécifique 2 « Une Europe plus verte » du FEDER.
  • Le nouveau plan d’investissement européen InvestEU. Successeur du plan Juncker, ce nouveau plan d’investissement pour 2021-2027 contient un fonds de garantie destiné à catalyser les investissements publics et privés grâce à son effet levier. Réparti à travers 4 fenêtres thématiques, la rénovation énergétique des bâtiments pourra notamment trouver sa place dans les fenêtres « Infrastructures durables » et « Investissements sociaux ».
  • Le Mécanisme de transition juste déploiera trois types d’outils (garantie, subventions, et prêts) sur 2021-2027 pour financer la transition écologique et énergétique des territoires les plus dépendants du carbone, y compris les opérations de rénovation énergétique des bâtiments.
  • Enfin, la crise économique et sociale provoquée par l’épidémie de la COVID-19 a conduit les Etats-membres à s’accorder pour la création d’un fonds de relance[2], appelé Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)[3], dont 37% devront être alloués à des objectifs climatiques. Les Etats, bénéficiaires de cette facilité, préciseront le fléchage de ces fonds dans leurs plans nationaux de relance[4], l’efficacité énergétique des bâtiments y sera indiquée avec le flagship « Renovate ». Ces fonds sont à utiliser d’ici 2023.

 

Mais un financement seul ne permet pas toujours la mise en œuvre effective des projets. L’Union européenne propose aussi un panel d’outils d’assistance technique pour soutenir leur préparation et leur mise en œuvre :

  • InvestEU, à nouveau qui contient, en outre du fonds de garantie mentionné plus haut, une enveloppe d’assistance technique distribuée sous forme de subventions. Il s’agit du InvestEU Advisory Hub.
  • Le Mécanisme européen d’assistance technique pour les projets d’efficacité énergétique locaux de la BEI, dit ELENA constitue une offre d’assistance technique qui apporte un soutien aux gros programmes d’investissement[5].

 

3. Comment l’amplifier ?

La vague ne pourra atteindre les proportions recherchées que si elle bénéficie de l’appui des acteurs économiques, mais également du financement des institutions financières publiques et privées qui interviennent dans ce secteur.

A ce titre, la Banque européenne d’investissement (BEI) met ainsi à disposition des financements pour la rénovation énergétique des bâtiments. Sa politique de prêts dédiée à l’énergie propre compte entre 2,5 et 5 milliards d’euros par an dédiés à des projets d’efficacité énergétique.

 

En tant qu’institution financière publique au service des territoires, le le groupe Caisse des Dépôts a une action très engagée en faveur de l’investissement dans l’efficacité énergétique des bâtiments publics et du logement social notamment. Dans son plan de relance mis en place face à la pandémie, il prévoit de dédier 40 milliards d’euros au climat[6], dont une partie sera consacrée à la rénovation thermique de 22 millions de m2 de logements sociaux et de bureaux. Le groupe Caisse des Dépôts s’est également engagé le 15 septembre dernier dans un partenariat avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), la BEI et la Banque de Développement du Conseil de l’Europe (CEB) pour faciliter l’accès des organismes de logement social en France aux financements européens pour les investissements de long terme dans le logement social, avec une perspective notamment d’amélioration de leur performance énergétique.

 

Le Groupe a également une action directe sur les instruments européens pour 2021-2027. En devenant partenaire de mise en œuvre de la Commission européenne, il pourra donc directement gérer une partie[7] de l’enveloppe du fonds de garantie et de l’assistance technique sur 2021-2027. Le Groupe se mobilise pour créer et renforcer les synergies entre les outils nationaux et européens, notamment sur le thème de l’efficacité énergétique.

 

 

[1] La chaîne de valeur globale (de la construction à la consommation du bénéficiaire final)

[2] Accord du Conseil européen du 21.07.2020

[3] La France est censée obtenir 40mds d’euros, à utiliser sur 2020-2023. 

[4] Plans pour la reprise et la résilience à remettre à la Commission européenne au plus tard en avril 2021

[5] En général supérieurs à 30 millions d’euros

[6] Banque du climat

[7] 25%

L'auteur :

Caroline François-Marsal est diplômée en affaires publiques européennes du Collège d’Europe de Bruges en Belgique (2019) et de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2018). Elle a intégré le Groupe Caisse des Dépôts en septembre 2019, au sein de la direction des relations institutionnelles, internationales et européennes. En tant que conseillère Europe, elle travaille à renforcer les articulations entre les financements européens avec l’offre du Groupe, notamment les Fonds européens structurels et d’investissement, le plan InvestEU, ou encore le hub d’assistance technique de la Banque européenne d’investissement.