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Crédit ©S. Leitenberger / AdobeStock
Depuis près d’une décennie, le secteur HLM investit massivement dans la réhabilitation du parc social. C’est notamment le cas des bailleurs sociaux situés dans le nord, l’est et le centre de l’hexagone : comme il y fait plus froid l’hiver, les besoins de chauffage y sont plus élevés, ce qui contraint les bailleurs dans ces territoires à réhabiliter plus et de façon plus ambitieuse. Ainsi, la zone climatique a une incidence sur le rythme et le coût de la réhabilitation du parc social à l’échelle locale.
La France hexagonale se compose de trois grandes zones climatiques, définies par leurs températures hivernales. La zone climatique H1 comprend les régions où les hivers sont les plus froids (Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est…). La zone climatique H2 est quant à elle définie par des hivers plus tempérés (Bretagne, Pays de la Loire…). Enfin, la zone climatique H3 est caractérisée par les hivers les plus cléments et comprend les départements méditerranéens (Figure 1, ci-dessous)[1].
Pour garantir une même température intérieure lorsqu’il fait plus froid à l’extérieur, les besoins énergétiques de chauffage augmentent de façon concomitante. Ainsi, dans le nord, l’est et le centre de l’hexagone (H1), où il fait plus froid en période de chauffe, les besoins de chauffage dépassent de 50 % les besoins de chauffage des départements méditerranéens, où il fait moins froid l’hiver (Figure 2, ci-après).
Le diagnostic de Performance énergétique (DPE) mesure le niveau de performance énergétique des logements en leur attribuant, à partir de critères comme la zone climatique, une note allant de la meilleure performance (étiquette A) jusqu’à la plus dégradée (étiquette G). Le surplus de besoins énergétiques de chauffage lié à la zone climatique est pris en compte dans le calcul du DPE : il impacte défavorablement l’étiquette énergétique. C’est notamment ce qui explique qu’il y a plus de logements énergivores (E, F, G) parmi les régions du nord, de l’est et du centre de l’hexagone : 1/5ème des logements sociaux dans ces régions sont énergivores contre environ 10 % dans le sud et l’ouest de l’hexagone (Figure 3, ci-après).
Compte tenu de la réglementation environnementale qui interdit progressivement à la location les logements énergivores à horizon 2034, cela signifie que les bailleurs sociaux localisés dans la zone H1 doivent en proportion réhabiliter deux fois plus de logements pour que leurs recettes locatives ne baissent pas.
Pour absorber le volume plus élevé de logements sociaux à réhabiliter d’ici 2034, les bailleurs sociaux situés dans les régions du nord, de l’est et du centre de l’hexagone investissent plus dans la réhabilitation thermique. C’est ce qui ressort du bilan de l’Eco-Prêt, qui est une enveloppe de prêts distribuée par la Banque des Territoires et dédiée au financement de la réhabilitation thermique du logement social : dans ces territoires, les opérations de réhabilitation liées à de l’Eco-Prêt ont occupé une part plus élevée des investissements réalisés entre 2016 et 2023 (Figure 5, ci-dessous).
Ainsi, alors que dans la zone climatique H1, les logements qui ont été réhabilités via l’Éco-Prêt pèsent près de 40 % des logements qui ont été réhabilités ou construits sur la période 2016-2023, cette part descend à 26 % pour la zone climatique H2 et à 12 % pour la zone climatique H3. Comme ils sont moins contraints par les effets de la réglementation en matière d’interdictions de location (il y a moins de logements énergivores), les bailleurs sociaux localisés dans le sud et l’ouest de l’hexagone construisent à l’inverse plus de logements afin de s’aligner sur les taux de croissance du parc privé, qui tendent à être plus élevés dans ces territoires que dans le reste de la France (Figure 6, ci-après).
Pour compenser leur bilan énergétique plus dégradé, les bailleurs sociaux localisés dans le nord, l’est et le centre de l’hexagone investissent massivement dans la réhabilitation thermique mais ils parviennent plus difficilement à basculer leurs logements vers une étiquette performante (A ou B) (Figure 7, ci-après).
Ainsi, dans les régions Île-de-France, Normandie, Grand Est et Hauts-de-France (H1), entre 30 % et 40 % des rénovations liées à de l’Eco-Prêt ont permis de basculer vers une étiquette A ou B, tandis que dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie (partie sud de H2 et H3), ce sont plus des ¾ des rénovations liées à de l’Eco-Prêt qui ont mené à une étiquette A ou B. L’enjeu en H1 est moins de basculer les étiquettes du parc social vers des niveaux de performance élevés que d’éradiquer les étiquettes énergivores pour ne pas subir de baisse des recettes locatives.
Il est plus difficile de basculer le parc social vers une étiquette énergétique A ou B en zone H1 car il est plus coûteux de réhabiliter dans ces territoires. Selon notre étude, la dépense additionnelle à concéder pour économiser 100 KWh d’énergie primaire par m² respectivement dans la zone H1 par rapport à la zone H2 et dans la zone H2 par rapport à la zone H3 équivaut à environ 10 % du coût de revient d’une opération de rénovation thermique (Figure 8, ci-après).
Si le coût d’une opération de réhabilitation thermique dépend de paramètres assez spécifiques comme la nature du bâti, l’introduction d’éléments de confort d’usage..., la zone climatique y participe de deux façons. D’une part, dans les zones froides, il faut cibler une plus grande qualité de l’isolation thermique pour basculer vers des étiquettes plus performantes, comme une épaisseur d’isolant plus élevée. D’autre part, comme les étiquettes sont plus dégradées dans ces territoires, les bailleurs sociaux sont confrontés à des coûts marginaux qui sont plus élevés (Figure 9, ci-dessous).
Dans ce graphique, chaque courbe représente le prix de revient modélisé d’une réhabilitation thermique liée à de l’Eco-Prêt en fonction de l’étiquette énergétique de départ. Il montre que chaque kilowattheure d’énergie primaire économisé coûte de plus en plus cher à mesure que l’on bascule vers une étiquette performante (la pente des courbes tend à augmenter lorsque l’on se dirige vers la gauche du graphique). Ce coût marginal augmente d’autant plus que l’étiquette de départ est dégradée. Il y a ainsi des surcoûts propres aux étiquettes les plus dégradées qui peuvent contraindre les bailleurs sociaux dotés d’un parc moins performant, comme ceux localisés dans le nord, l’est et le centre de l’hexagone, à privilégier des rénovations par étape (deux rénovations simples plutôt qu’une seule rénovation ambitieuse), renforcant ainsi le découplage territorial des dynamiques de réhabilitation et de construction de logements sociaux.
Voir l’étude Eclairages n°34 « Stratégie Nationale Bas Carbone, l’impact du climat sur la réhabilitation thermique des logements sociaux » sur le site de la Banque des Territoires. Mars 2025
1] Ces grandes zones climatiques se divisent en plusieurs sous-zones climatiques définies par leurs températures d’été. Notre étude s’est cependant limitée aux grandes zones climatiques hivernales, car l’étiquette du DPE est principalement déterminée par la consommation de chauffage : la climatisation pèse en effet moins de 5 % de la consommation énergétique résidentielle en France contre les ¾ pour le chauffage.