Dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, acidification des océans, perturbation du cycle de l’eau… Le dépassement des limites biophysiques de la Terre menace les écosystèmes et le devenir des sociétés humaines. Face à ces défis, la sobriété apparaît comme un enjeu fondamental, notamment au sein des territoires.

A la faveur du contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine, les engagements des collectivités territoriales en matière de sobriété se sont accélérés. Mais est-ce synonyme d’un nouveau projet de territoire, dans lequel la sobriété jouerait un rôle central ? Comment ces enjeux mobilisent-ils sur le territoire ? Comment sont-ils perçus par les acteurs ?

 

Pour répondre à ces questions, le Comité 21 et France Villes et territoires Durables ont lancé une enquête auprès des territoires questionnant l’acceptabilité des actions de sobriété et leur impact conjoncturel ou structurel. Son objectif ?  Faire émerger les pratiques inspirantes, les obstacles et les leviers des politiques de sobriété à l’échelon local et interroger les perspectives pour en faire de véritables leviers de transformation des territoires.

 

Quelle observation des initiatives sur les territoires ? Quelle acceptabilité des actions menées ?

La focalisation des politiques de sobriété sur le sujet de l’énergie ressort en tête des résultats. Ceci est bien sûr expliqué en partie par la crise énergétique de 2022, la flambée des prix de l’énergie ayant constitué une puissante incitation (voire une contrainte) pour que les collectivités réduisent leurs consommations énergétiques.

L’enquête montre également qu’il existe une multitude de façons de mettre en œuvre la sobriété à l’échelle locale. Chaque collectivité définit ses priorités, ses instruments d’action et ses outils de mesure. Cette diversité, si elle est source d’inspiration, rend la réalité difficilement interprétable et témoigne du fait qu’il manque probablement un indicateur ou un faisceau d’indicateurs pour mesurer les effets de la sobriété.  

Enfin, la traduction de la sobriété au niveau local s’agrémente de certains « co-bénéfices », en premier lieu la maîtrise des factures énergétiques des collectivités. Mais la démarche a également permis d’initier une réflexion globale sur les transitions écologique et sociales du territoire, et de traiter d’autres enjeux connexes comme ceux liés à la biodiversité et à l’adaptation au changement climatique.

L’accueil fait aux initiatives de sobriété est contrasté. Dans certaines collectivités, agents et citoyens sont demandeurs de mesures concrètes, tandis que dans d’autres l’impact sur le confort est trop important pour susciter une réelle adhésion. Il convient par ailleurs de noter que la sobriété ne mobilise pas toujours collectivement, avec un manque d’investissement et d’appropriation des acteurs du territoire, et parfois l’absence de concertation dans la mise en œuvre des actions.  

Quelles perspectives pour les démarches de sobriété des collectivités territoriales ?

 La crise énergétique a-t-elle constitué le point de départ d’un vaste mouvement de sobriété ? Les résultats de l’enquête suggèrent une réalité contrastée. Pour certaines collectivités territoriales, la crise a enclenché un mouvement irréversible, alors que pour d’autres une possible baisse des prix de l’énergie pourrait amener un relâchement des efforts de sobriété. Afin d’éviter cette éventualité, il nous apparaît plus que jamais nécessaire de faire de la sobriété un axe structurant des politiques territoriales. Dans cette perspective, une précaution préalable est cependant nécessaire. En effet, pour beaucoup de citoyens, la sobriété n’est pas un idéal mais un vécu subi. Afin d’en faire un projet collectif, une attention toute particulière doit donc être portée aux inégalités (de revenus, de logement…).

La sobriété a toutefois un potentiel fédérateur et systémique, et offre plusieurs leviers d’actions :

  • Parce qu’elle revient à questionner les besoins, elle permet d’éviter, réduire, anticiper les impacts de tout projet sur l’ensemble de son cycle de vie, et peut ainsi être un outil d’arbitrage et un levier pour la juste répartition des efforts individuels et collectifs face aux enjeux socio-environnementaux ;
  • Si on la considère comme une action positive et non comme un simple renoncement, elle doit jouer un rôle bénéfique en réduisant l’empreinte environnementale des activités : sobriété énergétique, foncière, en matériaux, en émissions de carbone, en production de déchets, sobriété financière également, pour mieux redéployer les ressources au bénéfice de la qualité de vie et de la solidarité envers les plus fragiles.

Le territoire sobre, en rapprochant emploi, activités, services et logement, réduit les stress chroniques inhérents aux transports et flux logistiques.  Il préserve les sols fertiles, protège la ressource en eau, régénère la biodiversité et bénéficie ainsi des indispensables services écosystémiques rendus par la nature. En valorisant l’existant (produits manufacturés, bâtiments, infrastructures…) et intensifiant ses usages, le territoire sobre inspire de nouvelles solidarités et de nouvelles pratiques coopératives.  

Il est donc capital de changer de regard sur la sobriété, de ne plus la voir comme une contrainte exogène qui viendrait limiter nos modes de vie mais bien comme un idéal de société différente, nécessitant de transformer nos imaginaires collectifs. Toutefois, passer à une économie de la sobriété ne se décrète pas : il s’agit d’un projet qui se construit dans le dialogue avec les parties prenantes et la coopération. Les collectivités locales, de par leur rôle et effet d’entraînement des acteurs à l’échelle des territoires, sont en première ligne de cette transformation et de la construction d’un nouveau projet partagé. 

 

Aller plus loin :

Couverture Enquête Comité 21 - Quelles pratiques de sobriété dans les collectivités locales

Lire l'étude - Quelles pratiques de sobriété dans les collectivités locales ?

 

 

La Caisse des Dépôts au travers de l’Institut pour la recherche soutient les activités du Comité 21 (Comité français pour l'environnement et le développement durable). Crée en 1995 dans le but de faire vivre en France l’Agenda 21 (programme d’actions pour le XXIe siècle, ratifié au Sommet de la Terre de Rio), le Comité 21 accompagne les organisations dans la mise en place du développement durable.