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La mise en place du Plan national de restauration de la nature (PNRN) fait suite à l'adoption d'un Règlement européen sur la restauration de la nature adopté le 27 février 2024 par le Parlement Européen. L’objectif visé par les pouvoirs publics dans la déclinaison française de la Loi européenne de restauration de la nature est de « mettre en cohérence toutes les mesures qui existent dans les différentes politiques publiques pour mieux prioriser[1] ».
Pour rappel, cette Loi européenne est structurée en deux grands piliers visant à (i) renforcer les directives préexistantes selon une logique surfacique (quotas de surfaces et moyens engagés pour les Directives Habitats faune flore et oiseaux, Directive cadre sur l’eau, directive cadre Stratégie pour le milieu marin) ; (ii) couvrir tous les écosystèmes via une logique d’indicateurs où sera évaluée l’action engagée grâce à l’observation de la progression d’indicateurs cibles[2].
Les enjeux posés par les objectifs de restauration écologique des écosystèmes dégradés sont à l'intersection de problématiques socio-économiques et écologiques : aménagement du territoire et stratégies d'adaptation ou d'atténuation face aux changements globaux, disponibilités ou retour des services rendus par les écosystèmes (eau de qualité et en quantité, fonctions de régulation thermique, régulation antiparasitaire dans les espaces cultivés…). À large échelle, les objectifs de restauration écologique doivent permettre aux écosystèmes de recouvrer leur bon état écologique. Pour servir la réussite d’une telle politique publique, les modalités d’application sous-jacentes au PNRN seront décisives, notamment pour pouvoir suivre le gain écologique sous-jacent aux opérations de restauration et bénéficier de financements additionnels de source privée.
La grande porosité entre cette politique publique et d'autres dispositions législatives pertinentes, telles que les règles relatives à la protection de la nature, aux énergies renouvelables et à l'agriculture ou aux subventions néfastes s’explique en grande partie par l’orientation donnée à la RNL (EU Restoration Natural Law) souhaitant couvrir une très large typologie d’actions allant de la prévention de la détérioration significative des zones couvertes par les types d’habitats identifiés jusqu’à l’amélioration du bon état écologique de ces habitats en passant par la gestion durable ou maintien de l’état écologique. Les orientations du PNRN comme celles de la RNL ont choisi de déborder largement de la définition de la cible 2 du Cadre mondial faisant craindre un melting-pot où toute action favorable à la biodiversité (voire toute politique publique environnementale) sera concernée par la notion de restauration. Sans pouvoir se prononcer a priori, on peut craindre les difficultés auxquelles seront confrontés les services de l’Etat pour piloter le futur PNRN à moins d’en faire un outil de pilotage transverse comprenant des dispositions claires d’additionnalité, de mesure du gain écologique, d’instruments de financement, et de gouvernance, planification et participation des acteurs.
Dans ce contexte, CDC Biodiversité a fait paraître un Cahier d’acteur dans le cadre de la Consultation préalable ouverte par la CNDP (Commission nationale du débat public) à l’été 2025 « Agir pour restaurer la nature ». Il est composé de sept propositions, centrées sur les moyens de mise en œuvre du PNRN. Il s’appuie sur l’expertise historique de CDC Biodiversité en matière de conduite de projets de restauration écologique, de mise en place de solutions de financements de ces projets, et de mesure d’empreinte biodiversité ; et les travaux publiés ou à paraître de CDC Biodiversité et de la Mission économie de la biodiversité.
La notion de restauration englobe un continuum de pratiques plus ou moins interventionnistes qui sont assimilables à la hiérarchie d’atténuation. La restauration écologique désigne l'ensemble du « processus d'aide à la reconstitution d'un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit » pour lui faire recouvrer sa dynamique écologique naturelle et/ou son état indigène (Society for Ecological Restoration et al., 2019). Elle peut donc intégrer des changements de pratiques induisant un évitement ou une réduction de leur impact et des pratiques d’ingénierie naturelle visant à reconstituer des éléments écologiques. Néanmoins, il serait structurant de pouvoir suivre et différencier plus clairement les actions de restauration passive des actions de restauration active en raison de leurs caractéristiques très différentes (en terme d’additionnalité, de pérennité des mesures et de suivi).
Proposition 1 |
Une structuration précise et claire selon un cadre précisant la catégorie d’action sur un milieu – l’action considérée – sa localisation – sa temporalité – ses cibles/ son efficacité – son financement – les acteurs impliqués, permettrait de participer à la clarté du PNRN. |
Proposition 2 |
Mesurer et piloter le gain écologique sous-jacent aux actions du PNRN est un enjeu qu’il faut adresser en priorité du fait de la grande diversité des contextes et actions telles qu’envisagées. Le PNRN peut constituer une opportunité majeure pour définir des méthodologies de calcul de gain interopérables et/ou une méthodologie unifiée[3]. |
Proposition 3 |
La mise en place de méthodologie de calcul de gain interopérables et/ou unifiées favoriserait également la participation du secteur privé au Cadre Mondial et aux objectifs nationaux en leur permettant (i) de définir des trajectoires d’alignement quantifiée dans une métrique synthétique et (ii) de reporter leurs contributions en matière de financement. |
Proposition 4 |
Les enjeux de mesure du gain écologique et d’additionnalité rappellent l’importance d’interopérabiliser ou de rendre cohérent le financement du PNRN avec les travaux engagés en matière de développement d’un marché volontaire de certificats biodiversité à l’échelle française et européenne dans lesquels. |
Proposition 5 |
Le PNRN pourrait agir sur la clarification du statut fiscal et comptable des opérations de restauration écologique volontaire, tant du point de vue des porteurs de projets ou opérateurs de restauration que du point de vue des financeurs ; ces éléments pourraient apporter un effet levier dans la participation du secteur privé et agir comme mécanisme incitatifs. |
Proposition 6 |
Pour adresser les enjeux de planification spatiale de la restauration écologique sur le territoire français, et ceux de financements additionnels de source privée, la création de guichets de territoires destinés à diagnostiquer les besoins de restauration et faire converger porteurs de projets et financeurs/ financements sera structurante. |
Proposition 7 |
Les enjeux de data environnementale doivent être clairement adressés pour permettre à l’ensemble des acteurs d’échanger, de reporter leurs actions, mais aussi de spatialiser et monitorer les données environnementales mobilisées au sein des projets. A terme, de telles données pourront permettre à la France de piloter sa trajectoire biodiversité de manière agrégée. |
Pour approfondir :
https://www.debatpublic.fr/plan-national-de-restauration-de-la-nature-pnrn-6794
[1] Voir la Dépêche n° 731819 de AEF Info du 23 mai 2025
[2] En savoir plus sur le Site de l’OFB à ce lien : https://professionnels.ofb.fr/fr/reglement-europeen-restauration-nature-quelle-application-en-France
[3] Il s’agirait pour de telles méthodologies d’être adaptables à plusieurs systèmes et comparables entre elles en termes de métriques de calcul de gain écologique.