Face à l’effondrement de la biodiversité, l’Europe a adopté en 2024 le règlement sur la restauration de la nature. Ce dernier place la restauration des sites Natura 2000 au cœur de ses priorités d’ici 2030. Une nécessité alors que plus de 80 % des habitats naturels sont dégradés au niveau européen[1].  Avec des moyens financiers et humains adaptés, ce vaste réseau qu’est Natura 2000 peut redevenir un instrument central de la restauration des écosystèmes.

L’Europe fixe un cap ambitieux

L’été 2024 a marqué un tournant pour la politique environnementale européenne avec l’adoption du règlement sur la restauration de la nature. Ce texte, fruit d’âpres négociations, fixe des objectifs contraignants pour les États : restaurer 20 % des terres et des mers de l’Union européenne d’ici 2030, puis l’ensemble des écosystèmes dégradés d’ici 2050[2]. Jusqu’en 2030, la restauration se fera de façon prioritaire dans les sites Natura 2000 puisque ces derniers concentrent les habitats d’intérêts communautaires (voir infra) à remettre en bon état.

L’ambition est claire : passer d’une logique de protection à une politique active de restauration de la biodiversité. Car préserver ce qu’il reste ne suffit plus. L’Europe l’a reconnu : il faut réparer ce qui a été détruit.

Pourquoi est-ce si important ? Restaurer la nature permet d’enrayer l’érosion de la biodiversité mais aussi de retrouver des services écosystémiques essentiels dont dépend la résilience de nos sociétés et de nos territoires. Des zones humides qui filtrent l’eau et atténuent les risques d’inondation ; des forêts et des sols qui stockent davantage de carbone et contribuent à la lutte contre le changement climatique ; des sols fertiles et des pollinisateurs qui garantissent une production agricole durable.

Natura 2000 : un géant aux pieds d’argile

Qu’est-ce que Natura 2000 ?

Le réseau Natura 2000 est le principal outil de conservation de la biodiversité de l’Union européenne. Créé dans les années 1990, il repose sur deux textes fondateurs que sont la directive Oiseaux de 1979 et la directive Habitats-Faune-Flore de 1992 Ces deux directives définissent ainsi la liste des habitats et espèces d’intérêt communautaire, c’est-à-dire considérés comme remarquables, menacés ou en danger de disparition. Les sites Natura 2000 sont désignés sur la base de critères scientifiques précis, afin de garantir la préservation de ce patrimoine naturel. Il s’agit ainsi du plus vaste réseau d’aires protégées d’Europe puisqu’il compte 27 522 sites et couvre 18 % des terres et 6 % de l’espace maritime de l’UE.

Sur le papier, Natura 2000 est, par la taille de son réseau et ses modalités de gestion, un outil structurant pour assurer la préservation de la biodiversité. En France, le réseau Natura 2000 compte plus de 1 700 sites qui couvrent environ 13 % du territoire terrestre métropolitain et 11 % des mers. Ils associent par ailleurs les acteurs locaux, comme les communes ou les représentants d’organisations agricoles, à leur gouvernance, via les comités de pilotage et les documents d’objectifs.

Mais la réalité est plus contrastée. Vingt ans après sa mise en œuvre en France, les résultats sont décevants : seuls 20 % des habitats d’intérêt communautaire, sont considérés en bon état de conservation[3]. Malgré son ampleur, Natura 2000 n’a pas permis d’enrayer l’érosion de la biodiversité[4], et ce pour plusieurs raisons :

  • Des moyens financiers et humains insuffisants, qui limitent la mise en œuvre concrète des mesures. Par exemple, un rapport du CGEDD soulignait en 2015 un déficit d’environ 15 % d’équivalents temps plein dédiés aux missions Natura 2000 dans les services de l’État (DREAL, DDT).
  • Des pressions persistantes – intensification agricole, urbanisation, pollutions diffuses, changement climatique – qui affaiblissent les écosystèmes, parfois jusque dans les sites eux-mêmes.
  • Des politiques de préservation de la biodiversité souvent reléguées au second plan face à d’autres politiques publiques, notamment agricoles ou foncières. Ainsi, malgré une obligation européenne de réduire voire d’interdire les pesticides dans les zones Natura 2000[5], la France tarde à l’appliquer, au détriment de la protection de la biodiversité dans ces espaces.[6]

Natura 2000 apparaît ainsi comme un géant aux pieds d’argile : immense par son étendue, fragile dans sa capacité à produire des effets tangibles.

Restauration : changer d’échelle

La mise en œuvre du règlement européen via un plan national de restauration de la nature (PNRN) offre une opportunité historique : transformer Natura 2000 en colonne vertébrale de la restauration des écosystèmes. Pour cela, plusieurs leviers doivent être activés.

