cicéron
c'est poincarré
Ce texte se rattache à une série de neuf articles issus d’une étude intitulée « Aurons-nous toujours de l'eau ?» conduite par François Bafoil, du CERI-Sciences po., avec le soutien de l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts.
Cette étude repose sur des enquêtes de terrain qui se sont concentrées sur la région Nord-Aquitaine, par le biais d’une quarantaine d’entretiens directs conduits avec des acteurs de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, ceux de la région et des départements de Charente et Charente-Maritime ainsi que des exploitants agricoles. D’autres entretiens ont été conduits dans la région Bretagne, dans celle du Grand Est et de la Beauce dont il sera rendu compte ultérieurement.
Quatre parties composent cette série d’articles : les problématiques de l’eau, la complexité de la gouvernance, l’action locale et une partie conclusive (voir sommaire ci-dessous)
Partie I. Les problématiques de l’eau
1. Le poids de l'histoire : politiques publiques et conflits autour de l'eau
2. Retour sur la sécheresse 2023 : enseignements et projections 2050
3. Les limites de la connaissance de l’eau : enjeu des savoirs et maitrise de l’incertitude
Partie II. La complexité de la gouvernance de l’eau, les programmes territoriaux
4. Sdage et Sage : cadre réglementaire et règles opposables en matière de gestion de l’eau
5. La gestion de l’eau par bassin versant : solidarité et action collective
Partie III. L’action locale
6. Comment sauver nos rivières ? Gemapi, renaturation des cours d’eau : le travail de titan des syndicats de rivière
7. Reconquérir la qualité de l’eau avec le programme régional, Re-Sources
8. Quels outils pour préserver les zones humides et protéger la ressource en eau ? Le CEN
Conclusion
9. L’eau perdue, la confiance aussi ?
Dans les dernières décennies, nombre de cours d’eau en France ont été profondément bouleversés lorsque, pour gagner sur les zones humides et étendre les terres cultivables, les exploitants les ont « déméandrés », recalibrées et endiguées, faisant en sorte que les eaux « rectifiées » s’évacuent le plus rapidement possible.
Résultat : les rivières ne débordent plus aussi régulièrement que par le passé mais à l’inverse, les zones humides ont largement perdu leurs fonctions de captage mais aussi de refuge pour les poissons et autres espèces. Avec elles ont disparu les capacités d’amortissement des débordements d’eau. Les crues sont désormais puissantes et les flux plus rapides en raison du caractère rectiligne des cours d’eau, pesant ainsi davantage sur l’aval[1].
La prise de conscience de la part des acteurs publics de la nécessité impérative du changement date de la fin des années 1990, début 2000, au moment où les directives européennes sur l’eau ont été adoptées. Trois objectifs ont alors été fixés :
En France, l’adoption de la loi GEMAPI a reposé sur l’adoption de la notion de bassin versant qui privilégie la solidarité entre l’amont et l’aval que réclame le partage d’une même ressource. Elle a ainsi fortement contribué à inciter les intercommunalités à s’unir pour assumer la compétence et, par le biais de clés de répartition financières qui leur appartiennent en propre, d’assumer les coûts de leurs missions. C’est pourquoi le rôle premier des syndicats de rivières dits encore « syndicats gemapiens » est d’aménager celles-ci pour en faciliter les flux et défendre contre les inondations, mais aussi de mettre en valeur les milieux aquatiques et plus largement, de les rendre compatibles avec le respect de la biodiversité ainsi qu’avec l’agriculture. Les syndicats de bassin ont ainsi pour tâche de reconquérir les fonds de vallée, de restaurer les lits mineurs, d’assurer la recharge et le transit sédimentaire, ou encore de débuser c’est-à-dire de faire renaitre le cours d’eau, enfoui sous l’effet de remblais, sinon de construction d’habitations, que ce soit en ville ou à la campagne.