La question des performances énergétiques est au cœur des préoccupations des collectivités territoriales. En cette période de vacances scolaires, les enjeux sanitaires et économiques liés à la rénovation du bâti scolaire apparaissent comme prioritaires. L’État s’est engagé sur ces questions avec la récente publication d’un guide à destination des décideurs, détaillant plusieurs mesures pour atteindre 10 000 écoles rénovées d’ici 2027. Si la rénovation thermique est considérée comme le principal levier d’action, les travaux de végétalisation et désimperméabilisation des cours scolaires font l’objet d’un soutien renforcé. Alors, que la disparition de la biodiversité française est un enjeu à présent bien identifié, il convient d’orienter les maîtres d’ouvrages massivement vers ces solutions en rappelant les différents bénéfices associés.

La fin d’année scolaire 2022 avait été marquée par une canicule historique, obligeant les futurs bacheliers à composer sous une température pouvant atteindre localement plus de 40°C. Cette année, c’est la rentrée des classes qui a été marquée par une vague de chaleur tardive, avec des températures équivalentes dans plusieurs départements. Ces événements extrêmes, nous rappellent que le système éducatif n’est pas épargné par le changement climatique. Le manque de données sur les risques locaux encourus, ainsi que la diversité d’acteurs disposant de leviers pour y répondre, ont participé à rendre difficile la mise en place d’un constat à l’échelle nationale. Néanmoins, face à ces incidents à répétition qui dégradent les conditions d’apprentissage, il est urgent d’adapter les infrastructures scolaires pour permettre aux futures générations de continuer à étudier dans des conditions acceptables.

Des solutions avantageuses

Si les infrastructures éducatives peuvent être exposées à des vulnérabilités, ces dernières disposent de multiples leviers pour y faire face, en particulier en s’appuyant sur les solutions fondées sur la nature (SfN). Il s’agit d’actions visant à « protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés, pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et des avantages pour la biodiversité ».[1]

Parmi la multitude de sites pouvant abriter une SfN, les écoles, collèges et lycées font l’objet d’un intérêt tout particulier. En effet, le ministère de l’Éducation nationale recommande une surface de récréation équivalente en moyenne à 5m² par élève en école maternelle/primaire, 4m² au collège, et entre 1 et 1,5 m² au lycée. Ces infrastructures constituent donc un véritable réservoir foncier à ne pas négliger. Rien que dans la ville de Paris, plus de 70 hectares sont consacrés à ces équipements. De plus, ces projets peuvent offrir de nombreux co-bénéfices. Ils participent à familiariser les élèves à la biodiversité et à sa préservation, à offrir de nouvelles possibilités pédagogiques pour les enseignants, et s’intègrent donc parfaitement dans une démarche d’amélioration des conditions de vie des populations.

Paysage urbain/ Adobe stock/ CDC Biodiversité

Ces projets de renaturation des espaces (modification du revêtement, intégration de zones de pleine terre, végétalisation, système de gestion des eaux de pluies) favorise ainsi le maintien des fonctionnalités écologiques (production de biomasse, infiltration et épuration des eaux, support de biodiversité…). Ce sont ces fonctions qui permettront la production de services écosystémiques répondant à l’enjeu d’adaptation (régulation du climat, régulation de l’eau, régulation de l’érosion, modération des évènements extrêmes). Au moment où 94% de la population française juge important, si ce n’est crucial, de se mobiliser pour protéger et restaurer la biodiversité[2], ces initiatives offrent de nouvelles pistes pour préserver les écosystèmes, tout en réduisant l’exposition des territoires aux risques climatiques.

La question de la mise en œuvre

Pour une collectivité qui souhaiterait mettre en œuvre un projet, plusieurs étapes sont à respecter. Un état des lieux des enjeux énergétiques, climatiques, ainsi que la réalisation d’un inventaire écologique et paysager sont nécessaires à l’identification des vulnérabilités du site et des opportunités d’actions. Cette analyse doit s’accompagner d’une revue des différents documents de planification (SCRE, PGRI, PCAET, PLU) pour s’assurer de la cohérence du projet vis-à-vis du contexte territorial. Il existe encore une incertitude concernant la comptabilisation de la renaturation partielle de ces réserves foncières dans le cadre de l’objectif de zéro d’artificialisation nette (ZAN). En effet, le décret N°2022-763 du 29 avril 2022 ne stipule pas de surface minimale pour considérer une désartificialisation mais des projets de décrets instaurant un seuil minimal de surface sont en cours d’études.

Si les cours de récréation et les préaux peuvent permettre de répondre à des enjeux environnementaux, ces derniers sont soumis à des documents d’urbanisme visant à garantir la sécurité des élèves[3]. Ces projets, en respectant ces impératifs de sécurité, peuvent s’inscrire dans une logique éducative et d’amélioration du cadre de vie des élèves. Pour cela, la diversité de facteurs à prendre en compte qu’ils soient écologiques (perméabilité des sols, mise en place de continuité écologique, lutte contre les îlots de chaleurs) ou sociaux (accès aux personnes à mobilité réduite, diversification des possibilités pédagogiques) nécessite la mise en place d’un processus participatif d’identification des besoins. Dans un souci d’intégration de l’ensemble des enjeux, les équipes pédagogiques qui mobiliseront au quotidien ces infrastructures doivent être associées au projet par la collectivité. C’est par ce processus que les options techniques sélectionnées seront les plus à même de répondre aux problématiques posées[4].

Des perspectives immédiates de développement

Plusieurs sources de financement existent pour soutenir ces projets. Les maîtres d’ouvrages peuvent ainsi recourir à un financement public dans le cadre d’une dotation de soutien à l’investissement local ou par le biais du Fonds vert qui subventionne des actions de renaturation de villes et villages. S’ajoute à cela la mobilisation d’établissements publics comme les Agences de l’eau ou l’ADEME, qui, au titre de leurs compétences peuvent co-financer certains projets. Enfin, la Banque des Territoires dans le cadre du programme ÉduRénov mobilise deux milliards d’euros de prêts, ainsi que 50 millions d’euros de crédits d’ingénierie pour financer la rénovation de 10 000 écoles sur les cinq prochaines années.

Si une partie des ressources mobilisables sont aujourd’hui destinées à l’enjeu d’efficacité énergétique, le volume de financement disponible ainsi que les conditions d’allocation laissent généralement une marge de manœuvre aux acteurs pour permettre d’intégrer les solutions d’adaptation fondées sur la nature dans leurs projets. Dans un contexte où 98% des personnes interrogées ignorent toujours la signification de ce concept[5], la multiplication de renaturation partielle des cours d’écoles, pourrait constituer un vecteur de diffusion des SfN au sein de la population. Les enseignements tirés des différents projets déjà réalisés, nous offrent déjà de nouvelles pistes d’intégration de ces solutions, replaçant ainsi la biodiversité au cœur de notre processus de transition écologique. Il revient à présent aux acteurs décisionnaires de s’en saisir, de proposer et d’innover dans une logique de préservation des fonctionnalités écologiques pour répondre aux enjeux du changement climatique.

 

Aller plus loin

Végétalisation des cours d’école : https://www.cdc-biodiversite.fr/wp-content/uploads/2023/03/PLAQUETTE-CDCB-COUR-DECOLE-PLANCHE-MD.pdf