Mieux connaître pour mieux agir

La restauration ne peut se faire à l’aveugle. Il faut savoir où concentrer les efforts, quels habitats sont les plus dégradés et où le potentiel de régénération est le plus fort. Cela suppose de développer des outils, comme CarHab, qui offre une cartographie nationale et homogène des différents habitats et de leur état de conservation ou encore d’actualiser les documents d’objectifs (DOCOB) des sites Natura 2000 afin d’y intégrer des trajectoires de restauration chiffrées, fondées sur des diagnostics actualisés et des indicateurs de résultats.  Les animateurs de sites doivent dès à présent être formés et accompagnés pour piloter des projets complexes de restauration. Il ne s’agit pas seulement de maîtriser la concertation locale ou l’animation territoriale, mais aussi de développer des compétences spécifiques, qu’il s’agisse de l’ingénierie de projet ou l’évaluation et le suivi de l’état des écosystèmes.

Financer à la hauteur des enjeux

La restauration a un coût. Les besoins pour Natura 2000 sont estimés à 652 millions d’euros par an en France[7]. À titre de comparaison, les subventions publiques dommageables à la biodiversité atteignaient 10,2 milliards d’euros en 2022[8]. Réorienter une fraction de ces financements, tels que les aides favorisant l’artificialisation des sols (2,9 Md€) ou les dépenses encourageant l’intensification des pratiques agricoles néfastes (248,7 M€) suffirait à combler le déficit.

Il est indispensable que l’État et l’Union européenne fassent de Natura 2000 une véritable priorité budgétaire. Cela passe par orienter davantage les dispositifs existants, comme les contrats Natura 2000 conclus entre l’État et les propriétaires volontaires, vers la restauration ; simplifier l’accès au fonds européens (LIFE, FEADER, FEDER) pour lesquels la charge administrative pour candidater aux programmes reste élevée ; et mettre fin à la concurrence défavorable qui relègue encore la biodiversité derrière d’autres priorités sectorielles.

Gouverner avec les territoires

La réussite de la restauration dans les sites Natura 2000 repose non seulement sur des outils techniques et financiers adaptés mais aussi sur une gouvernance locale inclusive, efficace et pérenne. Aujourd’hui, la force du réseau Natura 2000 réside dans sa capacité d’intégration des acteurs locaux. Ces derniers doivent continuer d’être pleinement impliqués.

Des outils comme les Obligations réelles environnementales (ORE), qui engagent les propriétaires volontaires sur le temps long en échange d’un accompagnement financier ou technique, offrent une voie prometteuse pour sécuriser des opérations de restauration écologique sur les parcelles privées.

Il faut aussi renforcer la place des comités de pilotage dans les instances de planification des différents documents d’urbanisme et de planification (SRADDET, SCoT, PLU), pour que la restauration de la biodiversité cesse d’être un sujet périphérique et devienne un critère central de l’aménagement.

Natura 2000, colonne vertébrale de la restauration

Le règlement européen sur la restauration de la nature offre une opportunité historique que la France se doit de saisir afin de réorienter les politiques publiques en faveur du vivant.  Investir dans la connaissance, les financements et la gouvernance des sites Natura 2000 est un impératif non seulement pour enrayer l’érosion de la biodiversité, mais aussi pour garantir des bénéfices durables : qualité de l’eau, stockage du carbone, sécurité alimentaire, adaptation au changement climatique, santé et bien-être des populations.

Pour aller plus loin

Cet article est tiré du cahier d’acteur réalisé par la FNH dans le cadre de la concertation publique sur le futur Plan national de restauration de la nature.

 

Télécharger le cahier d'acteur : NATURA 2000 : un élément essentiel du plan national de restauration de la nature 

 

 

 

 

 

 

 

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La Caisse des Dépôts soutient les activités de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH). Reconnue d’utilité publique, la FNH œuvre depuis 1990 pour des solutions écologiques et solidaires en élaborant des propositions de politiques publiques qui placent les enjeux écologiques au cœur de la société.

Notes

[1] AGENCE EUROPEENNE DE L’ENVIRONNEMENT (2020), « État de la nature dans l’UE ».

[3] NATUREFRANCE (2018), « État de conservation des habitats naturels »

[5] DIRECTIVE 2009/128/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

[6] Décision du Conseil d’État : CE, 15 novembre 2021, n°437613

[8] IGF, IGEDD (2025), « Moyens publics et pratiques dommageables à la biodiversité »
La FNH a été auditionnée dans le cadre de ce rapport.