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Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, les villes sont devenues les principaux lieux de consommation de biens et d’énergie principalement produits par des grandes et lointaines entreprises (Galluzzo, 2020). La croissance des grands pôles urbains devrait renforcer cette tendance dont on peut se demander si la crise sanitaire marque réellement la fin compte tenu du développement de la vente à distance et l’hyperconsommation dont les hypermarchés d’abord, puis Amazon sont devenus les symboles.

La crise environnementale avait déjà mis au centre des débats sur la transition écologique le concept de ville productive, notamment à travers des opérations particulières[1]. En France, le PUCA a rejoint le mouvement en lançant en 2020 le programme Ville productive. Avec la crise sanitaire de 2020-2021, la problématique a pris une dimension nouvelle, faisant souvent écho au défi de la souveraineté industrielle et à l’enjeu du maintien de l’activité productive sur le territoire national.

« Ville productive » : une notion au statut hybride

Malgré un usage intensif, cette notion reste à définir, l’absence de conception théorique univoque ou d’auteur référent tel que Sassen pour les villes globales ou Ellison et Glaeser pour les métropoles, donnant à la ville productive un statut hybride et variant selon les champs disciplinaires. Suivant le contexte, quatre conceptions, de portée inégale, s’imposent :

  • La ville productive est un outil de marketing territorial : les architectes proposent un geste créatif visant à créer une identité urbaine claire et identifiable dans le paysage métropolitain européen et mondial. Cette dernière devient alors une ressource à valoriser dans le cadre d’un plan de développement urbain dans lequel l’attractivité du territoire favorise la dynamique économique (Pecqueur, 2006)
  • La ville productive est un vecteur d’intégration sociale : les tenants de cette approche visant à la création d’un modèle économique inclusif (Stratis, 2018, p. 56), promeuvent de nouvelles activités inspirées par la transition écologique (circuits courts et économie circulaire) capables d’absorber une main d’œuvre locale en marge du marché du travail.
  • La ville productive est un territoire nourricier. La déconnexion des personnes de la production alimentaire a conduit à une réaction mettant au cœur de la réflexion l’autoproduction, en d’autres termes, la capacité d’une aire urbaine à produire localement ce qu’elle consomme. Les penseurs de ce courant portent l’idée d’une agriculture urbaine profitant d’un enthousiasme marqué de la part d’habitants désireux de renouer avec la nature comme d’investisseurs voyant dans ces cultures urbaines un business à fort potentiel de rendement
  • La ville productive est une économie durable. Cette vision englobe les trois précédentes dans la mesure où le système économique qu’elle privilégie favorise les activités économiques localement ancrées grâce au développement d’activités de production qui utilisent et valorisent les ressources territoriales et l’occupation d’une population locale. Il s’agit alors de préserver le tissu productif existant et de mettre en place les conditions d’accueil de nouvelles entreprises au sein même de la ville, ce qui permet de rapprocher les lieux de résidence et de production, résolvant par là même, une partie du problème des transports, tout en créant par cette mixité les conditions de sécurisation de l’activité des entreprises. Cette présence va également créer de la valeur ajoutée sociale, environnementale, économique ou financière au bénéfice du milieu dans lequel elle s’exerce.


 

Une approche novatrice de la ville productive

L'avenir des villes dépend d'une transformation profonde du modèle productif et économique et la fabrication peut jouer un rôle fondamental en fournissant les capacités, les compétences et les technologies nécessaires pour les réinventer à partir de nouvelles perspectives écologiques et humaines. L’industrie a un rôle clé à jouer dans ce changement. C’est en cela que la Chaire Ville, Industrie Transition Ecologique portée par EconomiX et l’Ecole des Ponts en partenariat avec l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts propose une approche novatrice de la ville productive.

En effet, si le retour d’activités industrielles concentrées correspondant au modèle de production de masse n’est plus envisageable, les nouveaux modes d’organisation de la production rendent possible la présence d’activités de fabrication, de maintenance et de services liés à l’industrie dans les milieux urbains. FabLabs, espaces de co-working et tiers lieux sont les figures emblématiques mais aussi restrictives des villes qui voient leur avenir dans le productif.

En outre, si des expérimentations nombreuses ont pu naître et se développer sous l’égide de l’économie circulaire, le passage à l’échelle via la création de nouveaux opérateurs, de nouvelles filières ou de nouveaux marchés s’avère plus difficile à organiser. Enfin, au-delà des nouveaux espaces de « production artisanale » permis par les progrès du numérique, la notion de ville productive appelle également des questionnements sur le maintien, voire le développement, d’activités intensives en capital et souvent consommatrices d’espace, dans des territoires où le foncier apparaît de plus en plus difficile à mobiliser pour ce type d’activités.

Les travaux portés par les membres de la chaire partent de situations concrètes (Flers, Vire, Brest, La Métropole européenne de Lille, etc.) dont ils analysent en profondeur la structuration, ce travail de fond leur permettant de proposer des actions en vue de la relocalisation de la production et du rapprochement des lieux de production et de consommation des biens rendue nécessaire par la transition écologique.

Par cette action de médiation scientifique, la chaire « Ville, Industrie et Transition Ecologique » offre un cadre de structuration des réflexions sur la ville productive tout en éclairant les décideurs sur les conditions permissives de la présence des activités de production dans les territoires urbains, et les formes industrielles au sens large compatibles avec cette réorganisation des espaces économiques.

 

Consulter les publications de la Chaire Ville, industrie et Transition écologique
 

[1] (Bruxelles ville productive en 2012, Thématique du concours Europan en 2015 ou la Biennale de Rotterdam 2015-2016).