L’humanité est aujourd’hui confrontée aux plus grands défis environnementaux de son histoire : partie prenante du vivant, elle en épuise les ressources jusqu’à provoquer une extinction massive des espèces animales et végétales ; étroitement dépendante des conditions climatiques, elle provoque, par ses activités émettrices de carbone, un réchauffement qui peut remettre en cause la possibilité de vivre sur des parties importantes de la planète. Nous savons toutefois que chacun peut contribuer à son échelle et dans son environnement proche à une reprise de contrôle sur ce double phénomène.

Le paysage au coeur des projets de territoire

Mais il faut pour cela des modifications importantes de nos pratiques économiques et sociales. Celles-ci ne seront admises, du moins dans une société démocratique, que si elles sont à la fois équitables et agréables, que si elles procurent à nos concitoyens un bien-être réel, immédiat et quotidien, en contrepartie des changements de mode de vie qu’il aura adoptés pour assurer à sa descendance un avenir soutenable dans un environnement restauré.

L’approche paysagère de l’environnement permet de relever ce formidable défi :

  • elle prend en compte nos territoires de vie de manière globale et non parcellisée,
  • elle fait appel à notre sensibilité et non au seul raisonnement technique,
  • elle offre à chacun une possibilité de prendre part aux aménagements puisqu’elle ne requiert pas de connaissances expertes préalables.

Comme le disaient les hommes de Lumières, elle est une alliance de l’utile (planétaire) et del’agréable (quotidien).
Il s’agit, pour réussir cette transition écologique nécessaire, de redonner une beauté économe et efficace aux espaces où nous habitons, travaillons ou partons nous promener. Il faut cesser
d’analyser séparément les différents usages – habiter, se déplacer, se divertir -. En partant des possibilités propres du territoire et de la compatibilité des usages, il s’agit - pour les habitants de toutes conditions sociales ainsi remis au centre de l’action- de choisir leurs paysages, urbains comme ruraux, et non de subir des transformations incohérentes de leur cadre d’existence, y compris quand elles prétendent remédier aux désordres planétaires.

Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole

Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole se propose de promouvoir cette approche pour faciliter et accélérer la transition écologique.

Le Collectif PAP est un cercle de pensée et d’action composé d’une soixantaine de spécialistes de l’aménagement (agronomes, paysagistes, architectes, urbanistes et chercheurs en sciences sociales,...) conscients de la nécessité d’une évolution de notre modèle actuel de développement. Il contribue à cette évolution en proposant des argumentaires et des actions concrètes à toutes les échelles territoriales et à tous les acteurs de l’aménagement de notre espace.

L’approche paysagère offre des solutions globales, cohérentes, démocratiques et belles aux défis environnementaux contemporains. Le collectif PAP prouve par les analyses qu’il mène, par les exemples qu’il collecte et par les démarches qu’il accompagne que de telles solutions sont possibles.

Son objectif est de mettre le paysage comme démarche de progrès au coeur des politiques publiques !

La métamorphose de la Bouillie à Blois : un projet emblématique

Le projet de reconversion du quartier de la Bouillie, à Blois fournit un exemple très démonstratif de la manière dont l’approche paysagère peut faciliter et accélérer l’adaptation d’un territoire aux conséquences du changement climatique.

La « culture du risque » a largement disparu des mentalités contemporaines: elle réapparaît
lorsqu’un fleuve qui déborde, une tempête qui érode les rivages, une forêt qui brûle en temps de sécheresse rappellent douloureusement leur force dévastatrice à nos concitoyens. Ces phénomènes, avec le dérèglement climatique, acquièrent une fréquence et une ampleur sans précédents. Or, les constructions de digues (qui coûtent cher et qu’il faut entretenir…) s’avèrent moins efficaces qu’un réaménagement de l’espace qui, bien sûr, exige une remise en cause des occupations actuelles (logements, services et activités) du territoire concerné.

Comment faire accepter de tels changements, sinon en proposant l’orientation collective vers d’autres types d’occupation dont la qualité serait équivalente, ou même supérieure ?

C’est là qu’intervient l’approche paysagère. 

Secteur rétréci de la vallée de la Loire, l’agglomération de Blois, régulièrement menacée par les inondations avait été dotée de deux « déversoirs » permettant de réduire le débit du fleuve en période critique. Situé en amont du centre-ville, celui de la Bouillie datait de la fin du 16è siècle, mais avait été progressivement urbanisé à partir du début du 20è siècle et surtout à partir des années 1970, par déplacement dans des pavillons souvent auto-construits, d'une partie des habitants d’un grand ensemble situé au nord de la ville. Les habitations étaient ainsi directement menacées par la mise en fonction du déversoir en cas de crue et l'efficacité de ce dernier pour protéger la ville historique était elle-même amoindrie par l'effet de barrage provoquée par les constructions situées désormais en son travers. Le plan de prévention des risques d’inondation faisait de La Bouillie une « zone rouge ». Cinq ans plus tard, une zone d'aménagement différé autorisait l'agglomération à y préempter les parcelles bâties afin d’y démolir les constructions.

On aurait pu en rester là et attendre la renaturation progressive du déversoir, mais l'agglomération souhaitait mener une politique plus active lui permettant notamment d'accélérer les ventes amiables, et de ne pas laisser se développer un climat d'inquiétude très compréhensible chez les habitants. Ses élus ont donc fait appel, en 2010, à une équipe de paysagistes conduite par Bernard Cavallier (Atelier de l'Ile) afin que soit mis en place avec les habitants concernés eux-mêmes, plusieurs scénarios de projets pour le devenir du quartier.

Le déversoir de la Bouillie à Blois, état des lieux en 2010

© Blois-Agglopolys

Le déversoir de la Bouillie à Blois, état des lieux en 2010

Étude pour le parc agricole urbain de La Bouillie à Blois

© Grégory Morisseau

Étude pour le parc agricole urbain de La Bouillie à Blois

 

Il fallait d'abord rendre compréhensible l'opération de « déconstruction » par une lecture partagée du territoire permettant à chacun de retrouver « le chemin de l'eau ». Il fallait aussi convaincre que le risque d'inondation n'était pas instrumentalisé au profit d'un autre projet d'urbanisation plus ou moins spéculatif. Cette première étape a permis de dégager des « invariants paysagers et spatiaux » communs à tous les scénarios proposés : l'ancien canal d'écoulement des eaux et quelques structures paysagères compatibles avec le caractère potentiellement inondable du quartier : ses marges sont en effet occupées par des maraîchers et des jardins familiaux qui ont parfaitement vocation à rester en place.

Puis quatre options ont été soumises à la concertation, toutes fondées sur des fonctions
valorisantes, très loin du simple délaissement trop souvent appliqué: mise en valeur de la nature, développement de la fonction nourricière, production d'énergie à partir de la biomasse, ou enfin mise en scène de l'élément aquatique lui-même.

La Bouillie à Blois : territoire rendu à la nature

La Bouillie à Blois : territoire rendu à la nature

C'est finalement l'idée d'un « parc agricole urbain » qui a prévalu, paysage résolument nouveau et utilitaire, dont la co-construction avec la population fait un projet extrêmement solide, désormais financé dans la 3ème étape du Plan Loire Grandeur Nature, et inscrit dans un « plan guide » destiné à traduire visuellement les intentions du maître d'ouvrage et à les rendre lisibles aux différentes étapes de sa mise en oeuvre. Une fois encore la « mitigation paysagère » a joué son rôle facilitateur.