La préservation, et plus que jamais la restauration, de la biodiversité ne sont-elles que des ambitions conservatoires, considérant la faune et la flore uniquement comme un patrimoine à transmettre ? L’Humain, notamment dans les sociétés occidentales, s’est peu à peu déconnecté de son environnement naturel, physiquement et mentalement, jusqu’à se considérer comme un élément à part (au-dessus) du reste de la biosphère. Or, la vie humaine est bien dépendante du fragile équilibre écosystémique dans lequel il évolue, dont on ne connait pas encore la totale complexité. La biodiversité est bien l’un des fondements de cet équilibre global, et constitue de ce fait un enjeu de santé publique, voire de survie.

La biodiversité, pilier de la santé environnementale et humaine

La préservation des écosystèmes naturels est indispensable à la qualité du contexte environnemental dans lequel nous vivons, la qualité de l’eau que nous buvons, de l’air que nous respirons, qui sont des enjeux de sécurité sanitaire, auxquels s’ajoute la maîtrise de l’ambiance thermique actuellement en surchauffe dans les villes, sous l’effet du changement climatique.

La biodiversité est également un maillon essentiel de l’alimentation, et surtout d’une alimentation de qualité. Les pollinisateurs sont évidemment au centre de la production végétale, mais la biodiversité joue également un rôle majeur dans la fertilité des sols, garantie par le maintien de sols vivants dépendant de tout un écosystème végétal et animal. C’est ainsi que les effets de l’utilisation des phytosanitaires sur cet écosystème mettent en péril l’alimentation humaine.

Par ailleurs, la proximité et la fréquence des contacts avec la nature est l’un des piliers reconnus du bien-être et de la santé mentale. C’est ce que démontrent des études scientifiques récentes, notamment celles du King’s College de Londres, affirmant que la diversité naturelle des espaces verts accessibles à un individu impacte directement et positivement sa santé mentale, de manière croissante avec l’exposition à chaque caractéristique naturelle supplémentaire. D’ailleurs, ce besoin express et vital de nature s'est largement exprimé dès lors que les populations en ont été privé lors de la crise du Covid.

La biodiversité qui nous soigne

La diversité végétale a fondé la médecine depuis la préhistoire. Les néanderthaliens utilisaient par exemple l’écorce de peuplier pour soigner leurs abcès dentaires. Les tablettes d’argile des populations sumériennes évoquent les plantes médicinales, tout comme les papyrus de l’Égypte antique, ou encore le serment d’Hippocrate en Grèce reconnaissant des centaines de plantes utiles à la santé humaine.

Aujourd'hui, la biodiversité inspire les innovations thérapeutiques. La chercheuse Ingrid Arnaudin (CNRS LIENSs– La Rochelle Université), spécialiste en Biotechnologies thérapeutiques développe de nouvelles molécules naturelles contre le cancer à base d’algues brunes et d’algues rouges, avec l’espoir de disposer, à terme, de nouveaux médicaments anti-cancéreux bio-sourcés efficaces contre les formes les plus agressives.

Des actions de préservation de la biodiversité pour lutter contre les risques sanitaires qu’elle génère

Le risque zoonotique peut être accru par l’érosion de la biodiversité via des facteurs écologiques (destruction et fragmentation des habitats, rupture des chaînes trophiques…), épidémiologiques (perturbation/réorganisation des communautés écologiques) et adaptatifs (changements comportementaux). Ainsi, la préservation de zones protégées, excluant l’intervention humaine, permettraient de limiter les contacts entre la faune sauvage et la faune domestique et les humains, évitant ainsi la propagation d'épidémies.

« One Health », un référentiel pour traduire ces enjeux de santé globale à l’échelle des politiques territoriales

Le lien entre biodiversité et santé humaine est aujourd'hui reconnu à l'échelle mondiale par l’approche « One Health » ou « une seule santé », qui appréhende les liens complexes entre la santé animale, la santé humaine et l’environnement dans une approche globale des enjeux sanitaires. Le groupe de haut niveau « Une seule santé », qui réunit des experts de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) donne ainsi cette définition du concept : « One Health est une approche intégrée et fédératrice qui vise à équilibrer et optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Elle reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement au sens large est étroitement liée et interdépendante. ». L’application de ce concept à l’échelle des collectivités territoriales, tel un référentiel des politiques publiques, notamment d’aménagement, permettrait ainsi de donner un nouveau sens et davantage d’ampleur aux actions de protection et de restauration de la biodiversité.

Dès lors, pouvons-nous encore invoquer aujourd’hui le principe de priorité donnée aux besoins humains sur ceux des écosystèmes et des espèces animales et végétales ? Au regard de ces éléments, ce raisonnement ne tient pas car nous sommes interdépendants, et notre (sur)vie, ne peut être envisagée sereinement sans une biosphère en bonne santé et robuste. Il est donc nécessaire de reconsidérer cette priorisation anthropocentrée pour considérer la santé environnementale comme un préalable nécessaire à la santé humaine. En ce sens , les territoires doivent se saisir davantage des outils que sont les Schémas de Trame Verte et Bleue, les stratégies Biodiversité et de Renaturation, afin d’agir sur ce levier de la prévention sanitaire.